La grande coalition allemande promeut le chef d’extrême droite des services secrets au poste de secrétaire d'État

Dès le début des négociations pour former un gouvernement de coalition en Allemagne au début de l’année, le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP, le Parti de l’égalité socialiste) écrivait que le gouvernement de la grande coalition composée de l’Union chrétienne-démocrate, de l’Union sociale chrétienne et du Parti social-démocrate était le produit d’une conspiration pour mettre en œuvre des politiques d'extrême droite conformément au programme de l'Alternative pour l'Allemagne fasciste (AfD).

Ce complot de droite a été révélé une fois de plus mardi soir.

Ces dernières semaines, Hans-Georg Maaßen, chef de l'Office fédéral de protection de la Constitution (BfV), les services secrets allemands, a été de plus en plus révélé en tant que défenseur et conseiller de l'AfD. On a appris qu'il avait consulté l'AfD avant de publier le rapport annuel de sécurité du BfV. Puis, suite à l’émeute néo-fasciste du mois dernier à Chemnitz, où des manifestants d’extrême droite ont été filmés en train de traquer et d’attaquer des personnes qu’ils supposaient être des immigrants, Maaßen est venu publiquement à la défense des émeutiers et a mis en question l’authenticité des vidéos accablantes.

Cela a provoqué des manifestations de masse demandant que Maaßen soit contraint de démissionner. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans plusieurs villes pour s'opposer à l'agitation xénophobe de droite et au soutien que Maaßen et le ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer, dirigeant de l'Union chrétienne sociale (CSU) lui ont accordé. À Chemnitz, 70.000 personnes ont pris part à un concert «rock contre la droite». Dans ces conditions, le Parti social-démocrate (SPD) a déclaré que Maaßen n'était plus acceptable en tant que président du BfV et a exigé son renvoi.

Cependant, Seehofer a soutenu publiquement Maaßen, déclarant que c’est son ministère qui est responsable de la supervision des services secrets.

Le comité de la coalition s'est réuni mardi soir sous les auspices des trois chefs de partis et a convenu que Maaßen serait remplacé en tant que président du BfV. Cependant, loin d'être congédié, il serait nommé secrétaire d'État au ministère de l'Intérieur de Seehofer.

Maaßen n'a pas été renvoyé, il a été promu dans les échelons. Il occupe maintenant un poste élevé au sein du ministère chargé de la supervision et de la direction du BfV. Les dirigeants de la coalition ont déclaré que Maaßen ne serait pas responsable de la supervision du BfV dans son nouveau poste, mais M. Seehofer a clairement souligné l’inutilité de cette affirmation en déclarant à maintes reprises qu’il appréciait le travail de Maaßen dans son rôle dirigeant d’homme politique.

Il y a lieu de croire que Maaßen sera le bras droit de Seehofer. Il touchera un salaire beaucoup plus important en tant que secrétaire d’État qu’en tant que chef du BfV.

On ne sait toujours pas qui prendra la tête des services secrets. Cependant, il est probable qu’un secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur déménage au BfV pour achever la manœuvre des chaises musicales, en protégeant le service de renseignement national des critiques et en le renforçant.

Le gouvernement allemand a réagi aux manifestations contre l'AfD et ses provocations néo-fascistes en se tournant encore plus à droite. La grande coalition intègre plus directement dans le gouvernement le président détesté des services secrets et sa politique pro-AfD et tente de dissimuler le complot de droite qui se poursuit depuis longtemps au sein du BfV par un remaniement de sa direction.

Le SPD joue un rôle clé dans cette opération. Avec la promotion de Maaßen au poste de secrétaire d'État, le SPD a démontré que sa demande qu’il soit renvoyé et sa menace de se retirer de la coalition relevaient de la pure comédie. Le SPD célèbre la promotion de Maaßen au sein de l'appareil d'État comme une victoire.

En réalité, il souhaitait éviter une nouvelle élection à tout prix. Cela en raison non seulement de la crainte de perdre encore plus de soutien électoral, mais aussi du fait qu’il ne souhaitait pas organiser des élections dans une situation où des dizaines de milliers de personnes descendent dans la rue chaque week-end pour protester contre l’extrême droite et une puissante opposition de masse à la politique de droite de la grande coalition se développe.

Ce n’est pas pour rien que le SPD a négocié pendant des mois à huis clos pour mettre au point la coalition, faisant ainsi de l’AfD l’opposition officielle au parlement et lui accordant une légitimité politique et une plus grande importance.

