Le discours de Trump sur l’état de l’Union : un spectacle de réaction et de militarisme

Le premier discours du président américain Donald Trump sur l’état de l’Union, prononcé mardi soir, était un festival de réaction et de saleté politique. Le discours s’est prolongé pendant plus de 80 minutes, interrompu par les ovations des membres du Sénat et de la Chambre des représentants. Il était rempli d’hommages à la police et à l’armée (ce qui a gagné le soutien particulier des démocrates), d’attaques fascisantes sur les immigrés, et d’invocations de la religion, du patriotisme et du drapeau américain, culminant en hurlements de « USA ! USA ! » pendant la dernière section du discours.

Le discours annuel sur l’état de l’Union s’est depuis longtemps décomposé en un rituel creux, dont le vide essentiel est l’expression de la crise et de la décadence de la démocratie américaine, alourdie par le militarisme et les inégalités économiques effrénées.

Avec Donald Trump, le véritable état de l’Union se révèle, non pas par le torrent sans fin de mensonges façonnés par ses rédacteurs de discours, ni par les personnes qu’ils exploitaient comme des accessoires humains, mais par la personnalité du président lui-même : le premier milliardaire à occuper la Maison Blanche, se félicitant sur l’accomplissement principal de la première année de son mandat : des milliers de milliards de dollars en cadeaux fiscaux pour les sociétés et les super-riches.

Dans un discours qui a rapidement reçu des réponses positives dans les médias, Trump a cité l’augmentation record du marché boursier et la décision des grandes entreprises de rapatrier des fonds aux États-Unis – puisqu’ils peuvent maintenant le faire pratiquement sans impôt – comme si ceci bénéficierait aux travailleurs américains.

Cependant, les efforts de Trump pour dresser le portrait d’un pays en pleine ascension, avec des conditions de vie qui s’améliorent, n’auront pas trompé qui que ce soit. Quelques minutes seulement après avoir prétendu que les Américains n’avaient jamais vécu si bien, il a noté que 64 000 personnes sont mortes de surdoses de drogue en Amérique l’année dernière, un nombre record. C’était une de ses rares concessions à la réalité sociale, que Trump a utilisée pour exiger des pouvoirs accrus pour la police.

Le comportement arrogant de Trump reflétait quelque chose de la conjoncture politique. Les démocrates ont fait semblant de s’opposer aux réductions d’impôts, mais n’ont rien fait pour les arrêter, parce que leur base sociale la plus importante, Wall Street, les soutient avec enthousiasme. Les démocrates ont fait semblant de se battre pour les jeunes immigrés couverts par le programme DACA, mais ont abandonné l’effort après une fermeture de deux jours du gouvernement fédéral. Trump a pris la mesure de cette « opposition » sans conviction et se sent fortifié en conséquence.

Son discours de l’état de l’Union n’a fait aucune concession que ce soit sur l’immigration : Trump a développé le plan publié la semaine dernière par la Maison Blanche, qui lie un lourd processus de légalisation de 12 ans pour les immigrés de l’âge prescrit par DACA à une série de mesures réactionnaires, y compris son mur le long de la frontière américano-mexicaine, un renforcement massif de la police des frontières et de l’immigration, et des restrictions drastiques sur l’immigration légale, limitant les mesures de regroupement familial aux conjoints et aux enfants mineurs.

Trump a fait appel aux préjugés anti-immigrés avec une représentation d’une fausseté grotesque des immigrants comme une menace pour les emplois et même la vie des travailleurs américains, en utilisant le gang salvadorien M-13 – une création des bidonvilles de Los Angeles et du système carcéral américain, non pas du Salvador – en remplacement de l’État islamique dans l’alarmisme du gouvernement américain.

Les principaux démocrates se sont joints aux applaudissements, en particulier lorsque Trump a fait l’éloge de l’armée, de la police, de la police des frontières, de l’immigration et des douanes et d’autres forces répressives. Cela comprenait une ovation bipartite pour le secrétaire à la défense James Mad Dog Mattis, qui se prépare à exécuter les ordres de Trump pour une guerre nucléaire avec la Corée du Nord.

