Le Canada déploie des «forces de maintien de la paix» au Mali

Le gouvernement libéral du Canada a annoncé lundi qu'il déploierait jusqu'à 250 soldats et six hélicoptères militaires au Mali, pays d'Afrique de l'Ouest.

Bien que le gouvernement et les médias corporatifs présentent la mission comme une mission de «maintien de la paix», les Forces armées canadiennes (FAC) participeront à une guerre néocoloniale et anti-insurrectionnelle au Mali, dans le but de faire progresser les intérêts prédateurs de l'impérialisme canadien sur le continent africain. Les sociétés minières canadiennes ont investi plus d'un milliard de dollars au Mali et selon une estimation de 2014, plus de 30 milliards de dollars à travers l'Afrique.

Lors de leur conférence de presse lundi, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland et le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, ont déclaré que la «force opérationnelle aérienne» des FAC se déploiera au Mali au plus tard en août prochain, remplaçant un contingent allemand présentement qui dirige actuellement la mission des Nations unies au Mali.

Dans ses remarques à la CBC, M. Sajjan a dû admettre que les troupes déployées au Mali fourniraient un soutien logistique aux combattants et se livreraient elles-mêmes au combat. «Ce n'est pas le maintien de la paix du passé», a déclaré le ministre de la Défense du Canada. Il a souligné que les deux hélicoptères de transport blindés des FAC susceptibles d'être déployés seront soutenus par quatre hélicoptères d'attaque Griffin et qu'ils auront le pouvoir d'utiliser la force létale si nécessaire.

Les forces de l'ONU au Mali s'engagent dans des combats réguliers et plusieurs «Casques bleus» meurent chaque mois. Depuis le lancement de la mission en 2013, plus de 160 personnes ont perdu la vie parmi les «soldats de la paix» de l'ONU.

Le général Jonathan Vance, chef d'état-major de la Défense, a déclaré que le nombre de soldats et d'hélicoptères canadiens à déployer pourrait changer à la suite de consultations avec l'Allemagne et les Nations Unies.

La mission de l'ONU au Mali a été lancée en appui à l'intervention de l'impérialisme français dans le pays pour soutenir le gouvernement pro-occidental à Bamako, mis sous pression par des rebelles séparatistes touaregs dans le nord du pays.

La rébellion touarègue était alimentée par des griefs de longue date contre le gouvernement central dans le sud et un afflux d'armes et de militants islamistes à la suite de l'intervention sanglante de l'OTAN en Libye pour renverser Mouammar Kadhafi – une guerre de changement de régime menée par un général canadien et dans laquelle les avions de chasse canadiens ont joué un rôle de premier plan.

L'intervention française a renforcé le gouvernement central du Mali, mais des groupes antigouvernementaux armés restent actifs dans les deux tiers du pays.

La mission du Mali fait partie d'un effort plus large des puissances impérialistes, en particulier la France et l'Allemagne, pour affirmer leurs intérêts et leur domination à travers la région du Sahel riche en minéraux. Paris, l'ancienne puissance coloniale, a des soldats déployés au Burkina Faso, au Tchad, au Niger et dans d'autres pays dans le cadre de l'Opération Barkhane.

En plus d'avoir une importance géostratégique en tant que lien entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne, le Sahel possède d'importants gisements d'or, de cuivre, de phosphates et d'uranium.

La nouvelle ruée vers l'Afrique comprend également l'impérialisme américain, qui mène régulièrement des exercices d'entraînement dans tout le Sahel et qui, au cours de la dernière décennie, a développé un vaste réseau de bases militaires à travers le continent, et de plus en plus la Chine.

Cette situation soulève la possibilité de conflits encore plus sanglants à propos des riches ressources du continent appauvri, conflits dans lesquels le Canada sera impliqué.

Justin Trudeau et son gouvernement libéral savent bien que proclamer ouvertement les vraies raisons pour lesquelles les troupes canadiennes sont envoyées en Afrique provoquerait une réaction publique immédiate.

Lors de la campagne électorale de 2015, les libéraux ont cherché à tirer profit de l'opposition populaire à la guerre en demandant le retrait des chasseurs canadiens du Moyen-Orient et la fin de la «mission de combat» du Canada en Irak et en Syrie. Après leur arrivée au pouvoir, ils ont rapidement inversé la tendance et triplé le nombre de soldats des forces spéciales impliqués dans la plus récente guerre menée par les États-Unis dans la région pétrolière la plus importante du monde.

Ce revirement fait partie d'une politique visant à accroître le rôle du Canada dans les principales offensives militaires et stratégiques de l'impérialisme américain dans le monde. Le gouvernement Trudeau a déployé des troupes en Lettonie et des entraîneurs des FAC en Ukraine, dans le cadre du renforcement militaire des États-Unis et de l'OTAN aux frontières de la Russie. Il a également déployé des navires de guerre en Asie-Pacifique, où Washington menace la Corée du Nord et la Chine.