Dans presque tous les domaines, les politiques du nouveau gouvernement sont conformes à la politique d'extrême droite de l'AfD. La coalition a convenu de doubler le budget de la défense pour en faire le plus gros budget militaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Le «masterplan» (schéma directeur) de Seehofer, adopté par la grande coalition, comprenait une expansion majeure des camps de déportation et d'internement pour les réfugiés. En même temps, l'infrastructure d'État policier se voit renforcée.

L'AfD a été pleinement intégrée dans les travaux parlementaires, en particulier par le SPD. Au moment de la constitution du nouveau parlement, le SPD exigeait une approche «collégiale» envers l'AfD. Stefan Brandner, l'un des principaux responsables politiques de l'AfD, doit sa nomination à la présidence de la commission judiciaire parlementaire aux bons offices du SPD. C'était Thomas Oppermann, vice-président du SPD, qui a proposé Brandner, un représentant de l'aile national-volkiste de l'AfD et proche allié de l'extrémiste de droite, Björn Höcke.

La connexion entre le gouvernement et l'AfD était la plus clairement exprimée dans les services secrets. Maaßen a rencontré à plusieurs reprises les principaux responsables politiques de l'AfD et discuté avec eux des projets de son service, même si ces plans étaient considérés comme des secrets d'État.

Brandner a confirmé que Maaßen lui avait parlé du rapport des services secrets de cette année. Le rapport ne mentionne ni l’AfD, ni son aile néo-fasciste, ni de nombreux autres groupes extrémistes de droite. Au lieu de cela, les organisations qui s’opposent aux extrémistes de droite sont étiquetées «extrémistes de gauche». Pour la première fois, le SGP est déclaré «extrémiste de gauche» en raison de son opposition au capitalisme et au nationalisme, selon le rapport.

Maaßen a utilisé les services secrets pour renforcer politiquement l'AfD et les cercles les plus à droite en Allemagne. Il est maintenant récompensé en conséquence.

Il a pris la tête du BfV à l'été 2012, lorsque l'agence de renseignement était en pleine crise. Neuf mois plus tôt, des informations sur la cellule terroriste d'extrême droite, le Parti national-socialiste souterrain, avaient été diffusées. De nombreux agents des services secrets étaient actifs dans son milieu. Le BfV a ensuite détruit un grand nombre de dossiers. Heinz Fromm, le prédécesseur de Maaßen, a été éjecté à la suite du scandale.

Maaßen n'a pas mis un terme aux liens avec les groupes d'extrême droite, mais les a renforcés. Au début de l'année 2015, il a porté plainte contre deux journalistes du blogue Netzpolitik.org. Il a ainsi entamé une répression de la liberté d'expression tout en établissant des liens étroits avec l'AfD.

Il est devenu évident cet été que le BfV était beaucoup plus impliqué dans l'attentat terroriste à Berlin en décembre 2016 que ce que l'on savait auparavant. Tout porte à croire que l'attaque visait à créer une atmosphère de peur au début d'une année électorale, afin de renforcer l'AfD.

Avec sa décision de promouvoir Maaßen, la grande coalition soutient les réseaux de droite dans les services secrets et ne laisse aucun doute quant au caractère du gouvernement actuel.

Le SGP exige donc la dissolution du BfV et la tenue immédiate de nouvelles élections. La grande majorité de la population s'oppose aux politiques de droite du gouvernement, qui ont été négociées à huis clos par les perdants des élections de l'an dernier.

Le SGP fait tout son possible pour mobiliser la seule force sociale capable d'arrêter la politique de droite, autoritaire et militariste de la classe dirigeante et de tous ses partis: la classe ouvrière internationale. Cela nécessite une perspective socialiste.

Voici nos revendications:

 Le complot de la grande coalition, de l'appareil d'État et des extrémistes de droite doit cesser!

 Plus aucune guerre! Non au retour de l'Allemagne à une politique de grande puissance militariste!

 La dissolution des services secrets! La fin immédiate de la surveillance du SGP et des autres organisations de gauche!

 Pour le droit d'asile! Non à la militarisation de l'État! Non à la surveillance!

 L’éradication de la pauvreté et de l'exploitation – pour l'égalité sociale! Il faut exproprier les super riches et transformer les banques et les grandes entreprises en propriété publique sous contrôle démocratique!

(Article paru en anglais le 20 septembre 2018)

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