Selon les sondages, les élections au Québec risquent de porter au pouvoir un gouvernement minoritaire

Les sondages suggèrent qu'aucun parti ne remportera la majorité parlementaire lors des élections provinciales de lundi au Québec.

Au début de la campagne, la Coalition Avenir Québec, un parti populiste de droite, avait plus de cinq points de pourcentage d'avance sur le Parti libéral du Québec, qui a gouverné le Québec depuis les 15 dernières années, sauf 18 mois. Mais les appels grossiers et chauvins de la CAQ, y compris son projet d'expulser les immigrants qui échouent au test de la langue française ou des «valeurs québécoises» après trois ans de résidence, ont repoussé de nombreux électeurs.

Lors du dernier de trois débats entre les chefs des quatre partis représentés à l'Assemblée nationale sortante du Québec – les libéraux, la CAQ, le Parti québécois (PQ), un parti indépendantiste propatronal, et Québec solidaire de pseudo-gauche – François Legault, chef de la CAQ et ex-ministre du PQ, a tenté de minimiser la position anti-immigrants de son parti. Le gouvernement libéral, a-t-il déclaré démagogiquement, est le seul que la CAQ veut expulser.

Mais Legault n’a pu se retenir. À une «électrice» qui lui demandait s’il allait «se battre pour nous» face aux «immigrants» qui «nous effacent», le chef de la CAQ a aussitôt répondu: «Bien oui!», ajoutant que «c’est une question de protéger ce qu’on est comme Québécois».

Les libéraux, dirigés par le premier ministre Philippe Couillard, demeurent le parti préféré de gouvernement de la plupart des grandes entreprises canadiennes et québécoises. La presse est pleine de commentaires déplorant que, bien que l'économie du Québec soit la «meilleure» qu'elle ait été depuis des décennies, les libéraux sont si largement méprisés qu'ils risquent de remporter leur plus petite part du vote populaire de l'histoire dans une élection québécoise.

En réalité, ce que les médias corporatifs célèbrent, c'est une attaque massive de plusieurs décennies contre la classe ouvrière, organisée conjointement par les libéraux fédéralistes et leurs rivaux indépendantistes du PQ et combinant des réductions massives des dépenses sociales et la promotion des soins de santé et de l'éducation à but lucratif avec d'énormes baisses d'impôt pour les grandes entreprises et les riches. Cette agression, qui a atteint un niveau qualitativement nouveau sous le gouvernement libéral Couillard, a ravagé les systèmes publics de soins de santé et d'éducation et d'autres services sociaux essentiels du Québec, et a poussé un nombre croissant de personnes à dépendre des banques alimentaires pour se nourrir et nourrir leur famille.

Québec Solidaire (QS) est le seul parti à avoir augmenté sensiblement son appui durant la campagne électorale du 1er octobre. Des sondages récents indiquent que ses promesses de réforme sociale limitée – y compris l'assurance dentaire et la gratuité des soins dentaires pour les enfants et les Québécois à faible revenu, une augmentation immédiate du salaire minimum à 15 $ l'heure, l'élimination progressive de tous les frais de scolarité universitaires et une réduction de 50 % des tarifs des transports publics – ont eu un impact sur les jeunes et les travailleurs. Cela inclut certains travailleurs qui, par dégoût pour les libéraux et le PQ, s'étaient préparés à voter pour la CAQ.

Déjà au début de la semaine dernière, QS avait l'appui de 15,8% de la population, plus du double de sa part de votes aux élections de 2014, et de 27% des jeunes du Québec.

Les libéraux et la CAQ, quant à eux, seraient au coude à coude avec un appui d'environ 30%, tandis que le PQ, le parti qui pendant des décennies a alterné avec les libéraux comme gouvernement du Québec et que les syndicats ont appuyé avec vigueur pendant des décennies, tourne autour des 20%.

La montée de QS dans les sondages est l’expression déformée de l’appétit des travailleurs et des jeunes pour un rejet des politiques d’austérité capitaliste.

La montée de Québec Solidaire dans les sondages est l'expression déformée d'un sentiment croissant anti-austérité et anticapitaliste, en particulier chez les jeunes. Mais les travailleurs et les jeunes qui considèrent QS comme un moyen de s'opposer à l'attaque de la classe dirigeante contre les droits sociaux et démocratiques des travailleurs et la descente du capitalisme dans la guerre et la réaction seront cruellement déçus.

QS ne prétend pas être un parti ouvrier ou socialiste. Il se décrit comme un parti «de gauche», indépendantiste, féministe, écologiste, altermondialiste et «citoyen». Il ne parle pas au nom des travailleurs, mais au nom des sections privilégiées de la classe moyenne supérieure – universitaires et autres professionnels, bureaucrates syndicaux et propriétaires de petites entreprises – qui s'indignent de la richesse et du pouvoir croissants du 1%, mais s'opposent farouchement à la lutte de classe et à toute contestation de l'ordre social capitaliste par la classe ouvrière.

Dans les conditions de la plus grande crise du capitalisme mondial depuis la Grande Dépression, caractérisée par la guerre commerciale, le réarmement frénétique de toutes les grandes puissances et le passage des élites dirigeantes capitalistes aux méthodes autoritaires et à la promotion des forces d'extrême droite, QS cherche à raviver les illusions dans le projet indépendantiste québécois et un programme national de réforme.

