Perspectives

Sur fond de la guerre de Trump contre les migrants et les programmes sociaux

Les démocrates soutiennent le budget massif du Pentagone pour la guerre et la répression

Les démocrates du Sénat américain se sont joints aux républicains cette semaine pour approuver une expansion massive de l’armée américaine, comme l’a demandé le président Donald Trump. L’action du Congrès sur le budget quasi-record du Pentagone se déroule derrière un voile de silence, sans débat public et pratiquement sans couverture médiatique.

Alors même que l’administration Trump avance comme un rouleau compresseur avec ses plans d’éviscérer les financements sociaux, gagnant un vote de la Chambre des représentants jeudi pour des coupes sombres de 23 milliards de dollars dans le financement des bons de nourriture, et de faire progresser un programme visant à consolider les ministères du travail et de l’éducation au nom de la « réduction des coûts », deux chambres du Congrès ont approuvé le projet de loi qui augmente les dépenses militaires au taux le plus élevé depuis le point culminant de la guerre en Irak.

La loi dite John S. McCain National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2019 [Loi de John S. McCain pour autoriser la défense nationale pour l’exercice fiscal de 2019] adoptée lundi au Sénat par 85 voix contre 10, après avoir été approuvée par la Chambre des représentants en mai, alloue 716 milliards de dollars au ministère de la défense, une augmentation de 82 milliards de dollars.

Cette augmentation est à elle seule plus importante que le budget total du ministère de l’éducation, soit environ 70 milliards de dollars. Il est également plus important que le budget militaire annuel de la Russie (61 milliards de dollars). L’augmentation des dépenses du Pentagone entre 2017 et 2019, 165 milliards de dollars, est supérieure à l’ensemble du budget de la défense de la Chine.

Lorsque est pris en compte le financement des agences de renseignement des États-Unis, le ministère de la Sécurité intérieure, l’aide fédérale à la police locale et diverses opérations « noires », le budget de « l’armée totale » des États-Unis revient à plus de mille milliards de dollars, un chiffre plus grand que le produit intérieur brut de l’Indonésie, un pays d’une population de 261 millions d’habitants.

Un peu plus d’un tiers du budget annuel du Pentagone, soit 265 milliards de dollars, pourrait mettre fin à la faim dans le monde, selon les chiffres du Stockholm Peace Institute. Un autre tiers, soit 239 milliards de dollars, fournirait un enseignement primaire et une première phase d’enseignement secondaire à l’ensemble de la population mondiale.

Au lieu de cela, ces vastes sommes sont gaspillées sur la construction et le déploiement des outils de meurtre de masse.

Le budget comprend des dispositions pour le défilé militaire sans précédent et antidémocratique de Trump, qui impliquera le déploiement de troupes dans les rues américaines. Le projet de loi sur les dépenses autorise « tout type de véhicule motorisé, plate-forme d’aviation, munition, unité militaire opérationnelle ou plate-forme militaire opérationnelle » à rouler dans les rues de Washington à la discrétion du président.

Il autorise également la poursuite de l’opération du camp de détention de la baie de Guantánamo en prolongeant « les interdictions de transfert de détenus aux États-Unis ».

En dépit de ces dispositions, auxquelles les démocrates prétendent s’opposer, seuls sept des 47 sénateurs démocrates ont voté « non », assurant le passage par une marge déséquilibrée.

Les démocrates n’ont soulevé qu’une critique substantielle. Ils ont exigé des mesures de guerre commerciale plus agressives contre la société de technologie chinoise ZTE et ont inséré une disposition conservant des sanctions que Trump avait cherché à éliminer contre l’entreprise.

Le budget accorde au président Trump et à l’armée un financement pour chaque programme inscrit sur leur liste de cadeaux pléthorique :

* La Marine : Le budget comprend des dispositions pour la construction de dix nouveaux navires en 2019, dont deux nouveaux sous-marins d’attaque nucléaire de classe Virginia coûtant 2,7 milliards de dollars, trois nouveaux destroyers Arleigh Burke, 1,8 milliard de dollars chacun, et un autre porte-avions de classe Gerald R. Ford d’un coût de plus de 12 milliards de dollars.

* Les forces aériennes : Le budget comprend 2,3 milliards de dollars pour le développement du B-21 Raider, « la prochaine génération de bombardier de longue portée » et aussi des milliards encore pour l’expansion de la flotte de bombardiers B-52, B-1 et B-2.

* Forces nucléaires : De loin l’aspect le plus radical du budget est l’expansion massive de l’arsenal nucléaire américain. Il soulève une « interdiction de 15 ans sur le développement et la production d’ogives nucléaires à faible rendement » et prévoit « le développement et la production d’une tête explosive à faible rendement porté sur un missile balistique lancé depuis un sous-marin », ainsi qu’un missile de croisière à capacité nucléaire lancé de l’air. Le budget interdit au Pentagone de « réduire le nombre de missiles balistiques intercontinentaux » et élargit la production de « puits » pour la construction de nouvelles armes nucléaires.

Il n’y a quasiment aucun débat public ni de contrôle démocratique des vastes ressources sociales consacrées à l’armée. Il y a même moins de contrôle public et même de connaissance publique du déploiement des forces américaines partout dans le monde. Une étude publiée cette semaine par Intercept a rapporté que l’armée américaine a effectué plus de 550 frappes de drones en Libye seulement, deux fois plus de ce que l’on croyait auparavant.

Selon des données du Pentagone analysées par Truth dig, l’armée américaine a largué une bombe toutes les 12 minutes durant la première année du mandat de Trump, soit quatre fois plus que sous Obama et cinq fois plus que sous George W. Bush.

Loin des caméras, les États-Unis participent à la sanglante offensive menée par l’Arabie-saoudite contre la ville portuaire de Hodeidah du Yémen sur la mer Rouge, une opération visant directement les provisions alimentaires et médicales pour la population du Yémen frappée par le choléra et qui meurt de faim. Les Nations Unies préviennent que l’opération pourrait entraîner un quart de million de morts supplémentaires.

Les crimes impérialistes de cette ampleur ne peuvent coexister avec des formes de gouvernance démocratiques dans ces mêmes pays impérialistes. À cette fin, l’armée joue un rôle de premier plan dans la politique d’immigration de « tolérance zéro » de Trump, consistant à opérer des rafles, l’emprisonnement et la torture en masse des réfugiés, y compris des enfants, dont des milliers ont été séparés de leurs familles. Vendredi, la Marine a élaboré un plan visant à placer 25 000 personnes dans des bases militaires, créant un précédent pour la détention de masse de la population civile par les militaires.

Après la dissolution de l’Union soviétique, les États-Unis sont perpétuellement en guerre depuis 27 ans. Cette période de guerre sans fin a été accompagnée par l’augmentation la plus soutenue des inégalités sociales dans l’histoire moderne des États-Unis et l’escalade de l’attaque sans relâche sur les droits démocratiques, de l’élection volée de 2000 au programme de torture de la CIA sous l’administration Bush et au régime d’espionnage à l’intérieur de Bush et d’Obama, jusqu’à la campagne actuelle du gouvernement et des grandes entreprises de technologie pour censurer Internet.

Avec la déclaration récente de la Stratégie nationale de défense d’une nouvelle ère de « conflits entre les grandes puissances », les guerres néocoloniales du dernier quart de siècle se métastasent en la période qui précède une nouvelle guerre mondiale, ce qui pose la menace d’un anéantissement nucléaire. C’est ce que prépare le budget du Pentagone.

(Article paru en anglais le 23 juin 2018)

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