La grande coalition allemande soutient le chef des services secrets, défenseur de néonazis

Face à l'écrasante opposition populaire, le gouvernement de la grande coalition allemande a annoncé dimanche que l'ancien chef des services secrets Hans-Georg Maassen serait placé au ministère de l'Intérieur.

Après des émeutes de milliers de néonazis dans la ville de Chemnitz en Allemagne de l’Est le mois dernier, Maassen a publiquement défendu les fascistes, contestant les allégations bien documentées selon lesquelles les manifestants auraient attaqué des étrangers.

En réponse à une vague de révulsion populaire, Maassen a été démis de ses fonctions de chef de l'Office fédéral pour la protection de la Constitution (BfV), et devait être nommé secrétaire d'État au ministère de l'Intérieur. Après une large opposition publique contre la promotion de Maassen, le gouvernement a annoncé dimanche que Maassen serait placé à un niveau inférieur, en tant que conseiller spécial pour les affaires européennes et internationales au ministère de l'Intérieur, et continuerait à recevoir son salaire actuel.

Les dirigeants des partis de la grande coalition se sont précipités pour défendre leur soutien à Maassen. La chancelière Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU) a déclaré qu'elle regrettait le fait qu'elle n'ait «pas accordé suffisamment d'attention... à ce que les gens ressentiraient à juste titre lorsqu'ils apprendraient la nouvelle d'une promotion». La question devait donc être réévaluée, a-t-elle ajouté. La nouvelle décision était «tout à fait correcte et justifiable».

Andrea Nahles, chef du Parti social-démocrate (SPD), a déclaré: «Nous avons trouvé une solution. C'est bon signe que la coalition soit capable de prendre au sérieux les critiques publiques et de se corriger elle-même.» Le secrétaire général du SPD, Lars Klingbeil, a déclaré qu'il était bon que la décision originale ait été modifiée. Si le ministre de l'Intérieur Horst Seehofer (CSU) veut garder Maassen dans son cercle de conseillers, c'est sa décision, a-t-il ajouté.

En fait, la décision de maintenir Maassen au ministère de l'Intérieur envoie un message clair au parti d'extrême droite, Alternative pour l'Allemagne (AfD), et à tous ses partisans dans l'appareil d'État, à savoir qu'ils bénéficient du plein soutien de la grande coalition.

Normalement, un haut fonctionnaire qui contredit si ouvertement son propre gouvernement et s'aligne explicitement sur les forces d'extrême droite serait immédiatement envoyé à la retraite anticipée. C'est ce qui est arrivé à des dizaines de hauts fonctionnaires, dont plusieurs présidents de la BfV.

Mais la grande coalition ne veut pas se séparer de Maassen. Plus la grande coalition perd du terrain dans les sondages, plus elle s'appuie sur les éléments de l'appareil policier et sécuritaire qui admirent Maassen pour son soutien aux politiques autoritaires et xénophobes de l'AfD, et sa haine pour tout ce qu'ils qualifient de «gauche».

Un exemple typique de ces forces est le dirigeant du syndicat allemand de la police, Rainer Wendt, qui a défendu Maassen il y a deux semaines contre ce qu'il a qualifié de «forces de gauche». «Il faut comprendre que nous avons vraiment besoin de toutes nos forces pour combattre l'extrémisme politique ou religieux de toutes sortes et que nous n'avons rien de mieux à faire que d'affaiblir le président du BfV dans ces débats, l'absurdité ne pourrait être plus grande», écrit Wendt.

Wendt s’est ensuite attaqué aux partis de la grande coalition dans le jargon de l’autoritarisme. Au lieu de renforcer les services de renseignement, écrit-il, «les partis sont obsédés par leurs propres affaires politiques et négligent cette tâche, et s’adonnent plutôt à des discussions symboliques de remplacement et se livrent à de bruyantes disputes inutiles».

Maassen ne représente que la pointe de l'iceberg, et ses positions d'extrême droite sont d’ailleurs connues depuis longtemps. En 2002, sous la direction du ministre de l'Intérieur Otto Schily (SPD), Maassen a veillé à ce que Murat Kurnaz, qui a grandi à Brême et a été détenu dans le camp de prisonniers américain de Guantanamo Bay sans inculpation, ne puisse rentrer en Allemagne. Il a été détenu pendant quatre années supplémentaires sans inculpation.

