Le cauchemar des prisons pour enfants immigrés en Amérique

Un rapport publié mardi par l’Union américaine des libertés civiles (American Civil Liberties Union — ACLU) détaille la brutalisation systématique des enfants immigrés non accompagnés, capturés à la frontière avec le Mexique par la Douane et la Protection des frontières (CBP) des Etats-Unis, de 2009 à 2014. Les méthodes, utilisées sous l’Administration Obama contre ces jeunes rappellent celles de la CIA et des forces d’occupation américaines dans les centres de torture des sites noirs et dans la prison irakienne d’Abu Ghraib.

Selon le rapport, « les fonctionnaires du CBP utilisent régulièrement la force sur les enfants quand une telle force n’est pas objectivement raisonnable ou nécessaire ». Un agent dit à un garçon de 16 ans qu’il allait « le bousiller » et « le jette à terre et frappe sa tête sur le sol avec sa botte ». Des agents renversent un autre enfant avec un camion et lui refusent les soins pour sa jambe cassée. Des agents frappent une jeune fille de 15 ans avec une branche épineuse, et frappent un enfant sur la tête avec une lampe de poche en métal ; ils projettent la tête d’un autre enfant contre un rocher et utilisent des pistolets Taser sur des enfants « pour s’amuser ».

Les agents violent et agressent sexuellement des enfants de façon routinière. Les agents du CBP ont forcé une jeune fille de 16 ans à se déshabiller, « écartèrent ses jambes de force et touchèrent si fort ses parties intimes qu’elle a crié ».

Des agents ont mis un autre enfant dans une pièce et ont dit : « Maintenant, nous fermons la porte, nous allons te violer et te baiser ». Deux agents, un homme et une femme, ont forcé une fille à se déshabiller pendant qu’ils la regardait pendant 15 minutes, la menaçant de l’enfermer dans une pièce avec un grand détenu de sexe masculin pour la forcer à être « sa femme ».

Les agents ont déshumanisé les enfants en employant la violence verbale. Les agents se sont moqués d’un enfant pour être « gay » disant : « ces gens viennent juste ici pour une opération de changement de sexe ». On a dit à une jeune femme enceinte qu’elle venait aux États-Unis pour « contaminer ce pays ». Un autre Agent a demandé à un enfant : pourquoi « es-tu venu emmerder ce pays ? » Les agents riaient quand les jeunes immigrés demandaient un formulaire pour déposer plainte.

Le gouvernement maintient les enfants immigrés dans des cages qui ont « des fluides corporels sur les murs et les sols, avec des serviettes hygiéniques usagées et du papier toilette usé contenant des excréments sur les planchers, qui causent une forte mauvaise odeur dans toute la zone de traitement » selon un rapport interne du gouvernement.

Les agents affament les enfants et leur refusent l’accès à l’eau. Un immigré a déclaré qu’ils refusaient les demandes répétées de mères d’enfants en bas âge pour du lait. En conséquence, « les enfants dans les salles d’attente pleuraient de faim ». D’autres enfants ont reçu de façon répétée du lait tourné et de la viande avariée qui les a rendus malades.

Les agents refusent aux enfants les soins médicaux nécessaires. Un agent a lâché un chien d’attaque contre un enfant, provoquant un saignement de l’œil, puis a refusé qu’il se fasse soigner. Dans un autre cas, les agents « ont refusé [à une enfant] ses antidouleurs et ses serviettes hygiéniques après qu’elle a subi une intervention chirurgicale pour un kyste de l’ovaire ».

Les gardes-frontières jettent aussi régulièrement les effets personnels, les pièces d’identité et les documents légaux des immigrants, y compris ceux nécessaires comme preuves pour une demande d’asile. Les agents font également pression sur les enfants pour qu’ils signent des documents de « déportation », renonçant à tous leurs droits légaux. Un agent a dit à un garçon de se déshabiller et lui a dit « qu’il resterait sans habits s’il n’acceptait pas de signer le document ». Un agent a dit à une mère adolescente qu’il allait la violer et mettre son enfant en famille d’accueil si elle ne signait pas de formulaire d’auto-déportation.

