Perspectives

Un outil de l'impérialisme: La France insoumise appelle à renforcer l'armée

Un fossé de classe sépare le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) et sa lutte contre la guerre, des partis qui ont longtemps dominé ce qui passait pour la «gauche». Ces forces petites-bourgeoises soutiennent le militarisme et étouffent l'opposition populaire à la poussée vers la guerre. C'est ce que démontre le soutien accordé par La France insoumise (LFI) à la Loi de programmation militaire (LPM) de Macron, qui dépenserait 300 milliards € sur l'armée avant 2024.

Tandis que Macron menace de bombarder la Syrie, l’Allemagne se remilitarise et Washington menace la Russie et la Chine, LFI appelle à la construction de la machine de guerre française. Lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, Mélenchon et deux autres députés du LFI se sont fait l'écho de l'armée, qui exige davantage de dépenses militaires. Leurs déclarations reflétaient les points de vue des sections de l’industrie de la défense et des élites dirigeantes qui veulent bâtir une alliance militaire avec Berlin, financée sur le dos des travailleurs.

Applaudissant les guerres néocoloniales françaises en Afrique, le député LFI Bastien Lachaud a dit: «L’état des armées est déplorable parce qu’il y a eu un sous-investissement chronique sous les précédents quinquennats. On a eu une perte de nombre de soldats, on a eu un matériel qui a vieilli et qui aujourd’hui n’est plus utilisable… Donc oui, aujourd’hui il faut réinvestir dans du matériel».

Les députés LFI ont gardé le silence sur les conséquences des guerres en préparation et sur l’impact social de de telles dépenses militaires sur les travailleurs. Macron impose une austérité budgétaire stricte et donne des cadeaux fiscaux aux riches; il veut donc trouver les milliards pour financer ses guerres en piochant dans les budgets sociaux et dans les poches des travailleurs. Mais Lachaud ne l'a critiqué que parce que Macron ne le fait pas assez vite à son goût.

«Ce que nous reprochons à cette Loi de programmation militaire», a-t-il ajouté, «c’est qu’elle essaie de faire plaisir à tout le monde... Et je rappelle que le général de Villiers (l'ancien chef des armées, NDLR) a démissionné en juillet en expliquant qu’il avait besoin d’une augmentation immédiate de ces moyens, et donc d’une courbe qui monte tout de suite et qui se stabilise vers la fin.»

Le député LFI Alexis Corbière a ensuite pris la parole pour soutenir l’appel de Macron à rétablir le service militaire. Corbière est passé par plusieurs groupes issus de renégats du trotskysme, dont le Mouvement pour un parti ouvrier (MPPT) de Pierre Lambert et la Ligue communiste révolutionnaire (devenue le Nouveau parti anticapitaliste, NPA) pabliste. Il est aussi membre de la commission parlementaire chargée par Macron de planifier la réimposition du service militaire.

Sur l’appel de Macron à un service universel de 3 à 6 mois, il s'est plaint d'un traitement désinvolte de son comité parlementaire par Macron et a ajouté vaguement qu’il y avait «beaucoup de contradictions entre ce qui sera fait et ce qui a été annoncé».

Il a ensuite exigé un service militaire plus long, prétextant que cela réconcilierait le peuple et l’armée: «Je rappelle pour notre part ce qui était dans le programme “l’Avenir en commun” que nous avons porté avec notre candidat à l’élection présidentielle. Nous sommes favorables à un service citoyen obligatoire de neuf mois, qui serait le socle d’une Garde nationale citoyenne qui permettrait de recréer ce lien entre l’Armée et la Nation.»

Ces déclarations donnent raison aux critiques faites par le CIQI et sa section française, le Parti de l’égalité socialiste (PES), de LFI et d'autres groupes de pseudo-gauche proguerre à l'international. On a construit LFI pour servir de piège pour des millions de gens qui ont voté ou participé à la vie sur Internet de LFI pour soutenir la campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017. Ils applaudissaient certaines critiques adressées par LFI du gouvernement PS, de l'austérité sans fin en Europe, et de crimes impérialistes tels que le bombardement de la Syrie par Trump en avril.

Mais les critiques de LFI étaient d'ordre tactique et frauduleuses. Les chefs de LFI les faisaient en tant que partisans petits-bourgeois et pro-impérialistes de la guerre et de l’armée. Mélenchon, Corbière et Lachaud approuvent le militarisme français; ils acceptent d'utiliser des millions de jeunes comme chair à canon dans de nouvelles guerres.

Démasquer les forces telles que LFI est une tâche essentielle dans la lutte du CIQI contre la guerre. Les appareils derrière LFI – la fraction du PS qui l'a quitté pour former le Parti de gauche (PG), le Parti communiste français (PCF) stalinien et divers groupements du NPA — font du bourrage de crâne militariste, ils cherchent à endormir la population. La spécialité de Mélenchon, en particulier, est de minimiser le danger de guerre et de couvrir sa politique militariste avec des attaques populistes réactionnaires contre l’Amérique.

Lorsque Mélenchon a pris la parole, il a essayé de distancer LFI de Macron en le traitant d'outil de Washington contre la Russie et la Chine. Il a dit: «Nous ouvrons à la page 1 (de la LPM), nous trouvons que la dernière déclaration qui a été faite nous annonce que les véritables adversaires que nous aurions sur la planète sont les Russes et les Chinois. Eh bien, ça tombe mal, parce que nous ne pensons absolument pas ça. Nous pensons que cela n’est pas démontré, que ça n’est conforme qu’à des gesticulations des États-Unis d’Amérique pour maintenir leur prééminence mondiale.»