Le moment de l'annonce du Mali est significatif. Au cours des dernières semaines, notamment depuis le voyage de Trudeau en Inde, où il a été rabroué par New Delhi, les médias et les personnalités influentes de l'élite dirigeante ont vivement critiqué le gouvernement pour n'avoir pas réussi à mettre en œuvre les principaux changements politiques promis. Il s'agit notamment de la privatisation des infrastructures, de nouveaux pipelines pour acheminer le pétrole des sables bitumineux de l'Alberta vers les côtes et l'acquisition de nouveaux avions de chasse et navires de guerre.

Le gouvernement a également été critiqué pour ne pas avoir tenu sa promesse d'apporter une contribution significative au «maintien de la paix» de l'ONU. La France, l'Allemagne et l'UE ont longtemps pressé le Canada de déployer des forces au Mali, qui hésitait avant cette semaine, craignant une réaction hostile du public si des soldats canadiens étaient tués ou impliqués dans des atrocités, par exemple en faisant la guerre à des enfants soldats.

Néanmoins, le gouvernement a tenu à s'associer aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, notamment en organisant une grande conférence sur le sujet à Vancouver en novembre dernier. En effet, il croit que le retour du Canada au maintien de la paix de l'ONU l'aidera à obtenir un siège au Conseil de sécurité de l'ONU en 2020 et, surtout, lui fournira une couverture politique pour une politique étrangère militariste agressive.

En juin dernier, les libéraux ont annoncé une hausse de 70 % des dépenses militaires au cours de la prochaine décennie dans le cadre de leur nouvelle politique de défense. Dans son discours d'ouverture accompagnant l'annonce, Freeland a déclaré que la «force brute» (hard power), c'est-à-dire la guerre, doit être un outil central de la politique étrangère d'Ottawa, comme au siècle dernier où le Canada a été un belligérant important dans les deux guerres mondiales.

La participation aux missions de «maintien de la paix» de l'ONU a toujours été un moyen par lequel l'élite dirigeante canadienne a cherché à faire avancer ses intérêts impérialistes et ceux de ses alliés de l'OTAN, surtout les États-Unis. Lester Pearson, célébré publiquement en tant que fondateur du maintien de la paix de l'ONU, a joué un rôle majeur dans la création de l'OTAN et du NORAD et a appuyé le stationnement de missiles nucléaires américains au Canada.

Le déploiement des FAC au Mali fait partie du recours du gouvernement libéral de Trudeau à la «force brute» pour défendre les intérêts économiques et stratégiques de l'élite dirigeante canadienne.

Les partis d'opposition sont pleinement en accord avec la politique étrangère agressive du gouvernement, même si des différences tactiques existent quant à sa mise en œuvre.

Les conservateurs ont reproché au gouvernement d'avoir qualifié le déploiement au Mali de «maintien de la paix», ce qui pourrait inciter les FAC à accepter des règles d'engagement qui ne sont pas suffisamment agressives et à mettre les troupes canadiennes «en danger». Derrière cette position se cache la crainte que le maintien de la paix en Afrique puisse empêcher le Canada d'approfondir son alliance militaro-stratégique avec son principal partenaire, Washington.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) appuie le déploiement et a en fait réprimandé les libéraux pour avoir agi trop lentement. Démontrant par là ses positions pro-impérialistes – le NPD ayant abandonné son opposition de façade à la participation du Canada à l'OTAN et soutenu toutes les interventions militaires canadiennes depuis les bombardements de la Yougoslavie en 1999 – il a publié une déclaration plus tôt ce mois-ci sur «l'échec des libéraux à contribuer aux missions de maintien de la paix».

«Nous condamnons l'incapacité persistante des libéraux à contribuer à des missions spécifiques de maintien de la paix dans le monde», a déclaré le communiqué publié après la révélation que le Canada n'enverrait pas de forces de sécurité en Colombie pour maintenir l’ordre dans la trêve entre les guérillas des FARC et le gouvernement de droite du pays. Offrant ses services pour mettre en œuvre plus rapidement des interventions militaires étrangères, le NPD a proclamé la nécessité d'une «action urgente en matière de maintien de la paix».

Cette position souligne l'importance que si les travailleurs veulent s'opposer à la guerre et à la violence impérialistes, ils ne peuvent le faire que dans la lutte politique contre le NPD procapitaliste. Seul le combat pour mobiliser la classe ouvrière indépendamment de toutes les factions de la classe dirigeante canadienne et sur la base d'un programme socialiste et internationaliste offre un moyen viable de s'opposer au militarisme et à la guerre.

(Article paru en anglais le 21 mars 2018)

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