La France refuse de laisser accoster l’Aquarius alors que l'UE cherche à bloquer l’entrée des réfugiés

Le gouvernement français a refusé mardi de laisser accoster le navire Aquarius dans ses ports. Le navire avait à son bord 58 réfugiés désespérés fuyant la Libye déchirée par la guerre. L’Union européenne (UE) a tenté de bloquer toutes les opérations de sauvetage des réfugiés en Méditerranée, où des milliers de personnes se sont noyées, et Rome a fait pression, avec succès, sur le Panama pour qu’il enlève l’Aquarius de son registre des bateaux battant le pavillon panaméen.

Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a déclaré que Paris refuserait la permission d’Aquarius d’accoster dans le port de Marseille. «Pour le moment, c’est non», a déclaré Le Maire sur BFM-TV, en affirmant que les règles de l’UE imposent aux navires de sauvetage de débarquer dans le port européen le plus proche. «En matière de migration, la question doit être résolue de manière ferme et claire et les règles européennes respectées.»

Parlant à l’AFP, une source au palais présidentiel de l’Élysée a également refusé l’autorisation à l’Aquarius d’accoster: «Nous savons clairement qu’il ne devrait pas passer de quatre à cinq jours en mer en direction de la France ou de l’Espagne ou ailleurs. Il doit bientôt accoster et il est proche de Malte en ce moment.»

Les passagers de l’Aquarius seraient pour la plupart des Libyens plus aisés, tentant de fuir la ville de Tripoli en raison de l’escalade des affrontements entre milices tribales ou islamistes et des enlèvements dans la ville. Ces conditions sont le produit de la guerre civile qui a succédé à la guerre de l’OTAN qui a détruit le gouvernement du colonel Mouammar Kadhafi. Une récente recrudescence des combats à Tripoli depuis le mois d’août, qui a fait au moins 100 morts, pousse les populations à fuir de plus en plus.

Une passagère à bord de l’Aquarius, Malak, a signalé que son mari avait été enlevé «il y a un mois à Tripoli… Il travaillait dans la vente de nourriture et il avait donc de l’argent.» Elle a pris la décision de s’enfuir avec ses enfants, mais comme il était «impossible d’obtenir un passeport avec visa», elle a décidé de traverser la Méditerranée en bateau.

Ibtissem a déclaré que sa famille avait initialement fui Tripoli pour se réfugier à Zawiya, mais avait décidé de déménager après que leur fils ait été enlevé par des ravisseurs armés de Kalachnikovs à un barrage routier. Ils ont dû vendre leurs deux voitures pour réunir la somme de 8750 euros qu’exigeaient les ravisseurs pour la libération de leur fils, qui a dû passer deux jours à l’hôpital après avoir été battu par ses ravisseurs. «En Libye, nous sommes des personnes mortes qui respirent encore», a déclaré Ibtissem. «Nous devions partir, il n’y avait pas d’autre solution.»

Mercredi, la France, l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal sont parvenus à un accord pour diviser les réfugiés à bord de l’Aquarius. L’Aquarius, ont-ils insisté, ne serait pas autorisé à accoster. Cependant, ils ont décidé que chaque pays accueillerait respectivement 18, 15, 15 et 10 réfugiés.

Les autorités maltaises ont indiqué qu’elles n’autoriseraient pas non plus le navire à accoster dans leurs ports et que les réfugiés seraient transférés sur des navires maltais dans les eaux internationales. À ce moment, des navires maltais les achemineraient à terre.

Les puissances de l’UE piétinent illégalement le droit fondamental à l’asile, agissant de manière agressive pour bloquer le flux de réfugiés d’Afrique du Nord à travers la Méditerranée vers l’Europe. Seulement 38.140 personnes ont tenté la traversée de la Méditerranée vers l’Europe jusqu’à présent cette année, contre 121.000 l’année dernière, mais au moins 1260 personnes sont déjà mortes. Dans ces conditions, l’UE intensifie ses efforts pour mettre fin à tous les efforts de sauvetage des réfugiés en détresse en Méditerranée, en finançant les gardes-côtes libyens pour qu’ils rapatrient de force des réfugiés en Libye bien que le pays soit en guerre civile.