Il a ajouté: «Il y a une montée des tensions qui a été planifiée et organisée par les États-Unis d’Amérique et la coalition militaire qu’ils dirigent, qui est l’OTAN, sur laquelle nous avons alerté ici à plusieurs reprises. La logique de la Loi de programmation militaire et de la pensée de tous les dirigeants politiques français actuels s’inscrit dans les pas du trumpisme.»

Ici, Mélenchon minimise le danger de la guerre, alors même que son organisation se précipite pour financer l’armement des forces armées françaises.

Washington ne fait pas qu'orchestrer de simples «gesticulations». L’impérialisme américain tente désespérément de résoudre une crise objective du capitalisme mondial en faisant planer le risque d'une guerre totale. Trump menace de lancer «le feu et la fureur comme le monde n’en a jamais vu» contre la Corée du Nord à l’occasion de l’anniversaire de l'atomisation d’Hiroshima. 25 ans d’escalade de la rivalité économique et des guerres impérialistes depuis la dissolution stalinienne de l’Union soviétique ont abouti à un effondrement politique de l’ordre géopolitique capitaliste d’après-guerre.

Le conflit entre la production mondiale et le système d’État-nation, qui au XXe siècle ont fait exploser des révolutions et deux guerres mondiales, reprend ses droits. Voulant contrecarrer par les armes la montée économique de ses rivaux, Washington menace la Russie, l’Iran, la Corée du Nord et la Chine de guerres qui entraîneraient, presque inévitablement, le recours aux armes nucléaires. Selon L’Économiste britannique en janvier, «Un conflit d’une ampleur et d’une intensité jamais vues depuis la Seconde Guerre mondiale est à nouveau plausible. Le monde n’y est pas préparé.»

La tâche qui est posée est d’alerter la classe ouvrière à l’imminence du danger de guerre et d’unir les travailleurs – en Amérique, en Europe et à travers le monde – en lutte contre ce danger. La question qu'il faudrait poser à Macron et aux autres chefs d’État de l’OTAN est: quelles sont les conséquences des guerres que vous préparez? Si, comme l’a dit François Hollande en 2015, une «guerre totale» avec la Russie est désormais possible, combien de bombes nucléaires pourraient exploser dans les grandes villes européennes, et combien de millions de morts y aurait-il?

Mais Mélenchon préfère attaquer Macron, affirmant qu’il est aligné avec Trump. En fait, ce n’est pas tant Macron qui est aligné sur Trump, mais Mélenchon qui est aligné sur Macron. Macron a, bien sûr, fait écho aux critiques américaines de la Russie et de la Chine dans la LPM; il existe un réel danger que la France, en tant que membre de l’OTAN, attaque la Russie et la Chine. Mais Mélenchon parle très directement d’autres sections puissantes de la classe dirigeante en France, y compris à l'Élysée, qui prônent une politique différente.

Quand Mélenchon exige des liens plus étroits avec Moscou et Pékin et une politique indépendante, il reprend les appels de Macron à un rapprochement avec la Russie, son voyage cordial en Chine en janvier, et sa tentative de construire une armée européenne indépendante autour de l'axe Berlin-Paris. Cela a provoqué des remarques inquiètes de la part des responsables américains, selon lesquels les projets militaires de l’UE pourraient «scinder» l’alliance entre l’Amérique et l’Europe.

Selon Corbière, «Nous... sommes pour sortir de l’OTAN, plus que jamais. Car nous ne partageons pas les intérêts des États-Unis. Et ce sont les États-Unis qui dominent cette alliance militaire. Ils ont, comme vous le savez, un budget de 600 milliards de dollars, qui constitue leur budget de la défense, 700 bases militaires à travers le monde, et en vérité le complexe militaro-industriel est au volant de l’économie américaine».

Ce ne sont là que des critiques jalouses faites par un impérialisme rival. Toutes les formations au sein de LFI ont rejeté le marxisme et la classe ouvrière il y a plusieurs décennies, pour s'allier au PS, un parti bourgeois fondé après la grève générale de 1968. Au fil des décennies, ils ont adapté de plus en plus directement leur rhétorique stalinienne ou petite-bourgeoise à leurs liens étroits avec l’armée, les banques et les super-riches. L’amitié de Mélenchon avec l’industriel de la défense multimilliardaire Serge Dassault est un cas d'école.

Et, juste après la vibrante dénonciation par Corbière de l'immoralité du complexe militaro-industriel américain, Lachaud a insisté sur l’idée que l'armée française devrait acheter le Rafale, fabriqué par Dassault, qui est selon Lachaud «plus efficace que l’Eurofighter».

Une opposition profonde à la guerre existe parmi les travailleurs à travers l’Europe et le monde, et particulièrement aux États-Unis. En France, l’opposition se développe rapidement face aux attaques contre les acquis sociaux grâce auxquelles Macron veut financer son développement militaire. C'est la base matérielle de la lutte du CIQI pour construire un mouvement antiguerre, anticapitaliste et socialiste dans la classe ouvrière internationale. Un prérequis politique essentiel d’un tel mouvement est une lutte contre le nationalisme réactionnaire et petit-bourgeois véhiculé par LFI.

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