Les Teamsters et l’UAW font la promotion d’un accord pour piller les pensions

Lors d’une assemblée publique vendredi matin, les politiciens du Parti démocrate et les dirigeants syndicaux ont présenté une série de mensonges et de fausses promesses alors qu’ils professaient leur engagement à «sauver les pensions» de millions de travailleurs.

L’événement de Detroit a attiré environ deux cents retraités et travailleurs actifs de tout le Midwest qui craignent des réductions imminentes des pensions, ou qui en ont déjà souffert. Après avoir cotisé aux fonds de pension pendant des décennies de travail dans le secteur privé, les travailleurs de tous les États sont maintenant confrontés à la menace très sérieuse de tout perdre au fur et à mesure que les fonds de pension deviennent insolvables.

Devant ces retraités se tenaient les dirigeants aisés des syndicats, James P. Hoffa, président de la Fraternité internationale des Teamsters (valeur nette de 2 millions de dollars) et Gary Jones, nouveau président des Travailleurs unis de l’automobile (salaire de 199.000 dollars). Ils ont été rejoints par un groupe d’éminents démocrates, auxquels les syndicats font don de millions de dollars, dont Nancy Pelosi, chef de la minorité à la Chambre des représentants et Debby Dingell, représentante du Michigan.

Les conférenciers officiels présents à Detroit ont fait la promotion de la loi Butch-Lewis de 2017, un projet de loi visant à canaliser les investissements privés vers plus d’une centaine de fonds de pension multi-employeurs qui devraient se tarir d’ici dix à vingt ans. Les fonds gérés conjointement couvrent à eux seuls 1,5 million de personnes qui occupent des emplois syndiqués dans une variété d’industries, dont les communications, le camionnage et la fabrication. Butch-Lewis créerait une nouvelle agence au sein du ministère du Trésor qui vendrait des obligations à des investisseurs privés, puis utiliserait cet investissement pour accorder des prêts sur 30 ans aux régimes de retraite sous-capitalisés ou actuellement insolvables.

Tout l’establishment démocrate, les bureaucrates syndicaux et les médias présentent le projet de loi comme un Saint-Graal qui rétablira finalement le financement des régimes interentreprises presque en faillite et fournira des pensions à tous ceux qui les ont gagnées. «Certaines personnes demandent: qu’allons-nous faire ? Lisez Butch-Lewis ! C’est la réponse à nos problèmes», a dit Hoffa à la foule.

Nancy Pelosi a poursuivi avec «En bref: pas de coupures.» Elle a dit à la foule que l’objectif du projet de loi est de «remettre les plans qui échouent sur des bases solides afin qu’ils puissent respecter leur engagement envers les retraités aujourd’hui et dans les décennies à venir». Plus tard, lorsque plusieurs retraités dans la foule ont exprimé leur scepticisme quant à la capacité du Congrès de tenir sa promesse ou même d’adopter ce projet de loi, un représentant du syndicat des Teamsters a non seulement promis qu’il n’y aurait pas de coupures futures, mais que les nouveaux prêts pourraient rétablir les prestations de retraite perdues.

Leur présentation de la loi comme une panacée est trompeuse. La législation n’est qu’un nouveau moyen de réduire les pensions jusqu’au niveau de pauvreté, tout en couvrant le rôle des grandes entreprises, des syndicats et du gouvernement dans l’escalade de l’attaque de plusieurs décennies contre l’un des droits sociaux les plus élémentaires des travailleurs.

En plus de soumettre l’ensemble de la base de financement des régimes de retraite aux caprices des investisseurs privés et des marchés financiers, il n’y a aucune limite à la mesure dans laquelle la nouvelle Pension Rehabilitation Agency réduira les pensions. Il ne fait aucun doute que lorsque l’agence établira les conditions des prêts, surtout pour les plans au bord de l’insolvabilité, elle réduira avant tout les fonds en diminuant les paiements de prestations.

Après la réduction des pensions pour la durée de 30 ans du prêt, les fonds seront certainement incapables de protéger des millions de nouveaux travailleurs, dont beaucoup sont à temps partiel et n’ont pas de pensions dans les fonds multi-employeurs, malgré le paiement des cotisations aux syndicats.

De plus, le projet de loi ne traite pas adéquatement du rétablissement des prestations et des remboursements aux travailleurs qui ont déjà subi des réductions radicales de leur pension, contrairement à ce qu’a déclaré le représentant des Teamsters. La Kline-Miller Multiemployer Pension Reform Act (MPRA) de 2014, adoptée dans le projet de loi de dépenses de 2015 avec l’appui écrasant du Parti démocrate, a permis aux régimes de présenter une demande de réductions étonnantes des pensions.

Dans le cadre de la MPRA, le département du Trésor a déjà approuvé des réductions allant jusqu’à 60% pour cinq régimes de retraite, qui représentent collectivement près de 10.000 retraités et beaucoup plus de travailleurs actifs. Les coupes ont été approuvées à l’encontre de l’opposition massive des travailleurs, provoquée par le fait que la voix de ceux qui n’avaient pas voté était comptée comme une approbation. L’un de ces régimes est le New York State Teamsters Fund à Syracuse, où 4000 retraités ont fait face à des réductions immédiates de 30% l’automne dernier.

