Six mille infirmières de l'Université du Michigan votent cette semaine pour une autorisation de grève

Près de 6000 infirmières d'Ann Arbor, au Michigan, employées par Michigan Medicine, anciennement connue sous le nom de Système de santé de l'Université du Michigan (University of Michigan Health System, UMHS), votent cette semaine en faveur d'une autorisation de grève.

Les infirmières sont entrées dans leur troisième mois de travail sans contrat, après son expiration, le 30 juin, sans qu'une solution n'ait été trouvée dans les négociations contractuelles en cours. Les négociations qui durent depuis huit mois entre le Conseil des infirmières et infirmiers professionnels de l'Université du Michigan (University of Michigan Professional Nurse Council, UMPNC), affilié à l'Association des infirmières du Michigan (Michigan Nurses Association, MNA), et l'UMHS sont officiellement bloquées sur des questions clés – notamment la charge de travail, les conditions hospitalières, les avantages sociaux, les augmentations salariales et le nouveau modèle par niveaux de soins médicaux donnés aux patients dénommé le «Victors Care».

Un vote de grève des infirmières et infirmiers de la base donnerait aux dirigeants de la NMA le pouvoir de décider s'il y a lieu d'aller de l'avant avec une grève «s'ils ressentent le besoin de donner suite à cette autorisation», selon des déclarations récentes.

Les infirmières sont confrontées à un système de soins médicaux redevable à de puissants intérêts corporatifs et à une bureaucratie syndicale qui cherchera à dissiper la colère sociale et à détourner une véritable lutte pour les conditions de travail, les salaires et les soins de santé véritablement universels pour tous les travailleurs derrière la politique propatronale du Parti démocrate.

Pour mener une véritable lutte, les infirmières doivent former des comités de la base contrôlés par les travailleurs eux-mêmes, et indépendants du MNA et du Parti démocrate, afin de prendre les négociations en main et de lier leur lutte à celle des enseignants, des travailleurs d'UPS, des travailleurs d'Amazon, des sidérurgistes et des autres sections de la classe ouvrière qui luttent pour de meilleures conditions de vie et de travail.

Les rapports sur les négociations contractuelles indiquent que Michigan Medicine exige d'importantes coupes et concessions. Les propositions visant à réduire le ratio personnel infirmier/patients et à augmenter la charge de travail individuelle sont un point litigieux majeur parmi les infirmières. Le centre médical de l'Université du Michigan possède actuellement l'un des meilleurs ratios au pays pour la main-d'œuvre infirmière.

On sait qu'un faible ratio infirmiers/patients est un facteur critique dans la prestation de soins appropriés. Une étude réalisée en 2002 par l'Université de Pennsylvanie, par exemple, a révélé que «pour chaque patient supplémentaire au-dessus de quatre dans la charge de travail des infirmières, le risque de décès augmente de 7% pour les patients en chirurgie. Les patients hospitalisés dans les hôpitaux ayant les plus faibles niveaux de dotation en personnel infirmier (huit patients par infirmière) courent un risque de décès 31% plus élevé que ceux qui sont hospitalisés dans des hôpitaux ayant quatre patients par infirmière.»

La proposition rapportée d'une augmentation salariale de 3 à 4 % au cours des trois prochaines années est également lamentablement inadéquate ne serait-ce que pour suivre le rythme de l'inflation prévue au cours de la prochaine période. Des reportages indiquent également que l'administration de l'hôpital cherche à réduire les prestations de retraite et les salaires des infirmières, ou peut-être à les lier aux ajustements du marché.

L'une des questions les plus controversées dans les négociations contractuelles est la mise en œuvre d'un système de soins à deux niveaux pour les patients, connu sous le nom de Victors Care, qui a débuté en avril. Dans le cadre de ce nouveau programme, l'université offre aux patients fortunés des soins spécialisés sur demande 24 heures sur 24 qui détournent les ressources nécessaires aux autres patients.

