Trump et Kim se préparent au sommet incertain de mardi

Le président américain Donald Trump et le président nord-coréen Kim Jong-un doivent participer à leur premier sommet commun mardi à Singapour. Alors que Trump a salué les pourparlers comme une « mission de paix », les tensions ne feront que s’accentuer dans la région Asie-Pacifique, quel que soit le résultat.

Trump, qui est arrivé à Singapour plusieurs heures après Kim, a dit après son arrivée qu’il se sentait « très bien » au sujet des négociations. Kim a rencontré le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong, apparemment à bord d’un Boeing 747 de Air China réservé au président chinois. En remerciant Lee d’avoir accueilli l’événement, Kim a déclaré : « Le monde entier regarde le sommet historique entre la RPDC [la République populaire démocratique de Corée] et les Etats-Unis d’Amérique ».

Malgré cet échange de politesses, ce sommet peut avoir des conséquences très diverses, même si aucune n’atténuera les conflits sous-jacents dans la région, qui proviennent de la campagne américaine pour affronter la Chine. Fait de mauvaise augure, alors qu’il était encore au Canada pour le sommet acrimonieux du G7, Trump a déclaré que Kim avait « une unique opportunité » et a souligné qu’il pourrait mettre fin au sommet dès la première minute.

Le président américain a déclaré que tout accord avec Kim se ferait « sur un coup de tête », ajoutant : « Je pense que dans la première minute, je le saurai. Juste mon contact, ma sensation. C’est ce que je fais. Et si je pense que ça ne le fera pas, je ne vais pas perdre mon temps. Je ne veux pas lui faire perdre son temps. »

C’est une menace à peine voilée que Trump pourrait simplement lancer un ultimatum à Kim et partir ensuite si ce dernier n’accepte pas les exigences américaines. Cela ouvrirait la voie à une frappe militaire sur le Nord, ce qui pourrait déclencher une guerre nucléaire avec la Chine et éventuellement avec la Russie, qui partagent toutes deux des frontières avec la Corée du Nord. Trump a déjà menacé de détruire la Corée du Nord, un pays de plus de 25 millions de personnes.

Les Etats-Unis exigent la dénucléarisation de la Corée du Nord « de manière vérifiable et irréversible », alors que Pyongyang veut avant tout des garanties de sécurité qui ne finissent pas comme l’Irak ou la Libye. Ces deux pays ont tenté de conclure des accords avec Washington mais ont été dévastés, et leurs dirigeants exécutés par les États-Unis et leurs alliés. Malgré tous les discours grandiloquents du Nord, qui n’ont fait que faire le jeu de Washington, ses programmes d’armement ont servi de monnaie d’échange pour assurer sa propre survie, et pour un traité qui mettrait officiellement fin à la guerre de Corée de 1950-1953.

Washington a diabolisé Pyongyang en raison de ses programmes nucléaires et de missiles, pour justifier continuellement la militarisation de la région suite à la dissolution de l’Union soviétique en 1991. Du fait de son déclin économique relatif et la croissance de la force économique de la Chine, les Etats-Unis lancent un défi militaire à Beijing.

Washington a saboté deux accords antérieurs conclus avec Pyongyang en 1994 et en 2007, reniant les promesses de fournir de l’énergie et d’autres formes d’aide. Afin de faire pression sur la Chine, les administrations américaines successives ont reproché à Pékin d’avoir permis aux Nord-Coréens de développer des programmes nucléaires et de missiles.

Sous les gouvernements d’Obama comme de Trump, les Etats-Unis ont déployé des quantités massives de troupes et de matériel, complètement excessives par rapport à la prétendue menace nord-coréenne, y compris des bombardiers et porte-avions à capacité nucléaire, et escadrons de la mort, qui augmentent brusquement les tensions et le risque de faire éclater une guerre.

Si en fait Kim acquiesce à Trump, ce ne sera que l’ouverture à une aggravation du conflit entre les Etats-Unis et la Chine. Les États-Unis tentent de soumettre la Chine et de procéder à une nouvelle division de l’Asie pour accéder à de nouveaux marchés, à la main-d’œuvre et aux matières premières. La Corée du Nord est un site stratégique essentiel pour les États-Unis, la Chine, la Russie et le Japon, et a également des réserves minérales souterraines estimées à 6000 milliards de dollars.

En plus de rechercher l’investissement étranger, Pyongyang se méfie des intentions de la Chine, ayant déjà exprimé sa colère envers Pékin pour avoir soutenu les sanctions des Nations Unies exigées par les Etats-Unis.

Les dirigeants chinois craignent que la Corée du Nord ne vire vers Washington. Depuis la guerre de Corée, Beijing considère le Nord comme un tampon entre lui et les États-Unis, qui ont près de 80 000 soldats en Corée du Sud et au Japon.

Un accord entre Washington et Pyongyang pourrait finalement voir les troupes américaines à la frontière de la Chine et les cannons de la Corée du Nord dirigés vers son ancien allié. La Corée du Nord pourrait potentiellement être intégrée dans des nouvelles routes commerciales trans asiatiques afin de défier l’initiative One Belt, One Road (nouvelle route de la soie) de Beijing.

Le président sud-coréen Moon Jae-in a déclaré lors d’un discours à Berlin l’année dernière : « Le chemin de fer intercoréen coupé sera à nouveau connecté. Un train partant de Busan et de Mokpo [en Corée du Sud] traversera Pyongyang et Beijing, et se dirigera vers la Russie et l’Europe. Des projets de coopération en Asie du Nord-Est, tels que le projet de gazoduc reliant les deux Corées et la Russie, pourraient également être mis en œuvre. »

Washington envisage sans aucun doute d’éliminer Pékin d’un tel arrangement. Un tel accord contribuerait à la pression économique que les Etats-Unis exercent sur la Chine, qui inclut maintenant des tarifs douaniers punitifs.

Un accord entre les États-Unis et la Corée du Nord, même s’il pouvait être conclu, ne profiterait cependant pas au peuple coréen. Pyongyang a ouvert plus d’une douzaine de zones économiques spéciales, proposant sa population comme source de main-d’œuvre ultra-bon marché aux États-Unis, à la Corée du Sud et à d’autres pays étrangers.

À court terme, Séoul envisage la réouverture du complexe industriel de Kaesong, qui a été fermé sous le précédent gouvernement de Park Geun-hye en 2016. Exploités par les entreprises sud-coréennes, les travailleurs nord-coréens y gagnaient seulement 180 dollars par mois.

Alors que la Corée du Nord pourrait être ouverte au capital étranger, les travailleurs du Sud seraient forcés d’accepter encore plus d’attaques sur leurs salaires et leurs conditions de travail, afin qu’elle reste compétitive.

Les travailleurs de tous les pays concernés ont un intérêt commun. La seule solution aux tensions militaires et économiques croissantes dans la péninsule coréenne et dans toute la région Asie-Pacifique est par l’unité de la classe ouvrière en Corée, en Chine, au Japon, aux États-Unis et à l’étranger pour mener un programme socialiste et mettre fin aux conflits au sein du système des États-nations et à l’exploitation capitaliste.

(Article paru en anglais le 11 juin 2018)

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