John, un machiniste à la retraite d’une entreprise de camionnage, a déclaré aux participants à l’hôtel de ville que lui et des centaines d’autres travailleurs ont dû faire face à une réduction de 72% des prestations de retraite depuis le début de 2018, après le succès de la demande de la MPRA par l’International Association of Machinists of Motor City Pension Fund. «Soixante-douze pour cent de ma pension ça fait mal. Pour les millionnaires, ça fait moins mal. Ils peuvent encore vivre. Mais 72% de ma pension ça fait mal. Et tout cela à cause de la loi de réforme [de 2014].» Il a poursuivi: «Maintenant que j’ai déjà encaissé une réduction, ils disent que [la loi Butch-Lewis] ne va toujours pas la sauver. Alors, on a besoin d’aide.»

Plus d’une dizaine d’autres régimes exigent des réformes, dont cinq sont toujours en suspens et cinq ont été rejetés jusqu’à présent, y compris le régime des Teamsters dans les États centraux, qui couvre plus de 400.000 travailleurs. Les États centraux ont le plus grand passif non provisionné, soit 36,2 milliards de dollars (rapport Boston de novembre 2017), ce qui a été particulièrement prononcé après le krach financier de 2008, lorsque les entreprises ont fait faillite, ou ont retiré ou réduit leurs contributions contractuelles. Le département du Trésor rejette les opérations pour la seule raison que les réductions ne sont pas assez importantes pour éviter l’insolvabilité dans un avenir proche.

En plus des déclarations fausses et exagérées des fonctionnaires pendant l’événement, plusieurs points étaient totalement absents de la discussion: une explication des raisons pour lesquelles les fonds de pension s’effondrent, et comment l’abolition des obligations de paiement par les entreprises a été autorisée par les syndicats. De telles questions révèlent clairement le rôle des démocrates et des responsables syndicaux dans la destruction des fonds de pension et de soins de santé, afin d’aider les riches à réaliser des profits records tout en plongeant les retraités dans la pauvreté.

Les prestations de retraite s’effritent lentement depuis les années 1970 et ont atteint leur point de rupture au cours de la récession de 2007-2008, lorsque les entreprises ont mis fin à leurs obligations. Les entreprises l’ont souvent fait avec l’aide directe des syndicats, dans le cas des Teamsters, ou sans qu’ils n’opposent de résistance. Les syndicats eux-mêmes ont un intérêt financier à réduire les prestations, afin de maintenir leurs actifs lucratifs et leur position de fiduciaire dans les fonds de pension.

La piste de la corruption mène au président général Hoffa et à son entourage, y compris le fils de Hoffa, le vice-président de Hoffa-Hall, Rome Aloise, et le chef du personnel de Hoffa, Willie Smith.

Les agents de lutte contre la corruption sont maintenant devant la Cour fédérale dans le cadre d’une enquête de plus en plus vaste sur les hauts fonctionnaires qui acceptent des cadeaux et des pots-de-vin de l’employeur en échange du truquage du processus d’appel d’offres pour faire affaire avec les caisses d’assurance des Teamsters. Les dirigeants des Teamsters, y compris ceux qui ont des liens étroits avec Hoffa, ont été impliqués dans la réception de paiements pour détourner les investissements des caisses de retraite vers des entreprises privées. En 2016, les enquêteurs fédéraux ont révélé que Charles Bertucio, propriétaire d’une firme d’investissement et courtier d’assurance qui a été payé par les compagnies d’assurance maladie pour faire des affaires avec les fonds des Teamsters, s’est payé l’accès à Hoffa et des représentants hauts placés des Teamsters. Il leur a offert un voyage de golf en Irlande et en Écosse, des périples en Alaska et en Caroline du Sud, des repas somptueux et des soirées bar à volonté à Las Vegas, ainsi que des billets pour la Série mondiale et la finale de la NBA. Bertucio a même embauché le fils de Hoffa, Geoffrey Hoffa, pour qu’il l’aide à décrocher des contrats de fonds avec les Teamsters.

Au cours de la dernière décennie, les travailleurs ont été contraints de payer pour les actions criminelles des entreprises et des syndicats. En 2017, les sociétés de l’indice boursier S&P 500 détenaient collectivement 1,8 billion de dollars, un montant qui pourrait couvrir les déficits de l’ensemble des 1.300 régimes de retraite inter-entreprises (150 milliards de dollars, Forbes 2017) plus de douze fois. Malgré le rebond exponentiel des entreprises et de Wall Street après la récession, ainsi que les billions qui ont été dépensés pour la guerre, les politiciens et les responsables syndicaux veulent que les travailleurs croient qu’il n’y a tout simplement «pas d’argent» pour financer entièrement les programmes sociaux, qu’il s’agisse de pensions, de soins de santé ou d’éducation.

Beaucoup de retraités et de travailleurs actifs qui se sont exprimés lors de la réunion ont cherché des réponses à cette contradiction fondamentale, mais rien de substantiel ne leur a été offert par ceux qui se tenaient sur la scène simplement pour obtenir des votes pour les démocrates et défendre les actifs de la classe moyenne supérieure et des grandes entreprises. Deux travailleurs afro-américains plus âgés ont déclaré aux journalistes du WSWS, qu’ils se souvenaient des luttes antérieures pour les droits civils: «Nous avons peut-être les cheveux gris, des douleurs aux articulations et d’autres problèmes, mais il y a une chose que nous pouvons encore faire et c’est lutter. S’ils enlèvent les pensions de millions de retraités, il faut une révolution.»

Aucune section de l’establishment politique n’apportera de solution à la crise des retraites à laquelle sont confrontés des millions de retraités et toute une nouvelle génération de travailleurs. Même si la loi Butch-Lewis est abandonnée, tous les accords proposés à sa place seront construits dans le cadre de la contre-révolution sociale contre les droits fondamentaux de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 21 juillet 2018)

Loading