L’Administration Obama a cautionné et dissimulé ces abus, qui violent à la fois le droit international et la proscription par le huitième amendement de « punition cruelle et inhabituelle ».

En 2014, le « Department of Homeland Security » (Département de la Sécurité intérieure — DHS) a annoncé qu’il procéderait à une réduction radicale des inspections de routine des centres de détention pour migrants. Plus tard cette année-là, l’administration Obama a ignoré une demande de l’ACLU en vertu de la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir des informations sur l’abus des mineurs. Les 30.000 pages de documents internes sur lesquelles se fonde le rapport de l’ACLU n’ont été divulguées que dans le cadre d’une action en justice fédérale, déposée initialement en 2015.

Un courriel de 2014 révélé dans le rapport caractérise le rôle de l’Administration Obama. Répondant à une plainte d’un enfant immigré, l’inspecteur de l’Administration Obama écrit : « Sommes-nous certains de vouloir ouvrir cela vu l’énorme quantité de plaintes plus graves que nous avons ? » En d’autres termes, les mauvais traitements décrits par l’ACLU ne sont pas le comportement d’une seule agence renégate ; c’est bien la politique officielle du gouvernement américain.

Les conditions ne font qu'empirer sous le président Trump, qui a encouragé la culture fasciste qui règne parmi les vingt-mille gardes-frontières.

Un immigrant ayant passé six mois dans un centre de détention en Californie en 2017 a déclaré au WSWS : « Il est très difficile d’énumérer toutes les conditions inhumaines. Un de mes codétenus a tenté de se pendre à une échelle et une autre personne s’est pendue dans la salle de bain ».

Cette semaine, Trump a répété l’affirmation raciste selon laquelle les immigrants sont des « animaux », tandis que la secrétaire à l’éducation, Betsy DeVos, a déclaré que les écoles devaient signaler les enfants aux agents d’immigration pour expulsion. L’année dernière, le président américain a encouragé les autorités de police et d’immigration à « brutaliser » les personnes arrêtées.

Le Parti démocrate soutient les mesures de « sécurité frontalière » de Trump, ayant récemment voté pour lui fournir 2 milliards de dollars de fonds pour la construction de murs frontaliers et 600 millions de dollars supplémentaires pour la Police de l’immigration et des douanes (ICE). Les démocrates ont cherché à faire taire l’opposition à la politique anti-immigrés de Trump afin de concentrer toute leur attention sur les affirmations sans fondement selon lesquelles Trump serait lié à la Russie.

Les rares références à ce rapport dans la presse bourgeoise ont été noyées sous les allégations selon lesquelles l'acteur Morgan Freeman aurait « harcelé » des femmes en commentant leur apparence, en les touchant et en les regardant.

Tandis que les représentants de la campagne #MeToo dénonçaient Freeman, ils ont ignoré le rapport de l’ACLU, qui révélait, lui, des preuves de viol et d’abus sexuels sur des centaines, voire des milliers, d’enfants immigrés par le gouvernement américain. Cela montre que la campagne #MeToo n’a rien à voir avec le fait d’arrêter les « abus de pouvoir ». Elle se concentre non pas sur les conditions des pauvres et des opprimés, mais sur les carrières et les comptes bancaires d’actrices multi-millionnaires et de dirigeantes d’entreprise.

Ce rapport est un avertissement urgent à toute la classe ouvrière, quel que soit le statut d’immigration. Alors qu’on a une vague croissante de grèves des enseignants et d’autres sections de travailleurs, tout comme des manifestations d’étudiants et de jeunes, les méthodes utilisées contre les « immigrés illégaux » à la frontière avec le Mexique et dans les centres de détention de l’ICE seront utilisées pour attaquer « des grèves et des manifestations illégales », ou toute autre action qui menacerait la richesse et les privilèges de l’aristocratie financière. La défense des immigrés doit se fonder sur la mobilisation la plus large de la classe ouvrière contre le système capitaliste.

(Article paru d’abord en anglais le 25 mai 2018)

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