Le Canada vante son alliance militaire et stratégique avec Washington pour être exempté des tarifs de Trump

L'annonce du président américain Donald Trump concernant une exemption des tarifs américains sur l'importation d'acier et d'aluminium du Canada est révélatrice de l'étroit partenariat militaire et stratégique qu’Ottawa entretient avec l'impérialisme américain et à quel point le gouvernement libéral de Trudeau est déterminé à se ranger derrière Washington dans ses préparatifs pour le conflit économique et militaire avec ses principaux rivaux, surtout la Chine.

Trump a confirmé l'exemption mardi dernier quand, au nom de la «sécurité nationale», il a annoncé l'imposition de tarifs de 25 et 10% sur toutes les importations d'acier et d'aluminium respectivement.

Les tarifs représentent un pas important vers le démantèlement du cadre économique «libéral» mondial longtemps défendu par Washington, et ont provoqué des réactions de la part de dirigeants gouvernementaux et du patronat de différentes nations qui ont averti que le monde courait le danger d'une guerre économique.

L'exemption de Trump pour le Canada et son autre partenaire de l'ALÉNA, le Mexique, n'est cependant pas accordée sans condition. La Maison-Blanche a indiqué que son maintien dépend d'une résolution rapide et «satisfaisante» de la présente renégociation de l'ALÉNA. En d'autres mots, Washington a l'intention de l'utiliser en tant que moyen de pression pour forcer Ottawa et Mexico City à se plier à ses demandes pour l'ALÉNA. Celles-ci incluent: des limites importantes pour l'accès canadien et mexicain aux contrats d’approvisionnement gouvernementaux américains; le contenu des automobiles doit provenir à 50% des États-Unis et à 85% de l’Amérique du Nord pour que celles-ci soient exemptées de tarifs; et le démantèlement des tarifs douaniers canadiens pour les importations de produits laitiers et de volaille.

De plus, l'exemption indique que le but principal de Washington est de façonner l'ALÉNA en un bloc ouvertement protectionniste à l'encontre des rivaux économiques et militaires de Washington, la Chine et la Russie, mais également contre les puissances européennes, particulièrement l'Allemagne.

L'administration Trump demande à Ottawa de s'assurer que le Canada ne soit pas utilisé par la Chine et d'autres producteurs d'aciers et d'aluminium d'outremer comme une porte d'entrée vers les États-Unis, et Ottawa s'est empressé de se plier à cette condition et d’aider Washington dans sa lutte contre ses rivaux commerciaux.

L'élite dirigeante canadienne a accueilli l'annonce de Trump d'une exemption pour Ottawa par un mélange de soulagement et d'enthousiasme.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l'impérialisme canadien promeut ses intérêts prédateurs à travers le monde en entretenant un partenariat étroit avec Washington. Pendant le dernier quart de siècle, les forces militaires canadiennes ont participé à pratiquement toutes les guerres offensives des États-Unis dans le monde.

Lors de son discours accompagnant la publication de la nouvelle politique de défense du gouvernement libéral l'an dernier, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a célébré le «rôle démesuré» qu'a joué l'impérialisme américain dans l'après-guerre et a promis que le Canada en ferait davantage pour appuyer son plus proche allié dans un contexte où Washington n'est plus capable de maintenir l'hégémonie américaine mondiale seul.

Ce fut également l'argument principal de Trudeau et ses représentants gouvernementaux pour pousser Washington à exempter l'acier et l'aluminium canadien de ses tarifs. D'après les reportages, les conversations clés dans le gain d'une exemption canadienne ont été tenues lorsque le ministre de la Défense Harjit Sajjan a dit au secrétaire de la Défense James Mattis que les États-Unis dépendent de l'acier canadien pour la construction de leurs avions de chasse, et le discours du 5 mars de Trudeau promettant à Trump que «l'acier canadien» serait produit dans des «usines canadiennes» par des «travailleurs canadiens».

Trudeau a intensifié la rhétorique militariste et anti-chinoise de son gouvernement au cours de la semaine dernière, alors qu'il était en tournée pour visiter les usines d'acier et d'aluminium du Québec, de l'Ontario et Saskatchewan afin de se présenter comme un défenseur des «emplois canadiens». «Nous sommes très inquiets des actions de la Chine et du dumping d'acier et d'aluminium sur le marché mondial», a-t-il déclaré, lors de remarques qui auraient tout aussi bien pu provenir de Trump. «Le Canada est déjà extrêmement actif pour la prévention de l'importation d'acier ou d'aluminium provenant de dumping sur les marchés mondiaux, spécifiquement de la Chine, sur notre territoire».

Le premier ministre a ensuite souligné le rôle crucial que joue le Canada en soutien à la machine de guerre américaine, en tant qu'exportateur d'acier et d'aluminium le plus important pour les marchés américains. «L'aluminium canadien est dans vos avions de chasse. L'acier canadien est dans vos chars d’assaut, a-t-il dit, lors d'un discours donné à quelques kilomètres de la base aérienne des Forces armées canadiennes de Bagotville, établie pendant la Deuxième Guerre mondiale pour protéger l'industrie de l’aluminium, importante d'un point de vue stratégique. «Il n'y a pas de meilleur partenaire au monde au niveau de la sécurité... Alors toute la question de la sécurité nationale n’est pas en jeu.»

