Perspectives

Après Helsinki, les démocrates incitent à une action de « l’Etat profond » contre Trump

La réunion de lundi à Helsinki a déclenché un flot de dénonciations débridées qui frisent l’appel direct à l’armée et aux agences de renseignement à prendre des mesures pour forcer Donald Trump à quitter la Maison Blanche.

Le Parti démocrate, les médias capitalistes et les chefs de l’armée et des services de renseignement américains s’y sont associés en qualifiant Trump de traître qui fonctionne comme un agent du Kremlin.

Trump et ses cohortes ont de nombreux crimes pour lesquels ils ont des comptes à rendre. Mais les objectifs qui motivent l’hystérie anti-Trump dans les médias et les méthodes de conspirateurs auxquelles les démocrates recourent sont tout à fait réactionnaires.

Le sommet d’Helsinki a été précédé par l’annonce faite à un moment stratégiquement choisi d’un acte d’accusation contre 12 prétendus agents de renseignement militaires russes par le procureur spécial Robert Mueller sur des accusations de piratage dans les ordinateurs du Comité national démocrate et de John Podesta président de la campagne présidentielle de Hillary Clinton.

Cet acte d’accusation, qui consiste en une série d’allégations non fondées, a été saisi par des démocrates de premier plan et des sections des médias pour exiger que Trump annule sa rencontre avec Poutine.

Lorsque le président républicain a ignoré ces exigences et a continué le voyage à Helsinki, les démocrates et leurs médias alliés étaient prêts à entrer en éruption dès la fin des pourparlers. Cela a été clairement révélé dans un article particulièrement réactionnaire du chroniqueur du New York Times Charles Blow intitulé « Trump, Traître », publié le matin de la réunion, qui a accusé Trump d'« avoir commis un crime incroyable et impardonnable contre ce pays ».

Le ton hystérique avait déjà été décidé avant la réunion de Trump et Poutine, et, une fois la réunion terminée, la réaction fut instantanée.

À peine les présidents américain et russe avaient-ils terminé leur conférence de presse commune que le présentateur de CNN à Helsinki, Anderson Cooper, un héritier de la fortune Vanderbilt qui avait commencé à travailler à la CIA avant d’entamer une carrière dans les informations télévisées, a annoncé à ses téléspectateurs qu’ils « venaient de voir le comportement le plus honteux d’un président américain […] que j’aie jamais vu ».

« Le comportement le plus honteux d’un président américain » ? Il y a pourtant bien pire !

Plus scandaleux que le lancement par George W. Bush d’une guerre d’agression contre l’Irak fondée sur des mensonges, qui a fait plus d’un million de victimes ? Plus honteux que la campagne d’assassinats de drones de Barack Obama qui a tué des milliers de personnes ? Plus honteux que la propre guerre brutale de Trump contre les immigrés, dans laquelle la torture délibérée des enfants est devenue une arme ?

Quel a été le crime de Trump à Helsinki qui a éclipsé tous ces crimes de guerre et crimes contre l’humanité ? Fut-il celui de remettre en question la campagne sur l’« ingérence » russe dans l’élection de 2016, où les médias traitent les affirmations des services de renseignement américains, ces mêmes agences qui nous ont donné des « armes de destruction massive », comme des faits prouvés, malgré l’absence totale de preuves.

Dans l’un des rares moments marquants de la conférence de presse à Helsinki, Poutine, l’ancien agent du KGB, a commenté que, en tant qu’ancien officier du renseignement, il avait une certaine familiarité avec « la façon dont ces dossiers sont faits ».

Moins cette campagne a d’influence au sein de la population active américaine et plus frénétique est sa promotion par des couches de l’oligarchie au pouvoir, des sociétés médiatiques et du vaste appareil de renseignement américain. Le langage au vitriol employé dans les dénonciations des déclarations de Trump à Helsinki a un caractère sinistre.

John Brennan, fonctionnaire de carrière de la CIA est devenu directeur de l’agence sous Obama, a déclaré que l’apparition de Trump avec Poutine à Helsinki « dépasse le seuil des « crimes et délits graves ». Ce ne fut rien de moins que de la trahison. »

James Clapper, l’ancien directeur du renseignement national, a accusé Trump d’avoir « essentiellement capitulé et [il] semble intimidé par Vladimir Poutine ».

