L'élite dirigeante canadienne attise l'hystérie anti-réfugiés pour pousser la politique encore plus à droite

L'élite dirigeante du Canada est en train de semer la xénophobie anti-réfugiés avec le double objectif de pousser la politique encore plus vers la droite et de détourner l'attention de son programme d'austérité et de guerre.

Pendant que les conservateurs montrent la voie en lançant des appels aux forces racistes et d'extrême droite, le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau supervise l'expulsion des demandeurs d'asile désespérés et travaille en étroite collaboration avec l'administration Trump pour renforcer la sécurité à la frontière canado-américaine.

La section la plus à droite de l'élite canadienne, enhardie par l'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis, dépeint le Canada comme étant assiégé par des «étrangers illégaux». Cette campagne chauvine s'est intensifiée ces dernières semaines avec le nouveau gouvernement provincial de l'Ontario, dirigé par le populiste de droite Doug Ford, qui a mis fin à la coopération avec le gouvernement fédéral sur un programme qui fournit un soutien minimal aux demandeurs d'asile ayant fui les États-Unis pour le Canada par crainte d'être persécutés et expulsés.

D'une manière tout à fait cynique, Ford et ses porte-parole, qui dirigent un gouvernement déterminé à éviscérer le peu qui subsiste des services publics et sociaux de l'Ontario, prétendent que les réfugiés sont un fardeau pour les dépenses sociales. Utilisant le langage de Trump ou de l'extrême droite en Europe, Ford a soutenu que l'afflux de réfugiés provoque une «crise du logement» et met en péril l'accès des Ontariens aux services publics.

Les travailleurs de tout le Canada doivent prendre la xénophobie anti-réfugiés de Ford comme un sérieux avertissement. Son objectif est de mobiliser les sections les plus arriérées de la classe moyenne et de semer les divisions parmi les travailleurs alors qu'il impose un programme de réduction des dépenses sociales, des réductions d'impôts pour les grandes entreprises et les riches, et des mesures de maintien de l'ordre public.

La montée de Ford est parallèle au renforcement des forces politiques d'extrême droite à l'échelle internationale, y compris Trump aux États-Unis, l'Alternative pour l'Allemagne, le Rassemblement national français et la Lega italienne – qui tous font des immigrés les boucs émissaires de la crise sociale produite par le capitalisme. Ces forces réactionnaires sont cultivées et systématiquement promues par des sections importantes de l'élite dirigeante qui les considèrent comme une arme contre la classe ouvrière.

Les travailleurs dégoûtés par le programme de Ford d'attaques brutales contre la classe ouvrière et la xénophobie anti-immigrés doivent reconnaître que leurs prétendus adversaires de l'establishment, les libéraux et le NPD social-démocrate, ne représentent aucune solution. Comme leurs homologues internationaux, les partis dits «progressistes» et les syndicats procapitalistes ont créé les conditions de la montée de figures d'extrême droite comme Ford et Trump, par l'imposition de l'austérité capitaliste et l'adoption de programmes de guerre et de réaction.

Tout en se faisant passer pour un ami des réfugiés, le gouvernement Trudeau a déporté des milliers de demandeurs d'asile désespérés qui tentent de fuir la répression brutale de Trump contre les immigrants. En fait, alors que Trump se livrait à sa chasse aux sorcières anti-immigrés, le gouvernement libéral approfondissait sa coopération frontalière et militaire avec le département de la Sécurité intérieure des États-Unis et l'Agence des douanes et de la protection des frontières des États-Unis – les mêmes organismes qui supervisent les rafles massives d'immigrants au sud de la frontière.

La posture «pro-réfugiés» des libéraux, qui est encouragée par les médias, sert à masquer le fait que ce parti de la grande entreprise maintient une ligne dure contre les réfugiés et est désireux d'étendre la coopération militaire et sécuritaire avec les États-Unis dirigés par Trump.

Selon les données fournies à Reuters par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, le gouvernement Trudeau n'a accordé le statut de réfugié qu'à 53 % de tous les demandeurs d'asile en 2017. Pour les soi-disant «migrants irréguliers», c'est-à-dire ceux qui entrent au Canada en provenance des États-Unis, le taux de refus est beaucoup plus élevé. Parmi les milliers d'Haïtiens qui sont venus au Canada l'an dernier lorsque Trump a mis fin à leur statut de «protection temporaire», seulement 9 % ont reçu la permission de rester.

De plus, les libéraux de Trudeau défendent jusqu'au bout l'Entente sur les tiers pays sûrs de 2004 avec les États-Unis. C'est cette entente réactionnaire qui oblige un nombre important de réfugiés à traverser la frontière canado-américaine à l'extérieur des points d'entrée officiels, souvent dans des conditions qui mettent leur vie en danger.

L'Entente sur les tiers pays sûrs prive les demandeurs d'asile qui entrent au Canada en provenance des États-Unis à un point de passage frontalier du droit de présenter une demande de statut de réfugié au Canada et sanctionne leur retour immédiat aux États-Unis. Toutefois, en vertu du droit international, le Canada est obligé d'entendre les demandes de ceux qui n’arrivent pas par les points d'entrée officiels.

Les conservateurs exhortent le gouvernement Trudeau à déclarer la frontière canado-américaine comme point d'entrée officiel, afin d'élargir considérablement l'application de l'Entente sur les tiers pays sûrs et d'assurer l'arrestation et l'expulsion immédiate de tous ceux qui fuient la chasse aux sorcières anti-immigrants au sud de la frontière. Jusqu'à présent, les libéraux ont insisté sur le fait que ce n'est pas nécessaire, car en vertu des lois réactionnaires du Canada en matière d'immigration, la grande majorité des demandeurs d'asile seront bientôt expulsés de toute façon.

