Le Canada accroît son soutien aux missions de l’OTAN dirigées par les États-Unis dans les pays baltes et en Irak

Le premier ministre Justin Trudeau a réaffirmé le ferme appui du Canada à l’OTAN et a augmenté ses engagements envers les missions militaires de l’OTAN dirigées par les États-Unis.

Le Canada accroît sa participation à la campagne de l’OTAN pour menacer et encercler la Russie et assume le commandement d’une mission de formation de l’OTAN en Irak. Ces actions soulignent la détermination de l’élite dirigeante du Canada à poursuivre agressivement ses propres intérêts et ambitions prédatrices dans le monde entier, dans des conditions où les rivalités inter-impérialistes s’intensifient.

Lors d’une visite effectuée le 10 juillet en Lettonie, Trudeau a annoncé que le contingent actuel de 455 soldats canadiens, envoyé en Baltique l’an dernier pour diriger l’un des quatre groupements tactiques de l’OTAN en «présence avancée» dans la région, sera porté à 540 militaires. Le commandement canadien du groupement tactique a également été prolongé jusqu’en 2023. Les trois autres groupements tactiques de l’OTAN stationnés aux frontières de la Russie se trouvent en Estonie, en Lituanie et en Pologne et sont dirigés respectivement par le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis.

Après l’annonce, le premier ministre libéral a vivement dénoncé la Russie pour ses supposés actes d’«agression», notamment l’annexion de la Crimée en 2014.

«Nous espérons certainement que le message soit clairement transmis au président Poutine, à savoir que ses gestes déstabilisateurs et méprisants envers l’ordre international fondé sur des règles soutenues avec succès par l’OTAN entre autres depuis les 75 dernières années, sont graves», a déclaré M. Trudeau.

Trudeau s’est ensuite adonné à une autre tirade antirusse dans la foulée des réactions au sommet du 17 juillet organisé dans la capitale finlandaise d’Helsinki et où le président américain Donald Trump a rencontré Poutine. Trudeau a dénoncé «l’annexion illégale de la Crimée» et «son incursion dans le Donbas et en Ukraine», et s’est dit «heureux» que 200 soldats canadiens forment les forces militaires et de sécurité ukrainiennes dans l’ouest du pays. Il a ensuite critiqué le soutien de Moscou au «régime assassin d’Assad», avant de conclure en faisant référence à l’affaire Skripal au Royaume-Uni.

Bien que Trudeau ait alors soigneusement évité de critiquer Trump en le nommant, il n’a aucunement caché la sympathie de son gouvernement pour la faction de l’élite dirigeante américaine dirigée par l’appareil de renseignement militaire et le Parti démocrate qui s’en prennent à Trump pour sa position conciliante envers Moscou. Ces attaques ont atteint de nouveaux sommets à la suite du sommet d’Helsinki, les médias, dont le New York Times, allant jusqu’à dénoncer les actions de Trump comme étant de la «trahison».

Trudeau s’est révélé tout aussi cinglant dans ses positions antirusses que son prédécesseur conservateur, Stephen Harper, notamment avec la nomination de Chrystia Freeland, un faucon antirusse notoire, au poste de ministre des Affaires étrangères. Trudeau a par ailleurs défendu Freeland contre toute critique après qu’il eut été révélé que son grand-père nationaliste ukrainien était un collaborateur nazi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Trudeau a dénoncé cette description historiquement exacte des activités de celui-ci comme du «salissage» et une «attaque contre la démocratie canadienne».

Le fait que Trudeau se vante que les troupes canadiennes forment les forces pro-gouvernementales en Ukraine souligne le soutien de son gouvernement au régime nationaliste d’extrême droite qui a été porté au pouvoir à Kiev lors d’un coup d’État orchestré par les États-Unis et dirigé par des fascistes en février 2014.

L’appui de l’élite dirigeante canadienne à la dure position antirusse défendue par le «Deep State» (l’État «profond») et les démocrates aux États-Unis est lié à l’option privilégiée par la bourgeoisie d’approfondir son alliance militaire-stratégique vieille de trois quarts de siècle avec Washington, comme le moyen le plus efficace de faire avancer ses intérêts sur la scène internationale. Parallèlement, la bourgeoisie canadienne considère la Russie comme un concurrent direct dans certains domaines, notamment dans le conflit croissant pour le contrôle de l’Arctique qui, en raison du changement climatique, s’ouvre comme une nouvelle voie de transit et une source lucrative de pétrole et autres matières premières.

Le lendemain de son voyage en Lettonie, Trudeau a assisté au sommet de l’OTAN à Bruxelles, où il s’est engagé à affecter 250 soldats et hélicoptères canadiens pour diriger une nouvelle mission de formation de l’OTAN en Irak, pays ravagé par la guerre. La mission, qui portera les Forces canadiennes à plus d’un millier de soldats dans ce pays, comprendra la formation des forces gouvernementales irakiennes aux techniques de lutte contre le terrorisme, notamment le désarmement des bombes et des engins explosifs improvisés. Trudeau s’est également engagé à déployer du personnel et des aéronefs canadiens en soutien du Système aéroporté de détection et de contrôle (AWACS) de l’OTAN.