Il a été largement rapporté que les navires de la garde côtière libyenne renvoient régulièrement des réfugiés dans des camps de concentration financés par l’UE en Libye, où ils sont soumis à des traitements horribles. Des responsables de l’ONU et d’Amnistie internationale ont signalé que des détenus de ces camps sont victimes de voies de fait, d’agressions sexuelles, sont vendus comme esclaves et même tués.

La semaine dernière, l’Aquarius – le dernier navire de sauvetage privé en Méditerranée – a été pris dans un conflit amer avec les navires de la garde côtière libyenne. L’équipage de l’Aquarius a déclaré au Monde que les commandants d’un navire libyen avaient menacé de les emmener tous prisonniers: «Connaissez-vous Tripoli ? Voulez-vous y faire une petite visite? Vous ne suivez pas nos instructions! Nous vous avons dit de ne pas intervenir et de ne pas vous approcher trop des réfugiés. Maintenant, vous aurez de gros problèmes. Vous encouragez les migrants à venir en Europe. Nous allons maintenant nous approcher et vous dire quoi faire.»

L’intimidation exercée contre l’Aquarius est le produit du virage néo-fasciste et du mépris du droit d’asile partagé par les politiciens bourgeois européens de toutes les allégeances. Plus d’un quart de siècle de guerres impérialistes de l’OTAN en Libye, en Syrie, en Irak et au-delà, depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991, ont contraint 60 millions de réfugiés à fuir leur foyer. Pourtant, avec plus de réfugiés que jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, les puissances de l’UE cherchent à refuser le droit d’asile.

D’une part, ils construisent rapidement un vaste réseau de camps de concentration de l’UE, non seulement en Libye, mais aussi dans des États de l’UE tels que la Grèce et au-delà. Pour l’instant, ils sont utilisés pour héberger des dizaines de milliers de réfugiés dans des conditions horribles. Sous la pression du gouvernement italien d’extrême droite, cet appareil de terreur policière dirigé contre les réfugiés et toute la population active va bientôt intensifier massivement ses activités.

Les conditions sont réunies pour les descentes de police et le nettoyage ethnique à une échelle jamais vue en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale et ses régimes fascistes. Le conseil des ministres italien a adopté lundi un décret, baptisé «décret Salvini» après que le ministre de l’Intérieur néo-fasciste l’a rédigé, empêchant les autorités italiennes de délivrer des visas humanitaires pour les réfugiés en Italie.

L’impact du décret Salvini serait de créer un grand nombre de migrants sans papiers et de préparer ensuite des rafles de police à grande échelle afin de les déporter tous. Le nombre de réfugiés déportés chaque année en Italie pourrait passer de 5.000-7.000 à 50.000. Au même moment, Salvini a indiqué qu’il était en discussion avec les autorités municipales de différentes villes d’Italie pour préparer la destruction des camps de Roms et leur expulsion en masse.

Christopher Hein, professeur de droit et de politiques d’immigration à l’Université Luiss à Rome, a déclaré au Guardian: «L’objectif ultime est de ne pas avoir de réfugiés en Italie en combinant les efforts: fermeture de ports maritimes, criminalisation des ONG de sauvetage des migrants, plus grande collaboration avec les gardes-côtes et maintenant, avec ce décret, ils ciblent ceux qui sont déjà là ou qui pourraient venir à l’avenir et ne bénéficier d’aucune forme de protection – c’est une mesure dissuasive.»

Parallèlement, l’UE et les autorités alliées continuent d’attaquer et de terroriser les navires en Méditerranée qui respectent le droit maritime et cherchent à secourir les réfugiés en détresse qu’ils rencontrent en haute mer. Mercredi, après une étroite coordination des opérations anti-migrants de l’UE et du Maroc, un navire de guerre marocain a tiré sur un bateau de réfugiés, tuant une femme de 22 ans et blessant trois autres réfugiés.

(Article paru d’abord en anglais le 27 septembre 2018)

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