Le gouvernement conservateur de l'Ontario réduit les prestations d'aide sociale et promet d'autres coupes

Quelques semaines à peine après avoir pris le pouvoir, le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario, dirigé par le populiste de droite Doug Ford, a lancé une attaque majeure contre les assistés sociaux, l’une des sections les plus vulnérables et les plus pauvres de la société.

La ministre des Services sociaux, Lisa MacLeod, a annoncé mardi que l'augmentation de 3% des prestations d'aide sociale adoptée par le gouvernement libéral précédent sera réduite à seulement 1,5%. La réduction touche à la fois les personnes jugées «aptes à être embauchées», celles qui sont inscrites au programme «Ontario au travail» et celles qui reçoivent des prestations d'invalidité.

Le gouvernement annule également un projet pilote d'une durée de trois ans et d'une valeur de 150 millions de dollars pour tester le remplacement du système actuel d'aide sociale par un paiement de «revenu de base». Dans le cadre du projet pilote, qui a débuté l'an dernier et auquel ont participé 4000 personnes à faible revenu, une personne seule devait recevoir jusqu'à 16.989 $ par année en aide provinciale – toujours bien en deçà du seuil de pauvreté.

Dans des conditions où les loyers, la nourriture et les autres coûts augmentent rapidement, l'augmentation prévue de 3% aurait tout au plus fait en sorte de maintenir les revenus des bénéficiaires d'aide sociale dans la province la plus populeuse du Canada.

Mais, s'inspirant de la méthode de Mike Harris qui, lorsqu'il est devenu premier ministre de l'Ontario en 1995, a réduit les prestations d'aide sociale de plus de 21%, MacLeod et Ford envisagent d'éviscérer le programme d'aide sociale actuel.

Prenant la parole lors d'une conférence de presse mardi, MacLeod a déclaré que le système d'aide sociale actuel est irrémédiablement brisé et a annoncé que le gouvernement a fixé un délai de 100 jours pour élaborer un plan visant à le transformer, d'un plan qui donne «peu ou rien pour briser le cycle de la pauvreté» en un plan qui est «durable».

Indiquant que le gouvernement a l'intention d'étendre de façon spectaculaire les programmes de «workfare» qui rendent les prestations conditionnelles à la participation à un programme de formation professionnelle pour des emplois bon marché, Macleod a pontifié que «la meilleure mesure du bien-être est un emploi». Elle a également dit avoir demandé à la vérificatrice générale de la province d'enquêter sur ce qu'elle appelait «des centaines de millions de dollars» en versements frauduleux d'aide sociale.

Ford a mené une campagne d'extrême droite selon le modèle de Trump, pendant laquelle il a dénoncé le «gaspillage» de l'argent des contribuables, des travailleurs du secteur public et de l'establishment politique traditionnel. Il a également promis que son gouvernement trouverait 6 milliards de dollars d'économies annuelles, dont la dernière attaque contre l'aide sociale n'est qu'une petite fraction.

La prochaine vague de compressions des dépenses sociales sera probablement lancée à la fin août, lorsqu'une commission nommée par Ford à la mi-juillet pour examiner les finances de l'Ontario présentera son rapport. Pour diriger la commission, Ford a choisi l'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique Gordon Campbell, dont le gouvernement libéral a provoqué des grèves généralisées et des protestations populaires en s'attaquant sauvagement aux dépenses publiques et aux droits des travailleurs au cours des années 2000.

Le gouvernement Ford se prépare déjà à utiliser les résultats du rapport pour justifier une attaque massive contre les services publics. Le ministre des Finances Vic Fedeli a déclaré que le gouvernement est «prêt à affronter la possibilité que nous n’allons pas aimer ce que nous allons découvrir. Mais si nous ne diagnostiquons pas correctement la maladie, nous ne pourrons pas prescrire le bon remède.»

L'affirmation selon laquelle il n'y a pas d'argent pour les services publics et sociaux vitaux est un mensonge.

Pendant plus de 15 ans de règne libéral, les gouvernements soutenus par les syndicats de Dalton McGuinty et Kathleen Wynne ont fait la guerre aux salaires et aux conditions de travail des travailleurs, privatisé des biens publics comme Hydro One et réduit les dépenses publiques, y compris pour la santé et l'éducation.

Ces politiques visaient à redistribuer les richesses au profit des riches et des super-riches, notamment en réduisant les taux d'imposition des grandes entreprises et des individus à revenu élevé à des niveaux historiquement bas.

Le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau poursuit le même programme. Il a maintenu les taux d'imposition des sociétés extrêmement faibles instaurés par le gouvernement conservateur Harper; établi, avec sa nouvelle Banque canadienne d'infrastructure, un mécanisme de privatisation de l'infrastructure publique; annoncé une hausse de 70% des dépenses militaires au cours de la prochaine décennie; et élargi la participation du Canada aux principales offensives militaires stratégiques américaines, au Moyen-Orient riche en pétrole et contre la Russie et la Chine.