Ces mesures ont été largement interprétées comme une tentative de minimiser les critiques de Trump à l’endroit du Canada pour son incapacité à respecter l’engagement de l’alliance militaire de consacrer 2 % de la production économique à la défense d’ici 2024. Le mois dernier, Trump a adressé une lettre officielle à Trudeau dans laquelle il a critiqué le budget militaire d’Ottawa, qui représente actuellement environ 1 % du PIB du pays.

Les critiques de Trump s’inscrivent dans le cadre de la crise des relations canado-américaines qui vont en s’aggravant. Sur le plan économique, l’imposition par Trump de droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium du Canada, en plus de ses menaces de déchirer l’ALENA et d’imposer des droits de douane sur les importations d’automobiles, ont plongé l’élite dirigeante canadienne en pleine tourmente. Le gouvernement Trudeau, appuyé par les syndicats, a réagi avec le plus important programme de rétorsion jamais imposé à ce jour contre les États-Unis, totalisant quelque 16 milliards de dollars. Ces tarifs sont entrés en vigueur quelques semaines seulement après que Trump ait fait dérailler le sommet du G-7 dans Charlevoix, au Québec, et ait dénoncé son hôte, Trudeau, comme étant «très malhonnête et faible».

Le nationalisme économique de Trump, conjugué à l’effondrement des institutions multilatérales internationales causé par la crise capitaliste mondiale, mine la stratégie utilisée par l’impérialisme canadien depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour promouvoir ses intérêts sur la scène mondiale, et qui consistait à maintenir un partenariat stratégique rapproché avec l’impérialisme américain, tout en s’appuyant sur l’OTAN, cette alliance transatlantique des puissances impérialistes nord-américaines et européennes, ainsi que d’autres institutions et alliances multilatérales, pour compenser l’important déséquilibre de puissance entre les deux pays.

Tout comme ses homologues dans le monde entier, l’élite canadienne réagit à la montée des tensions commerciales et géopolitiques mondiales par le protectionnisme économique et le réarmement. Le gouvernement Trudeau s’est engagé à augmenter les dépenses militaires de plus de 70 % au cours de la prochaine décennie, ce qui portera l’ensemble des dépenses de défense du Canada à plus de 1,4 % de son PIB. Ces dépenses comprendront l’expansion de l’Armée de terre, l’achat de nouvelles flottes d’avions de combat et de navires de guerre, ainsi que la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) en collaboration avec le Pentagone.

Les tentatives de Trudeau de se présenter comme un opposant à l’objectif de monter à 2 % les dépenses de l’OTAN et qui se sont poursuivies au sommet de Bruxelles, sont uniquement motivées par des considérations de politique intérieure, et surtout sa compréhension qu’un engagement explicite de procéder à une augmentation aussi marquée des dépenses militaires provoquerait une opposition populaire au militarisme et à la guerre.

L’annonce de la nouvelle mission en Irak a été accompagnée par une campagne de propagande vantant la prétendue détermination du Canada à maintenir la «démocratie» et la «primauté du droit». De telles prétentions sont tout à fait frauduleuses. Depuis que les troupes canadiennes ont été dépêchées en Irak par le gouvernement conservateur de Harper en 2014, elles ont joué un rôle clé dans une guerre impitoyable menée par les États-Unis – une guerre qui est née de la série de guerres désastreuses que Washington a menées au Moyen-Orient au cours des trois dernières décennies dans le but de renforcer sa domination sur la principale région exportatrice de pétrole du monde.

Après son arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement Trudeau a augmenté le nombre de forces spéciales déployées dans le nord du pays. Dans le cadre de leur soutien aux milices Peshmerga kurdes dans le nord de l’Irak, les Forces canadiennes ont participé à l’offensive meurtrière contre Mossoul, qui a coûté la vie à des milliers de civils et dévasté ce qui était la deuxième plus grande ville d’Irak.

Les nouveaux engagements de Trudeau n’ont toutefois pas réussi à satisfaire l’appétit de l’élite dirigeante pour une militarisation accrue de la politique étrangère canadienne. Dans le quotidien libéral Toronto Star, Rosie Dimanno a écrit: «Trump a raison au sujet des dépenses militaires dn u Canada». Pour sa part, le National Post néo-conservateur a déclaré que le Canada devrait être «embarrassé» par son budget de la défense. «Trudeau, a publié le quotidien, a besoin de faire preuve d’intelligence en matière de défense et de s’assurer que nous payons bien notre part à l’OTAN.»

(Article paru en anglais le 23 juillet 2018)

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