Depuis l’adoption, le mois dernier, du projet de loi draconien du président Emmanuel Macron sur l’asile et l’immigration à l’Assemblée nationale française, la colère et la peur montent en flèche parmi les réfugiés et les sans-papiers en France. Cette loi porte atteinte au droit d’asile en réduisant drastiquement le temps accordé aux réfugiés pour faire appel des décisions d’expulsion, tout en augmentant la durée pendant laquelle la police peut détenir des réfugiés.
Maintenant, les réfugiés fuyant les guerres impérialistes menées par les pays de l’OTAN, notamment la France – comme en Irak, Afghanistan, Somalie, Libye, Syrie et au Mali – sont de plus en plus en colères et effrayés par la police française. C’est dans ces conditions que les reporters du WSWS ont visité les camps de fortune à Paris, où 3000 réfugiés, pour la plupart des jeunes nés après la guerre du Golfe contre l’Irak en 1991, sont entassés dans des conditions inhumaines.
Le premier grand camp de réfugiés est constitué de centaines de tentes pour deux personnes, alignées côte à côte comme de petits nids le long du périphérique de Paris et sous des ponts routiers à proximité du parc de la Villette dans le 19ᵉ arrondissement de Paris. L’environnement est contaminé : les matelas sont sales et infestés de punaises, il n’y a que deux toilettes et deux petites points d’eau pour des centaines de personnes, et les réfugiés sont obligés d’attendre des volontaires pour la distribution de nourriture, de vêtements et autres articles essentiels. Beaucoup de gens utilisent l’eau froide du canal Saint-Denis pour se brosser les dents et laver leurs vêtements.
Les réfugiés du camp – qui viennent en grande partie de Somalie, de Soudan et d’Érythrée – étaient très réticents à parler et avaient peur de la répression policière. Un réfugié a déclaré au WSWS : « Le gouvernement ne fait rien pour nous aider. Regarde ici ! C’est le vrai Paris. Nous dormons dans les rues dans des conditions terribles ! »
La plupart des réfugiés ont perdu l’espoir qu’ils pourraient obtenir un visa de résidence permanente et tenter d’obtenir une vie meilleure en France, et sont en colère contre l’élite politique française. Un homme de Somalie a dit seulement : « Nous sommes dans la rue, il n’y a rien pour nous ici, Dieu seul doit nous sauver. »
Le deuxième grand camp a été installé le long du canal Saint-Martin dans le 10ᵉ arrondissement de Paris, à environ 2 kilomètres du camp de La Villette. La plupart des réfugiés qui séjournent dans ce camp sont des hommes afghans âgés de 18 à 35 ans, qui sont forcés de vivre dans les camps sous la menace constante du harcèlement et de la répression policière. Ils ne peuvent pas se promener ou dormir paisiblement, que ce soit de jour ou de nuit.
Un homme afghan de 26 ans qui a perdu cinq membres de sa famille lors d’une attaque américaine contre Jalalabad l’année dernière a parlé au WSWS. Il a dit : « J’ai perdu ma famille. Les Américains sont venus la nuit et ont tiré sur mon père, ma mère, mes deux frères et ma sœur. Quand cela s’est produit, j’étais chez mon oncle et ils ont également tué 30 personnes dans mon village. Après cela, j’ai quitté l’Afghanistan. »
Interrogé sur ce que le gouvernement français a fait pour aider les réfugiés, il a déclaré : « Je viens ici pour sauver ma vie, pas pour gagner de l’argent, mais le gouvernement ne nous aide pas du tout. Ici il n’y a pas de bonne vie, pas de bonne nourriture. Si vous marchez dans les rues, la police exige vos papiers ; si nous ne les avons pas, ils nous emmènent à un poste de police et nous placent en garde à vue pendant 5 à 6 heures dans une petite pièce avec des toilettes malodorantes. »
Il a ajouté : « Certaines personnes nous apportent de la nourriture et d’autres articles tous les soirs et tous les matins. Avec leur aide, nous sommes en mesure de continuer à vivre ici. »
Cependant, la police persécute de plus en plus et impose des amendes aux volontaires qui fournissent de la nourriture, de l’eau et d’autres articles essentiels aux réfugiés à Paris. Le mois dernier, Laurence Ariste, bénévole de Solidarité-Migrants, a déclaré aux médias : « Ils nous ont infligé deux amendes de 135 € chacun, car nous avions deux voitures. Ils ont dit que nous ne pouvions pas distribuer ici. Nous sommes une petite organisation. Nous n’avons pas beaucoup d’argent. S’ils nous collent ces amendes chaque fois, nous ne pouvons pas continuer comme ça. »
En outre, la police a expulsé violemment des personnes des camps de réfugiés dans les rues du quartier de la Porte de la Chapelle à Paris, en volant des affaires des réfugiés, y compris des sacs de couchage et des couvertures. Des hommes, des femmes et des enfants ont été gazés par la police.
Il y a deux semaines seulement, deux jeunes réfugiés sans papiers se sont noyés et sont morts dans les canaux de Saint-Martin et Saint-Denis ; l’un venait de Somalie et l’autre d’Afghanistan.
Les mineurs ont notamment du mal à prouver qu’ils ont moins de 18 ans dans les centres d’accueil des mineurs. Le taux de rejet des jeunes sans carte d’identité validée par les autorités dans les centres est d’environ 80 pour cent. Beaucoup de mineurs passent des mois à essayer de prouver leur âge, dans des conditions où il est impossible d’obtenir des documents appropriés de pays déchirés par la guerre, et se retrouvent à la rue après que les autorités gouvernementales leur refusent un abri.
Sous le mandat de la maire de Paris du Parti socialiste (PS) Anne Hidalgo, le centre d’accueil de la Porte de la Chapelle, communément appelée « la bulle » après l’ouverture par le gouvernement national PS précédent, a été fermé. Les réfugiés qui y ont séjourné temporairement sont à la rue. Macron prévoit de remplacer la « bulle » par cinq centres d’accueil et d’examen de la situation (CAES) dans le 18ᵉ arrondissement de Paris, Ris-Orangis, Cergy, les Hauts-de-Seine et la Seine-et-Marne. Les réfugiés à Paris craignent que ces camps ne soient des pièges pour eux et tentent d’éviter d’y aller pour échapper à un renvoi vers leurs pays déchirés par la guerre.
L’année dernière, 100 412 réfugiés ont déposé une demande d’asile auprès de l’OFPRA (Office de protection des réfugiés et des apatrides), mais seulement 13 020 ont obtenu le statut de réfugié ; 10 985 ont obtenu une protection subsidiaire. Soixante-cinq mille trois cent deux ont été recalés catégoriquement. Cela montre l’ampleur de la crise, même avant la mise en œuvre du nouveau projet draconien de Macron sur l’asile et l’immigration. La nouvelle loi a encore aggravé les conditions pour les demandeurs d’asile, qui n’ont plus que 15 jours pour faire appel d’un refus auprès de la Cour nationale de l’asile (CNDA). Ceci est trop court pour préparer un dossier d’appel.
Telles sont les attaques réactionnaires du gouvernement Macron, qui prend pour sien la rhétorique anti-immigrée et la politique du Front national néo-fasciste. En novembre 2017, environ 300 000 immigrants clandestins et réfugiés vivaient en France. Ce n’est que 0,5 pour cent de la population française. Le gouvernement Macron et les forces néo-fascistes comme le FN attisent la haine anti-migrants pour diviser la classe ouvrière et promouvoir des politiques impopulaires d’austérité et de guerre.
(Article paru en anglais le 21 mai 2018)