Les grèves montent alors que l’Assemblée lance le débat sur la privatisation de la SNCF

Les travailleurs d’Air France font grève aujourd’hui pour exiger des augmentations, après la quatrième journée de grèves perlées contre la réforme de la SNCF voulue par Macron. Les syndicalistes et des étudiants mobilisés contre le Plan étudiant ont également manifesté près de l’Assemblée, où les députés entamaient deux semaines de débat sur le projet de privatisation de la SNCF.

Parmi les cheminots, 75 pour cent des conducteurs et 71 pour cent des contrôleurs étaient en grève hier. Un TGV sur cinq, un TER sur trois et un Intercité sur six circulaient. Selon la direction de la SNCF, la grève a déjà coûté 100 millions d’euros à la société.

Si le pourcentage de cheminots qui se déclaraient en grève était en légère baisse hier, la mobilisation monte et les travailleurs sont de plus en plus méfiants envers la stratégie d’organiser une grève perlée jusqu’au passage de la réforme en juin, voulue par les appareils syndicaux.

A Paris, des syndicalistes et des travailleurs à la Gare du Nord et à la Gare St Lazare ont voté pour autoriser des grèves reconductibles, répudiant de fait la stratégie des appareils, qui continuent aussi à négocier l’austérité avec Macron. C’était en particulier une critique de Philippe Martinez, le chef de la CGT stalinienne, qui a déclaré hier sur Europe1 qu’il ne veut pas un “conflit durable.”

Les syndicalistes rapportent en général que les travailleurs boudent les assemblées générales, mais nombre de cheminots auraient participé à l’AG à la Gare du Nord, ainsi que des étudiants venus de Tolbiac et de Saint Denis. Un cheminot de cette AG a dit à Libération: “Ils se moquent de nous, il faut y aller une bonne fois pour toutes. Il faut le plier, le Macron.”

Un syndiqué CGT a désavoué la politique des syndicats hier à la Gare du Nord: “Je suis CGT, mais je suis pour la reconductible. Pour moi, il faut y aller maintenant, on ne peut pas attendre des semaines comme ça.”

La radicalisation de larges couches de la société française et européenne évolue rapidement, en

direction d’un affrontement avec Macron et l’Union européenne. Le défi principal est de mesurer l’ampleur de la lutte qui se développera quand les travailleurs et les jeunes se lanceront en une lutte contre la politique européenne de militarisme et de guerre. Il n’y aura pas d’issue réformiste par laquelle la classe dirigeante acceptera d’abandonner sa politique.

La montée des mesures policières en Europe, la transposition de l’état d’urgence dans la loi antiterroriste en France et les menaces constantes de l’OTAN d’attaquer la Syrie et la Russie sont autant de preuves que l’élite dirigeante envisage la répression et une escalade militaire. Impulsé par la crise militaire et économique du capitalisme mondial, ils veulent à tout prix imposer leurs réformes et restructurer drastiquement les relations de classe en Europe pour que l’impérialisme français puisse participer à la nouvelle re-division du monde qui s’annonce.

Les travailleurs qui entrent en lutte contre Macron et l’UE ne trouveront d’autre voie que de faire chuter Macron et mobiliser les travailleurs en France et à travers l’Europe dans une lutte pour le pouvoir.

Les reporters du WSWS ont assisté à la manifestation CGT-SUD à Paris près de l’Assemblée nationale, où les députés commençaient à débattre la privatisation de la SNCF. Si les syndicalistes et les législateurs proches des appareils syndicaux ont donné le ton à la réunion, des travailleurs et des jeunes à la manifestation ont fait part au WSWS de leur opposition à l’austérité et à la guerre.

Benjamin a dit au WSWS: “Je suis à la Poste, ce qu’ils programment à la SNCF c’est ce qu’ils nous ont fait à la Poste, et à mon collègue à Orange encore plus. C’est-à-dire aller vers plus de précarité, la concurrence c’est quand même tirer les droits des salariés systématiquement vers le bas, c’est des salaires qui sont bloqués, c’est des services où on se trouve à travailler à côté de gens qui ne sont pas de la même entreprise, en intérim.”
Il a ajouté que les responsables politiques “nous expliquent en permanence qu’il n’y a pas d’argent pour les hôpitaux, pour les écoles, pour tous les services publics. Mais là-dessus, pour acheter des Rafales, ils trouvent toujours de l’argent. Evidemment je ne suis pas pour ça.”

Benjamin a souligné son hostilité aux tentatives de financer les guerres par des mesures d’austérité contre les travailleurs: “Ils nous ont déjà fait le coup avec Saddam Hosseïn, les armes de destruction massive, etc. Après moi je ne suis pas un grand spécialiste de la politique syrienne, mais je pense que c’est les mêmes qui veulent absolument balancer des bombes sur tous ces pays-là qui veulent écraser les travailleurs.”

Deux étudiantes à Tolbiac ont aussi parlé au WSWS pour dire qu’elles étaient venues manifester par solidarité avec les cheminots: “On veut être avec eux, et notamment nous à Tolbiac on organise nous une fête pour les cheminots samedi sur le site de Tolbiac pour apporter un soutien à la caisse de grève. Et on pense que les cheminots sont attaqués en même temps que nous on a le Plan étudiant, on veut en profiter pour construire un rapport de force plus conséquent.”
Elles ont souligné l’impact qu’auraient les attaques de Macron sur les jeunes: “On sait que nous quand il y aura la privatisation il y aura aussi des licenciements, ça touchera le travail et les salaires. On va bientôt entrer sur le marché du travail, très bientôt en fait, et on n’a pas envie

d’avoir des droits sociaux à la baisse, pas de retraite. … On sait que s’il fait passer l’attaque contre les cheminots, ensuite ce sera la fonction publique, ce sera la porte ouverte à d’autres attaques, quoi.”
Elles ont également témoigné de leur méfiance envers les syndicats: “Les confédérations syndicales, SUD-Rail, appellent seulement à une grève perlée de deux jours par semaine, et ce n’est pas suffisant pour faire plier le gouvernement. Macron veut casser le statut des cheminots et les confédérations syndicales n’ont pas un plan à la hauteur.“

Hier, à l’Assemblée, les différents partis reflètent les tentatives de la classe politique d’imposer les réformes tout en tentant de manipuler la montée de l’opposition sociale à Macron.

La ministre des Transports Elisabeth Borne a pris la parole pour présenter le projet de réforme à une Assemblée quasiment vide. Olivier Faure du PS, le parti qui a imposé la loi travail sur laquelle Macron fonde son attaque contre les cheminots, a fait quelques critiques cyniques. Il a prétendu que le PS a des “divergences“ avec le projet de Macron et a mis en garde le président contre la colère des cheminots, des usagers et de la France dans son ensemble.

Les Républicains ont indiqué qu’ils décideraient aujourd’hui s’ils vont s’abstenir ou voter contre la privatisation de la SNCF, pas parce qu’ils s’opposent à l’attaque contre les cheminots, mais parce qu’ils pensent qu’en ayant recours aux ordonnances pour imposer sa réforme, Macron la discrédite. “Pourquoi avoir recours aux ordonnances? On aurait pu faire confiance à l'Assemblée et au Sénat,“ a dit une députée LR au Parisien.

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