Seules les agences de renseignement ont été omises de la liste, une omission qui était la seule indication dans le discours de Trump de la lutte qui fait rage au sein de l’État américain entre la Maison Blanche et les sections de l’appareil de renseignement militaire.

L’enquête sur la Russie est la seule question sur laquelle les démocrates du Congrès se sont battus avec intransigeance, exprimant les exigences de la CIA et du Pentagone selon lesquelles il ne devrait pas y avoir de changement dans la politique étrangère anti-russe adoptée par l’administration Obama durant son second mandat.

La semaine dernière, le leader démocrate du Congrès, le leader de la minorité sénatoriale, Charles Schumer, a appelé à incorporer dans la nouvelle résolution budgétaire, qui doit être adoptée le 8 février pour empêcher une autre fermeture fédérale, une disposition interdisant le renvoi de Robert Mueller, qui dirige l’enquête russe. Cela ne s’est produit que quelques jours après que Schumer a abandonné les demandes que la résolution du budget inclue ceux qui bénéficient de la protection de la DACA.

Il est inutile de tenter de réfuter point par point les mensonges éhontés du discours de Trump. Il décrivait l’Amérique telle qu’elle est perçue par les milliardaires, pour qui, comme il l’a dit, il semble que tout va pour le mieux avec les cours boursiers et les bénéfices qui montent en flèche, les impôts sur le revenu et les sociétés réduits, les réglementations gouvernementales non appliquées ou abandonnées.

Sur la politique étrangère, Trump en a dit relativement peu, mais tout était réactionnaire. Il a appelé le Congrès à « financer pleinement notre grande armée », a salué les opérations militaires américaines en Syrie, en Irak et en Afghanistan, tout en annonçant qu’il avait signé un décret pour maintenir ouverte la prison de torture américaine à dans la Baie de Guantánamo à Cuba pour incarcérer les nouveaux prisonniers faits dans la « guerre contre la terreur ». Il a insisté pour dire que les prétendus « terroristes » devraient être traités comme des « ennemis combattants » et a précisé que les États-Unis maintiendraient et élargiraient leur réseau de centres de détention et de torture.

Il a menacé Cuba, le Venezuela et l’Iran, ainsi que plus de 100 pays qui ont voté à l’Assemblée générale de l’ONU pour condamner la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël. Il a cité la Corée du Nord comme une menace nucléaire pour les Etats-Unis et a promis une nouvelle augmentation de l’arsenal nucléaire américain.

Le caractère vraiment immonde du discours, de la couverture médiatique et de la cérémonie dans son ensemble ne fait que témoigner de l’exclusion de toute opposition réelle à l’agenda politique et social de l’Amérique des affaires. La politique américaine officielle n’est composée que de degrés plus ou moins intenses de l’extrême droite, du programme pro-capitaliste, pro-CIA du Parti démocrate aux délires fascisants des sections du Parti républicain qui considèrent même Trump comme trop mou sur les immigrés.

La réponse officielle du Parti démocrate, donnée par le représentant du Massachusetts Joseph Kennedy III, petit-fils de Robert F. Kennedy, combinait la posture démagogique, principalement sur le plan de la politique identitaire, mais avec le rajout d’une certaine critique de la course au profit de Wall Street, et d’alarmisme à propos de la Russie. qu’il a accusée de « patauger jusqu’aux genoux dans notre démocratie ».

Cependant, même dans ses moments les plus démagogiques, Kennedy ne pouvait faire aucune référence à la classe ouvrière ni à aucun mouvement d’en bas contre la croissance des inégalités économiques. C’est parce que le Parti démocrate est tout autant un instrument de l’aristocratie patronale et financière que le Parti républicain. Les différences qu’ils ont sur les questions secondaires et de tactique sont subordonnées à une défense commune du système capitaliste, des intérêts de Wall Street et de l’impérialisme américain.

Le discours de L’état de l’Union a montré un président extrêmement dégradé et réactionnaire et une « opposition » impuissante et en faillite. La vraie opposition, à la fois à Trump et au Parti Démocrate, doit venir d’en bas, d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière contre le système capitaliste.

(Article paru en anglais le 31 janvier 2018)

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