Les libéraux rejettent les affirmations des conservateurs, du Toronto Sun, du Journal de Montréal et d'autres médias de droite selon lesquels la hausse du nombre de demandeurs du statut de réfugié constitue une «crise». Mais c'est de la pure hypocrisie.

Dans le but de décourager les revendications du statut de réfugié, les libéraux fédéraux font tout ce qui est en leur pouvoir pour s'assurer que les personnes qui entrent au Canada se trouvent dans des conditions difficiles, semblables à celles d'une crise, comme lorsqu’ils ont logé un grand nombre de personnes dans des tentes juste à l'intérieur de la frontière.

Dans leur budget de 2018, les libéraux ont prévu 173,2 millions de dollars sur deux ans pour renforcer la sécurité à la frontière. Le gouvernement a fait valoir qu'une partie de cet argent doit être utilisée pour «accélérer» le renvoi de ceux dont la demande d'asile a été rejetée pour des motifs trompeurs: il s’agirait de réfugiés «économiques» et non politiques.

Afin de gérer une répression accrue contre les demandeurs d'asile, M. Trudeau a annoncé le mois dernier la nomination de l'ancien chef de police de Toronto, Bill Blair, à un poste nouvellement créé de ministre de la Sécurité frontalière et du Crime organisé.

La posture pro-réfugiés des libéraux est d'autant plus hypocrite que le gouvernement Trudeau et l'impérialisme canadien sont partiellement responsables des conditions qui ont amené des dizaines de millions de personnes dans le monde entier à fuir leur pays. Comme leurs prédécesseurs libéraux et conservateurs, les libéraux de Trudeau ont défendu sans pitié les intérêts impérialistes canadiens dans des guerres dirigées par les États-Unis partout dans le monde qui ont détruit des sociétés entières. Ils ont, entre autres, déployé des troupes pour la guerre en Syrie et en Irak, envoyé des forces militaires au Mali et fourni des armes au régime saoudien pour mener sa guerre quasi génocidaire au Yémen.

Alors que les tensions entre les États-Unis et le Canada se sont exacerbées au sujet du commerce, ce qui n'est qu'une expression d'un effondrement plus large de l'ordre capitaliste mondial, les libéraux se sont précipités pour dérouler l’étendard du nationalisme canadien et imposer des tarifs de rétorsion de plusieurs milliards de dollars à Washington. Le discours nationaliste qui sous-tend ces politiques ne fait que renforcer l'extrême droite.

La bureaucratie syndicale joue un rôle crucial dans le maintien de cette atmosphère politique délétère en faisant la promotion du nationalisme canadien, notamment en appuyant les tarifs protectionnistes du gouvernement et en dénonçant les travailleurs étrangers, en particulier au Mexique et en Asie, en tant que concurrents des travailleurs canadiens. Similairement, le Nouveau Parti démocratique, qui a récemment réclamé la formation d'un groupe de travail national corporatiste sur les tarifs douaniers pour défendre les «emplois canadiens», s'associe pleinement à ces efforts de promotion du nationalisme.

Le Parti québécois et le mouvement pro-souveraineté au Québec alimentent depuis longtemps des sentiments xénophobes, présentant les immigrants comme une menace pour les «valeurs québécoises» et cherchant à diviser les travailleurs selon des critères ethniques et linguistiques. Comme Ford, le chef du PQ Jean-François Lisée a laissé entendre que les réfugiés sont responsables de la détérioration des services publics, et il a réclamé une clôture à la Trump pour bloquer la route principale par laquelle les demandeurs d'asile passent des États-Unis au Québec. Pour leur part, les populistes de droite de la Coalition Avenir Québec (CAQ) exigent une réduction du nombre d'immigrants et proposent que les futurs immigrants au Québec qui échoueraient à un test de langue française et de «valeurs québécoises» soient expulsés.

La promotion de cette panacée réactionnaire par l'élite dirigeante prépare des attaques contre les droits démocratiques et sociaux de l’ensemble de la classe ouvrière – attaques qui ne peuvent être imposées que par un recours à des formes de gouvernement ouvertement autoritaires. Dans ce contexte, ce n'est pas un hasard si, comme en Europe et aux États-Unis, des groupes d'extrême droite comme La Meute au Québec ou Storm Alliance, actifs à travers le Canada, se sentent enhardis. Au cours des deux dernières années, ils ont organisé des manifestations et d'autres provocations dans les grandes villes, souvent avec le soutien actif de la police.

Les travailleurs ne pourront lutter contre ces dangereux développements en s'alliant à une section de l'élite dirigeante, quelle qu’elle soit. La bourgeoisie tout entière est complice des attaques contre l'emploi et le niveau de vie des travailleurs, de la criminalisation des grèves et de l'opposition sociale. La défense des réfugiés et des immigrants doit devenir un point de ralliement pour une contre-offensive plus vaste contre le programme de la classe dirigeante qui mène la guerre à l'étranger et s’attaque aux droits démocratiques et sociaux au pays, un programme partagé par l'ensemble de l'establishment politique, du NPD aux conservateurs. Pour mener une telle lutte, les travailleurs ont besoin de leur propre parti politique indépendant opposé au système capitaliste sur la base d'un programme socialiste et internationaliste.

(Article paru en anglais le 22 août 2018.)

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