En tant que fonctionnaire au ministère de l'Intérieur et président du BfV depuis 2012, Maassen a été étroitement lié à la dissimulation du rôle des agents de renseignements dans la cellule terroriste d'extrême droite du NSU et dans l'organisation de l'échange illégal de données avec la NSA américaine.

Peu avant les événements de Chemnitz, les services secrets allemands publiaient leur rapport pour 2017 sous la direction de Maassen. L'AfD ainsi que les personnalités et organisations d'extrême droite qui y sont associées (Björn Höcke, Götz Kubitschek, Jürgen Elsässer, Pegida) n'y étaient pas désignées d’extrémistes. En revanche, les critiques du capitalisme, du nationalisme et de l'AfD ont été dénoncées comme des «extrémistes de gauche». Le Parti de l’égalité socialiste (SGP) en particulier a été identifié comme un «objet de surveillance» et un «parti d'extrême gauche», même si le BfV n’a présenté aucune preuve d’infraction à la loi ou d'actes de violence.

Bien que ce rapport expose la position politique réelle du BfV et de Maassen, aucun député des partis représentés au Parlement ne s'y est opposé. Ainsi, ils célèbrent maintenant la continuation de l’emploi de ce sympathisant de l'AfD au ministère de l'Intérieur.

L'enjeu n’est cependant pas, comme l’affirme le secrétaire général du SPD Klingbeil, limité à la décision personnelle de Seehofer, ou à une tentative de Seehofer de se venger de Merkel à la fin de sa carrière politique, comme le soutiennent de nombreux médias. Fondamentalement, la grande coalition s'appuie de plus en plus sur les forces autoritaires de l'appareil étatique incarné par Maassen. C'est pourquoi le chef du SPD Andrea Nahles n'a pas hésité à accepter la promotion de Maassen.

Dans un contexte de tensions internationales croissantes, en particulier avec les États-Unis, d'escalade de la guerre commerciale et d'éclatement de l'Union européenne, l'élite dirigeante prévoit l’intensification du militarisme et de l'austérité sociale impossible à réconcilier à des formes de gouvernement démocratiques. Tout comme à la fin de la République de Weimar, ils s'appuient de plus en plus sur les forces autoritaires de l'appareil d'État et sur des éléments d'extrême droite comme l'AfD.

Le chef du SPD Nahles l'a clairement indiqué dans une lettre adressée aux membres du parti. Elle a justifié son soutien continu à la grande coalition et à Maassen en déclarant: «L'Europe est confrontée à un test crucial, la menace d’une guerre commerciale avec les États-Unis plane, la situation en Syrie exige tous nos efforts diplomatiques. Par conséquent, il est important pour le SPD de maintenir un gouvernement fédéral fonctionnel.»

Le «gouvernement fédéral fonctionnel» de Nahles, qui, selon les derniers sondages, n'est soutenu que par 43 % des électeurs, soit 10 points de moins que lors des dernières élections, est – comme le montre l'affaire Maassen – un terreau fertile pour les forces réactionnaires les plus à droite.

Cette conspiration de droite est évidente pour tout le monde. Il s'agit maintenant d'armer politiquement une opposition généralisée parmi les travailleurs et les jeunes. Le SGP réitère donc ses demandes pour la fin de la grande coalition et la convocation de nouvelles élections. Ces élections doivent être le point de départ d'une large mobilisation de la classe ouvrière basée sur un programme socialiste et internationaliste. C'est le seul moyen de mettre fin à la conspiration de droite, soutenue par tous les partis au parlement et par une grande partie de la bourgeoisie européenne. Nous devons lutter pour:

- Mettre fin à la conspiration de la grande coalition, de l'appareil d'État et des extrémistes de droite!

- Mettre fin à la guerre! Non au retour de l'Allemagne à une politique militariste de grande puissance!

- La dissolution des services secrets et l'arrêt immédiat de la surveillance du SGP et des autres organisations de gauche!

- Défendre le droit d'asile! Non à la militarisation de l'État et à la surveillance!

- Mettre fin à la pauvreté et à l'exploitation, pour l'égalité sociale! Les richesses des super riches, les banques et les grandes sociétés doivent être expropriées et placées sous contrôle démocratique.

(Article paru en anglais le 25 septembre 2018)

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