Victors Care met l'accent sur la médecine préventive et le maintien de la santé des patients fortunés, qui acceptent de payer 3600 $ de plus de leur poche. Les services comprennent un accès 24 heures sur 24 à leur médecin par téléphone, texto ou courriel et des rendez-vous le jour même ou le lendemain. Plus de 300 professeurs et médecins ont signé une lettre protestant contre ce système à deux vitesses. Le personnel médical prétend que le programme restreint l'accès aux soins pour les patients non fortunés de l'UM et détourne les médecins de soins primaires.

Lors d'un rassemblement de protestation organisé par le MNA en juillet, l'infirmière en soins ambulatoires Desiree Conyers a déclaré au Michigan Daily: «Je veux des soins de qualité pour chacun de mes patients. C'est pour ça que le nouveau programme de soins Victors m’inquiète.»

Un récent reportage du Detroit News a décrit ce stratagème élitiste: «Les membres de Victors Care sont vus dans un établissement privé hors campus avec stationnement gratuit et subissent un examen médical annuel “supérieur” qui comprend une série d'études médicales qui ne sont normalement pas incluses dans les examens annuels payés par les assurances.»

Ce modèle de soins est également mis en œuvre dans d'autres grands systèmes de santé médicaux, tels que Stanford Health Care, Virginia Mason à Seattle et le réseau de médecins de l'UNC. Il est clair que ce genre de programmes se répandra davantage, les hôpitaux accordant la priorité aux profits plutôt qu'aux soins généraux.

La décision de créer à Ann Arbor un système de soins ouvertement de classe est en train d'être prise alors que Michigan Medicine réduit déjà les ressources pour le personnel régulier et les patients.

Les services de longue date, comme les repas pour les patients et les plateaux alimentaires pour les familles dans les salles d'urgence, ont été éliminés. L'administration de l'hôpital a également commencé à supprimer les services internes traditionnels des infirmières. Dans un cas, il s'agit d'un nouvel effort pour mettre en œuvre des pratiques de télémétrie à distance où la fréquence cardiaque de 64 patients est maintenant surveillée à distance à l'hôpital par une seule infirmière, au lieu de permettre à une infirmière de surveiller personnellement trois patients à la maison. Les infirmières se plaignent aussi du fait qu'on leur accorde moins de temps pour préparer et administrer les traitements aux patients en chirurgie dans certains services.

Tout cela prend place tandis qu’UM Medical a annoncé en juin qu'elle avait réalisé des bénéfices de 103 millions de dollars sur un chiffre d'affaires de 4,3 milliards de dollars au cours de l'exercice 2018.

L'impact cumulatif de l'attaque sur les conditions de travail des infirmières a et aura des conséquences dévastatrices sur les soins aux patients. Une étude réalisée en 2011 a démontré que «la dotation en effectifs infirmiers est tributaire de la qualité du milieu de travail des infirmières, et vice versa». L'étude a également noté que «dans les hôpitaux où l'environnement de dotation est moyen, les probabilités de décès et d'échecs diminuent de 4%, et dans les hôpitaux où l'environnement est le meilleur, de 9 % et 10 % respectivement».

L'attaque contre les soins infirmiers au Michigan Medicine est liée à l'attaque générale contre les conditions de vie de la classe ouvrière, qui a connu des changements massifs dans ses conditions de vie et l'élimination de l'accès aux soins de santé sous les administrations présidentielles tant démocrates que républicaines. Un rapport de Centraide révèle, par exemple, que «Quarante pour cent des adultes américains n'ont pas assez d'économies pour couvrir une dépense d'urgence de 400 $ comme une facture médicale imprévue, un problème de voiture ou des réparations à domicile» et «Plus du quart des adultes n'ont pas reçu les soins médicaux nécessaires l'an dernier parce qu'ils ne pouvaient se les payer.»

(Article paru en anglais le 11 septembre 2018)

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