Plus tôt cette semaine, le Centre canadien de politiques alternatives, un groupe de réflexion libéral de gauche, a publié un rapport qui montre que les 87 familles les plus riches du pays possèdent maintenant plus de richesse que le tiers le plus pauvre des Canadiens, soit 12 millions de personnes.

Malgré les vantardises de Ford qui prétend parler au nom du petit peuple contre l'élite politique, il est un impitoyable représentant de cette oligarchie super riche. Son accession à la direction du Parti progressiste-conservateur par le biais d'un faux scandale sexuel et sa campagne électorale populiste subséquente ont été promus par des médias serviles et des sections puissantes de la bourgeoisie, qui le considèrent comme un instrument utile pour pousser la politique, en Ontario et partout au Canada, vers la droite. Dans cette optique, Ford a déjà interdit une grève de quatre mois des assistants d'enseignement et de recherche de l'Université York de Toronto.

Ford et ses conservateurs tentent de détourner l'attention de leur programme pro-entreprise, d’encourager la réaction, et de diviser la classe ouvrière en attisant l'hostilité envers les réfugiés qui fuient la chasse aux sorcières anti-immigrante de Trump. Notamment ils jettent le blâme sur les demandeurs d'asile pour une pénurie de logements qui est le résultat de décennies de compressions dans le logement social effectuées par les trois paliers gouvernementaux et les trois partis, soit les libéraux, les néo-démocrates (NPD) et les conservateurs.

Anticipant la montée de l'opposition sociale, le gouvernement Ford organise également une campagne de droite pour «l'ordre public» afin de courtiser la police, avec des promesses d'augmentation des dépenses, des lois plus sévères et en suspendant l'application d'une loi prévoyant une plus grande supervision civile de la police.

Les premières semaines au pouvoir du gouvernement Ford ont mis à nu l'impuissance, la lâcheté et la complicité de la bureaucratie syndicale qui, pendant plus d'une décennie, a aidé les gouvernements libéraux successifs à appliquer des mesures d'austérité et à criminaliser les grèves. Lorsque Ford a pris le pouvoir, le chef de la Fédération du travail de l'Ontario (FTO), Chris Buckley, et d'autres hauts fonctionnaires syndicaux ont sollicité une rencontre avec le nouveau premier ministre, dans l'espoir de voir les syndicats collaborer avec le nouveau gouvernement.

En même temps, les syndicats font tout ce qu'ils peuvent pour contenir la vague de colère populaire croissante. La seule protestation sanctionnée jusqu'à présent par la FTO a eu lieu le 16 juin, lorsque M. Buckley a partagé la plate-forme avec les députés néo-démocrates nouvellement élus. Lui et d'autres intervenants ont affirmé que les travailleurs pouvaient résister aux attaques du gouvernement Ford en collaborant avec les sociaux-démocrates de droite du NPD: un parti qui, entre 2012 et 2014, a soutenu un gouvernement libéral minoritaire en imposant l'austérité et en brisant les grèves; et qui, la seule et unique fois où il a été au pouvoir en Ontario (1990-1995), a mis en œuvre un «contrat social» de réduction des emplois et des salaires.

Après des semaines de mutisme face aux provocations incessantes du gouvernement Ford, la FTO s'est finalement mobilisée cette semaine, non pas pour contester les attaques brutales contre les assistés sociaux, mais pour dénoncer la décision de Ford de réduire le nombre de sièges au conseil municipal de Toronto de 47 à 25, soit moins de 90 jours avant les élections municipales du 22 octobre.

Dans une déclaration, la FTO a préparé une lettre pour ses membres à signer et envoyer à Ford, lui demandant poliment de faire marche arrière.

La décision de Ford est une attaque contre les droits démocratiques, visant délibérément à affaiblir ses rivaux politiques bourgeois – les libéraux et les néo-démocrates – qui jouissent d'un plus grand soutien à Toronto que ses conservateurs. Par contre, les travailleurs ne peuvent pas repousser de telles attaques s'ils font appel, comme le proposent les syndicats, aux prétendues sensibilités démocratiques du conseil municipal de Toronto, dont le personnel est composé de politiciens bourgeois soumis aux intérêts de l'élite patronale et alignés aux partis de la grande entreprise.

La classe ouvrière doit plutôt faire face à l'assaut de classe des grandes entreprises en mobilisant sa force industrielle et en développant sa puissance politique indépendante. Pour défendre leurs droits sociaux, les travailleurs et les jeunes de l'Ontario doivent mener une contre-offensive pancanadienne de la classe ouvrière, dirigée contre les gouvernements Ford et Trudeau et tout le programme d'austérité et de guerre de la classe dirigeante. Se faisant, ils doivent développer un mouvement de masse pour un gouvernement ouvrier voué à la réorganisation socialiste de la vie socio-économique.

(Article paru en anglais le 4 août 2018.)

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