Fondé en 2006, par des forces qui, onze ans plus tôt, en 1995, avaient formé le flanc gauche de la «coalition arc-en-ciel» du premier ministre du PQ Jacques Parizeau pour créer une République du Québec capitaliste qui devait faire partie de l'OTAN et de l'ALENA, Québec Solidaire a toujours été dans l’orbite du mouvement souverainiste québécois dirigé par le PQ et a fait des offres répétées d'alliances électorales au PQ.

Comme on pouvait s'y attendre, QS utilise son soutien populaire accru pour chercher à s'intégrer davantage dans l'establishment au pouvoir, dans le but de s'assurer un rôle dans l'administration du capitalisme québécois.

À la veille du lancement de la campagne, la co-porte-parole SQ et candidate au poste de premier ministre du Québec, Manon Massé, a déclaré que si son parti détenait la balance du pouvoir, il pourrait soutenir un gouvernement minoritaire du PQ ou même de la CAQ, en échange d'un engagement à instaurer une forme de représentation proportionnelle. (Voir: Québec solidaire se dit prêt à soutenir un gouvernement de la CAQ.)

La semaine dernière, après des années de lobbying par QS, Manon Massé a été invitée à prendre la parole devant la Chambre de commerce de Montréal. Lors de son discours, Massé a tout mis en œuvre pour rassurer les chefs d'entreprise montréalais que QS croit que le secteur privé a un rôle important à jouer dans l'économie du Québec.

Repoussant la suggestion (à caractère provocateur) que QS était un parti «révolutionnaire socialiste», la dirigeante de QS a tracé une distinction entre le programme de QS – qui parle de nationaliser partiellement certains secteurs de l’économie – et ses engagements électoraux à court terme. «Si on me dit "nationalisation des banques", je dis non», a-t-elle insisté. «Dans un premier mandat, il n’est pas question de ça».

Au même moment, Massé a pris une posture radicale en se disant «révolutionnaire, certes», dans une tentative d’imiter la performance de Bernie Sanders aux élections américaines de 2016, que QS cite régulièrement comme modèle. En tant que candidat aux primaires démocrates, Sanders s’est présenté comme «un socialiste démocrate» qui dénonçait la domination de la politique américaine par «les millionnaires et les milliardaires» et parlait même de «révolution politique». En fin de compte, sa principale fonction politique a été de neutraliser le fort courant de radicalisation qui se développait parmi une section importante de travailleurs et de jeunes, et de ramener ces derniers dans le giron du parti démocrate, instrument de longue date de l’impérialisme américain – et plus spécifiquement derrière Hillary Clinton, la candidate de Wall Street, de la CIA et du Pentagone.

QS se vante d'être un parti contre l'austérité. Mais il a soutenu à maintes reprises les syndicats procapitalistes dans leur isolement des luttes des travailleurs québécois de celles des travailleurs du Canada et de l’étranger, et dans leur répression de tout véritable défi de la classe ouvrière à l'austérité.

Lorsque la grève étudiante québécoise de 2012 a menacé de s’étendre à la classe ouvrière et de poser un défi à toute la politique d’austérité de la classe dirigeante, les centrales syndicales québécoises, avec la complicité du NPD et des syndicats du Canada anglais, sont intervenues pour détourner le mouvement de contestation sociale des jeunes derrière un soutien électoral pour le PQ, à l’aide du slogan «de la rue aux urnes». Cette manœuvre a reçu le plein soutien de QS qui a proposé en juin un pacte électoral avec le PQ et promis en septembre, s’il détenait la balance du pouvoir, de soutenir sans condition un gouvernement péquiste minoritaire pendant au moins un an.

Et trois ans plus tard, lorsqu’un mouvement militant a éclaté parmi plus d’un demi-million de travailleurs du secteur public québécois contre les concessions draconiennes qu’exigeait l’actuel gouvernement libéral de Philippe Couillard, Québec solidaire a appuyé les efforts de la bureaucratie syndicale pour étouffer la colère de leurs membres, isoler leurs luttes et imposer une entente de principe qui trahissait toutes leurs revendications.

Lors du dernier débat des chefs, Massé a cherché à minimiser l'importance du rôle de bouc émissaire que Legault tente d'imposer aux immigrants, qui est parallèle aux développements aux États-Unis et en Europe. Confrontée à la colère sociale croissante et à la lutte des classes, la classe dirigeante met en avant des éléments d'extrême droite pour attiser l'hostilité contre les réfugiés et les immigrés afin d'intimider et de diviser la classe ouvrière et justifier la répression d'État.

Massé a déploré le projet de la CAQ d'expulser les immigrants qui échouent aux tests de la langue française et des «valeurs québécoises», mais elle a ajouté: «Je vous crois quand vous dites que vous n'avez rien contre les immigrants.»

S'appuyant sur un programme nationaliste d'exclusion, QS a joué un rôle pernicieux au cours de la dernière décennie pour légitimer la montée du chauvinisme québécois. Lorsque le prédécesseur de la CAQ, l'ADQ, et les tabloïds ont commencé à soulever pour la première fois un tollé au sujet des soi-disant «accommodements excessifs» aux immigrants et aux minorités religieuses, Québec Solidaire a qualifié ce débat de «légitime». De même, QS a appuyé la tentative du PQ d'imposer une «Charte des valeurs québécoises» pendant les 18 mois où le PQ a été au pouvoir entre 2012 et 2014, se contentant de critiquer certains détails de l'interdiction proposée du port de «symboles religieux ostentatoires» (avec une exclusion spéciale pour les crucifix).

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