Le chroniqueur des affaires étrangères du New York Times Thomas Friedman, le propagandiste en chef des médias en faveur de la guerre en Irak, a qualifié Trump d'« agent des renseignements russes », ajoutant d’une voix sonore, « Mes chers compatriotes, nous sommes en difficulté et nous avons quelques grandes décisions à prendre aujourd’hui. Ce fut un moment historique dans toute l’histoire des États-Unis », étant donné que Trump a « eu un comportement de traître ».

Friedman a ajouté : « On demandera, et il faudra demander à chaque législateur républicain en campagne électorale : Êtes-vous avec Trump et Poutine ou êtes-vous avec la CIA, le FBI et la NSA ? »

Tel est le choix proposé par la classe dirigeante américaine à la population des États-Unis : Rangez-vous avec Trump ou prenez parti pour les agents assassins qui agissent en toute impunité de « l’État profond ». Friedman et le New York Times, qui articulent de manière fiable la ligne du Parti démocrate précisent que les démocrates sont le parti de ce dernier.

Ce que Friedman ou les dizaines d’autres médias qui ont parlé ou écrit de façon similaire ne mentionnent pas, ce sont les crimes énormes commis par ces agences, des coups d’État et des assassinats de dirigeants étrangers à la torture et l’espionnage sur le territoire même des États-Unis.

Friedman a continué en affirmant que le seul message approprié que Trump aurait dû remettre à Poutine c’était une menace que Washington considérerait « l’ingérence » russe comme un « acte de guerre » et que « nous allons vous sanctionner comme jamais, mais vous allez goûter chaque cyber-arme que nous avons dans notre arsenal » En d’autres termes, une menace de guerre nucléaire mondiale.

Il y a une logique indubitable à ce genre de langage. Dans la mesure où Trump ne peut pas être dégagé au moyen d’une destitution, la porte est ouverte à un coup militaire.

Cette option a été concrétisée par Michael Hayden, l’ancien général quatre étoiles de l’armée de l’air qui dirigeait à la fois la CIA et la NSA. Interrogé par la Radio publique nationale lundi, il a condamné les déclarations de Trump à Helsinki et ajouté que « les officiers de rang intermédiaires viennent me demander « qu’est-ce que je dis à mon personnel », et c’est une question très révélatrice. »

Dans les coulisses, des sections de l’armée d’active, des espions de la CIA et d’anciens chefs des principales agences de renseignement américaines discutent de ce qu’il faut faire de Donald Trump.

Si les militaires devaient lancer un coup d’État contre Trump, il ne fait aucun doute que les dirigeants du Parti démocrate se rangeraient derrière une junte américaine.

Les préoccupations des antagonistes de la classe dirigeante contre Trump sont triples. Ils craignent que la politique étrangère de « l’Amérique d’abord » de Trump, fondée sur la guerre commerciale et la perturbation des alliances de longue date telles que l’OTAN, ne sape la poussée pour l’hégémonie mondiale des États-Unis.

Deuxièmement, ceux au sein de la classe dirigeante et de l’appareil d’État qui s’opposent à Trump considèrent toute tentative de parvenir à un accommodement temporaire avec Moscou comme un obstacle possible aux intérêts stratégiques américains.

Troisièmement, il y a une crainte croissante au sein de l’oligarchie dirigeante américaine que les conditions soient en train d’émerger aux États-Unis pour une explosion de conflits de classes, que l’administration Trump sera incapable de contenir. Au sein de la classe dirigeante, un consensus grandit sur le fait qu’il sera impossible de réprimer les bouleversements sociaux à venir dans les limites des formes démocratiques de gouvernement.

On ne peut s’opposer aux dangers posés par l’approfondissement de la crise politique, surtout aggravée à présent par une croissance de l’opposition sociale au capitalisme parmi les travailleurs aux États-Unis et à l’étranger, que par le développement d’une lutte politique de la classe ouvrière indépendante, en opposition aux deux partis et à toutes les factions de la classe capitaliste, s’appuyant sur un programme de pouvoir ouvrier, d’unité internationale de la classe ouvrière et de socialisme.

(Article paru en anglais le 17 juillet 2018)

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