Trudeau, Freeland et d'autres représentants du gouvernement ont vanté que le gain d'une exemption des tarifs fut le produit d'un effort «d'Équipe Canada». Ceci inclut l'opposition officielle du Parti conservateur, qui a accueilli à bras ouverts le maintien de l'accès libre au marché américain pour l'acier et l'aluminium canadien. Cependant, le critique conservateur pour les Affaires étrangères Erin O'Toole a exhorté le gouvernement Trudeau à aller plus loin encore, déclarant que le Canada devait aligner ses intérêts plus étroitement à ceux des États-Unis afin de préserver le partenariat stratégique bilatéral. O'Toole a dit que ceci incluait la nécessité de se joindre au système de défense antimissile balistique (BMD). Le BMD, malgré son nom, vise à développer les moyens qui permettraient à Washington de mener une guerre nucléaire «victorieuse», et est dirigé principalement contre la Russie et la Chine.

Le rôle des néo-démocrates, le parti social-démocrate officiel au Canada, et des syndicats dans la défense du nationalisme économique et du protectionnisme est d'une importance politique encore plus grande.

Tracey Ramsey, le critique du NPD pour le commerce mondial, a loué les efforts du Canada pour assurer les exemptions. Ramsey a dit, «Ceci a été un effort d'équipe d’intense éducation par la base, je pense, sur le rôle du Canada» (dans la fabrication et la sécurité aux États-Unis).

Le président d'Unifor, Jerry Dias, a exhorté le gouvernement libéral à s'opposer au «chantage commercial» de Trump, une référence à sa tentative d'utiliser l'exemption comme moyen de pression dans les négociations de l'ALÉNA. Dias avait précédemment demandé à Trudeau de se retirer des négociations de l'ALÉNA si le Canada ne bénéficiait pas d'une exemption des tarifs d'acier et d'aluminium.

La bureaucratie syndicale canadienne a fait la promotion systématique du nationalisme pendant plus de trois décennies dans le but d'étouffer la lutte des classes et diviser les travailleurs canadiens de leurs alliés de classe aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Unifor, en particulier, a imposé de nombreux reculs et des suppressions d'emplois au nom de la défense des «emplois canadiens».

Dias et d'autres bureaucrates syndicaux dirigeants ont complimenté Trump pour sa réouverture de l'ALÉNA, affirmant que ses efforts de renforcer un bloc protectionniste nord-américain ont créé des ouvertures pour de «meilleurs contrats» pour les travailleurs. En fait, les négociations n'ont fait qu’illustrer l'intégration sans précédent de toute la bureaucratie syndicale avec l'État capitaliste, où Dias fonctionne en tant que conseiller officiel au gouvernement à toutes les étapes de la renégociation.

Le Syndicat des Métallos (USW, United Steelworkers), qui représente des travailleurs au Canada et aux États-Unis, a accueilli les tarifs américains à bras ouverts, tout en exhortant Trump à rendre l'exemption canadienne permanente. Ken Neumann, le directeur canadien des Métallos, a déclaré, «Notre syndicat a mené le mouvement ouvrier pour expliquer à la Maison-Blanche que le Canada n'est pas le problème.»

Marty Warren, le directeur de Métallos pour l'Ontario et les provinces de l’Atlantique, a été encore plus explicite, fournissant son approbation au prétexte réactionnaire de Trump de sécurité nationale pour lancer une enquête sur l'acier importé. «Les faits confirment qu'il y a beaucoup de pays impliqués dans des pratiques commerciales injustes, illégales et prédatrices qui créent un surplus mondial d'acier et font baisser les prix, touchant tous les marchés d'acier et d'aluminium», a affirmé Warren. «Ces pays “mauvais joueurs”, incluant la Chine, l'Égypte, l'Inde, la Malaisie, la Corée, la Russie, la Turquie et le Vietnam, ont endommagé tout le marché de l’Amérique du Nord. Le Canada n’est pas l’un de ces mauvais joueurs.»

Pour souligner ce point, les Métallos a demandé au gouvernement Trudeau qu'il «agisse afin d'empêcher une vague d'importation d'acier et d'aluminium au Canada qui serait provoquée par les tarifs américains», en d'autres mots, de se ranger derrière la politique protectionniste réactionnaire de l'administration Trump qui fait grimper les tensions internationales entre les grandes puissances et établit les bases de conflits militaires futurs.

Les syndicats poursuivent une politique similaire dans tous les pays. Aux États-Unis, Richard Trumka de l’AFL-CIO a louangé les tarifs comme un «pas de l'avant» dans la lutte contre les «tricheurs» économiques.

Les pressions des syndicats pour le nationalisme économique, et la montée du militarisme et du danger de guerre qui l'accompagne, est la conséquence logique de leurs politiques anti-ouvrières et procapitalistes.

Comme le Parti de l'égalité socialiste a mis en garde dans sa récente déclaration, «Il faut s'opposer à Trudeau et Trump, à l'alliance Canada-États-Unis et à la guerre impérialiste!» «Les travailleurs doivent prendre garde: ceux aujourd’hui qui brandissent les drapeaux canadien et québécois, incitant les travailleurs à se joindre à leurs patrons contre les travailleurs mexicains et chinois, seront demain les sergents recruteurs pour la guerre.»

(Article paru en anglais le 14 mars 2018)

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