Après l’attentat à Ouagadougou, Macron veut accélérer la militarisation du Sahel

Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, a été secouée vendredi 2 mars par une attaque de deux commandos fortement armés contre l‘ambassade de France et l’état-major des armées burkinabés au centre de la ville. Pendant plusieurs heures l‘armée burkinabé et les forces spéciales françaises se sont livré des combats avec les assaillants. Huits soldats burkinabés ont été tués dans l‘attaque.

Les attaques ont été revendiquées samedi soir par le groupe djihadiste nouvellement formé GSIM (Groupe pour le soutien de l'islam et des musulmans), en représailles d‘opérations menées par les forces françaises Barkhane et Sabre qui ont tué mi-février une vingtaine de ses membres dans le nord du Mali. Ce groupe avait déjà revendiqué la mort de deux officiers français dans l‘est du Mali le 21 février.

«Ce que j'ai vu ici, c'était vraiment des scènes apocalyptiques,» a dit Paul Kaba Thiéba, le premier ministre du Burkina Faso, après une visite au siège de l'état-major fortement endommagé par une attaque à la voiture piégée. Il salua «la mémoire de nos braves soldats tombés (...) les armes à la main».

Selon le ministre de la Sécurité du pays Clément Sawadogo, «le véhicule était bourré d'explosifs, la charge était énorme», occasionnant «d'énormes dégâts» à l'état-major. «Il y avait une réunion sur le G5 Sahel... peut-être qu'elle était visée», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Selon des articles de presse, l'explosion a détruit la salle où devaient se réunir les chefs militaires du G5, l'alliance de pays du Sahel qui soutiennent la guerre française au Mali. L'emplacement de la réunion avait été changé en dernière minute.

Une trentaine de personnes ont été tuées dans l‘attaque et 85 blessées y compris, selon des témoins oculaires, des civils, un bilan jugé «lourd» par la presse africaine. L‘attaque avait causé des scènes de panique dans la ville qui n‘est revenue à un calme relatif que dans l‘après midi, les forces armées ayant été déployées dans la capitale.

Alors que deux attaques terroristes précédentes avaient déjà fait de nombreuses victimes dans un restaurant et un hôtel de Ouagadougou ces deux dernières années, la dernière attaque visait les endroits les mieux sécurisés du pays.

Elle visait aussi directement la France et les armées du G5 (Mauritanie, Mali, Tchad, Burkina Faso et Niger) que celle-ci tente de constituer en «force contre-terroriste» opérant sur l‘ensemble du Sahel, que Paris veut déployer en appoint aux 4000 hommes opérant dans le cadre de l’opération «Barkhane» et installés depuis 4 ans dans la région, principalement au Mali.

«On a l'impression que ce sont des représailles de ces groupes au moment où Emmanuel Macron est en train de faire pression sur le G5 Sahel pour organiser des offensives aux trois frontières du Mali, du Niger et du Burkina Faso», avait estimé samedi le commentateur politique Antoine Glaser.

Peu après l‘attaque le président français Emmanuel Macron a souligné sa «détermination et le plein engagement de la France, aux côtés de ses partenaires du G5 Sahel, dans la lutte contre les mouvements terroristes».

Suite à cette nouvelle attaque des commentaires ont souligné que le Burkina Faso était devenu une cible du terrorisme depuis l’écartement en 2014 de l‘ancien président burkinabé Blaise Compaoré, par un putsch reconnu par la France. Compaoré misait surtout sur des négociations pour éviter l’extension des attaques des groupes terroristes sahéliens au Burkina Faso. L’ancien président compte encore de nombreux partisans dans l'armée qui avait lancé un putsch en 2015 et chassé le gouvernement de transition soutenu par la France, finalement rétabli sur intervention de celle-ci.

GSIM est un groupe issu d‘une fusion en mars 2017 entre plusieurs mouvement islamistes dont Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Eddine et Al Mourabitoune, qui s‘étaient étendus dans la région du Sahel suite à la guerre menée par l‘Otan en Libye en 2011 et à la destruction du régime de Muammar al-Gaddafi. Cette guerre avait dévasté ce pays riche en pétrole et l’avait divisé en zones dominées par des seigneurs de guerre rivaux en rapport avec divers pays impérialistes. Ses conséquences ont déstabilisé toute la région du Sahel.

Le pays sert à présent de zone d’internement pour les réfugiés qui sont enfermés dans des conditions abjectes, rançonnés, torturés et vendus comme esclaves.

La réaction de Macron ne laisse aucun doute quant à une nouvelle intensification de la guerre menée par Paris dans son «pré-carré» néo-colonial avec l‘appui conditionnel de Washington. Cette région aussi étendue que l‘Europe regorge de vastes ressources minérales et énergétiques que Paris et l’UE considèrent essentielles aux profits des multinationales européennes. Cette politique avait causé des protestations de rue contre la visite de Macron à Ouagadougou le 27 novembre, la veille du sommet d‘Abidjan qui annonçait déjà une intensification des guerres néo-coloniales de Paris.

Paris comme les autres pouvoirs européens considère en outre une militarisation du Sahel comme un moyen de stopper le flot de réfugiés africains qui veulent traverser la Méditerranée. En janvier, le parlement allemand a voté l‘augmentation de 350 à 1000 des déploiements de troupes allemandes dans la région, faisant du Mali la plus grande mission extérieure de l’armée allemande.

L‘armée du Burkina Faso, un pays de 19 millions d‘habitants qui compte, comme le Niger parmi les 20 pays les plus pauvres du monde, doit former une partie non négligeable de la nouvelle troupe anti-terroriste de 10 000 hommes devant être mise en place sur initiative de la France.

L’attaque terroriste de la semaine dernière à Ouagadougou, aux conséquences sanglantes pour les burkinabés, est le signe que la politique néocoloniale de la France et de l‘Union européenne est en passe de déclencher un désastre de grande envergure dans toute cette région d‘Afrique. Sa population travailleuse n‘a y gagner qu’une misère encore plus abjecte ou à perdre la vie en tant que «victime collatérale» du terrorisme ou «renfort exposé» des corps d’armée européens.

Loading