Sous une pression massive, Trump fait volte-face sur « l’ingérence » de la Russie

Prenant la parole à la Maison Blanche mardi, le président américain Donald Trump a tenté de revenir sur des déclarations qu’il avait faites seulement 24 heures plus tôt à son sommet d’Helsinki en Finlande avec le président russe Vladimir Poutine, où il avait remis en question des affirmations des agences de renseignement américaines selon lesquelles le gouvernement russe « s’était immiscé » dans l’élection de 2016.

La volte-face de Trump a fait suite à une campagne de presse généralisée de tous les médias américains, de toutes les agences de renseignement des États-Unis, des démocrates, et de personnalités du Parti républicain, qui ont exigé qu’il réaffirme la position belliqueuse du gouvernement américain envers la deuxième puissance nucléaire du monde.

Dans les semaines qui ont précédé la rencontre de Trump avec Poutine, les démocrates ont traité Trump comme un colosse invincible. Il était impossible, ont-ils dit, de vraiment s’opposer à son choix réactionnaire pour un nouveau juge à la Cour suprême, et on ne pouvait pas lui demander des comptes de sa politique criminelle de séparer les familles de réfugiés, politique que l’ONU a qualifié de torture d’enfants.

En fait, le Sénat venait de voter, avec une écrasante majorité, d’approuver son augmentation énorme du budget du Pentagone, laquelle comprenait des dispositions pour maintenir ouvert le camp de détention de la baie de Guantánamo et de permettre au démagogue fascisant de procéder à son défilé militaire sans précédent à Washington.

Dès que Trump a fait quelque chose qui touche un pilier central de la politique étrangère américaine cependant, les démocrates et les médias ont réagi avec férocité.

La remise en cause par Trump du récit infondé des agences de renseignement a trouvé une riposte d’une hystérie absolue et chargée de l’implication que toute personne qui ne déclare pas incontestables leurs allégations non prouvées n’est rien d’autre qu’un agent russe.

Après la guerre, même dans la tradition du libéralisme américain, les activités du FBI et de la CIA ont été traités toujours avec un scepticisme extrême : en tant que menaces énormes et réelles pour la survie de la démocratie américaine.

L’on avait présent à l’esprit le fait que pendant près d’un demi-siècle J. Edgar Hoover dirigeait un État policier dans l’État par l’intermédiaire du FBI. Le FBI et la CIA, fonctionnant avec impunité, espionnaient et exerçaient du chantage sur des personnalités américaines, montaient des coups d’État à travers le monde et ont été largement soupçonnés d’avoir été impliqués dans l’assassinat d’un président américain.

Le scandale du Watergate, de la Commission Church des années 1970 et le scandale Iran-Contra, sans oublier le rôle des agences de renseignement dans la fabrication des « preuves » des armes de destruction massive avant l’invasion de l’Irak, leur surveillance de masse criminelle à intérieure des États-Unis et leur rôle dans les assassinats de drones, ont clairement révélé que ce sont des organisations criminelles, prêtes à utiliser tous les moyens pour étendre leur propre pouvoir au détriment de la démocratie.

Mais maintenant, ces organisations ont été élevées par les médias au statut de gardiens par excellence de l’Amérique, et on déclare que leur parole est la vérité de l’Évangile. Toute discussion sur leur rôle dans la torture, l’espionnage à l’intérieur du pays et les assassinats de drones a été mise de côté.

Trump a été dénoncé comme un traître, dans un langage qui semblait inviter un coup militaire. Sa conduite à été carrément déclarée« inacceptable » et, pour ainsi dire, « on lui en a montré les instruments ». L’avertissement du leader de la minorité du Sénat Chuck Schumer, fait l’année dernière : « Vous avez affaire à la communauté du renseignement – elle a tous les moyens de vous atteindre », ce qui a été démontré dans la pratique.

Face à la pression implacable et universelle de l’establishment politique et médiatique, ainsi que de l’appareil militaire et du renseignement, Trump fut obligé de battre en retraite.

Tout cet épisode sordide exprime le degré auquel il y a un engagement institutionnel écrasant au sein de l’élite dirigeante américaine favorable au conflit avec la Russie, si nécessaire jusqu’à la guerre nucléaire. Cette campagne de guerre, qui vise à transformer la Russie essentiellement en une colonie de l’impérialisme américain, est devenue un pilier incontestable de la politique étrangère américaine. Trump peut commettre n’importe quelle violation des droits de l’homme, peut violer les normes constitutionnelles à volonté, mais il ne peut pas remettre en question ce précepte central de la politique américaine.

L’universalité avec laquelle cet argument est accepté au sein de l’establishment politique américain montre clairement, comme le WSWS l’affirme depuis longtemps, qu’il n’y a pas de faction pour la démocratie au sein de l’élite dirigeante américaine.

Cela confirme également l’évaluation du World Socialist Web Site selon laquelle le conflit fondamental entre Trump et les démocrates est centré sur la politique étrangère. Ce qui ne peut être autorisé, c’est une divergence par rapport à ce qui est considéré comme faisant partie des intérêts stratégiques clés de l’impérialisme américain.

En d’autres termes, l’opposition des démocrates à Trump provient entièrement de la droite. Sur les questions de politique intérieure, les démocrates sont effectivement en alliance avec Trump. Ils soutiennent ses réductions d’impôt, ses attaques contre les dépenses sociales et, avec des réserves mineures, ses mesures réactionnaires en matière de politique sociale et d’immigration. Ils se distinguent de Trump uniquement parce qu’ils s’identifient inconditionnellement à l’appareil de renseignement américain, et sont plus impitoyables dans la poursuite des intérêts géopolitiques américains, par opposition à l’approche plus transactionnelle de Trump sur l’économie.

En d’autres termes, les différentes factions de l’élite dirigeante se battent pour imposer leurs divergences par la méthode du coup de palais, de l’intrigue réactionnaire à l’intérieur de l’État. Mais il y a une voix qui n’a pas été entendue dans ce féroce combat entre factions droite : celle de la classe ouvrière.

Face à la crise qui a éclaté au sein de l’État suite à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, la classe ouvrière doit apporter ses propres méthodes : celles de la lutte de classe, animée par la perspective socialiste du Comité international de la Quatrième Internationale. Ce n’est que par ces méthodes que la poussée de la classe dirigeante vers la guerre peut être évitée.

(Article paru en anglais le 18 juillet 2018)

Loading