Le Premier ministre pakistanais Imran Khan impose un mini-budget d’austérité

Après être arrivé au pouvoir en exploitant la colère sociale et le sentiment anti-guerre, le parti au pouvoir Tehrik-e-Insaaf (PTI) du Premier ministre pakistanais Imran Khan, se positionne pour abandonner ses promesses électorales limitées et attaquer la classe ouvrière avec de sévères compressions budgétaires. La ligne pro-austérité et pro-impérialiste de Khan a été révélée deux mois à peine après son élection. Parallèlement, il aligne le Pakistan sur l’impérialisme américain tout en cherchant à renégocier des accords financiers avec la Chine.

Le 18 septembre, la PTI a présenté à l’Assemblée nationale un amendement au projet de loi sur les finances de 2018, surnommé le « mini-budget ». Le mini-budget a été étroitement coordonné avec le Fonds monétaire international (FMI) et a été présenté après que des responsables pakistanais ont organisé une vidéoconférence avec les responsables du FMI au ministère des Finances.

En présentant le budget, le ministre des Finances, Asad Umar, a déclaré que le Pakistan était confronté à des « moments difficiles » et a appelé à des mesures « difficiles » pour réduire les déficits budgétaires. Notant que le déficit budgétaire est passé de 4,1 pour cent à 6,6 pour cent, Umar a déclaré: « La situation la plus dangereuse est que si nous continuons sur ce trajet, le déficit budgétaire augmentera de 7,2 pour cent d’ici la fin de l’année en cours.

C’est l’évaluation du ministère des finances et des experts économiques. » Umar a affirmé que ces mesures étaient le seul moyen de mettre un terme à la chute de la valeur de la roupie par rapport au dollar et de sauver l’économie du Pakistan, avertissant que les réserves de devises du pays ne représentent plus que l’équivalent de deux mois d’importations. Alors que les réserves de devises du Pakistan ont chuté à 9,3 milliards de dollars, la dette extérieure s’élève à 92 milliards de dollars.Umar a déclaré que des décisions difficiles devaient être prises sinon les pressions inflationnistes s’accumuleraient au point de devenir douloureuses pour le consommateur moyen.

Le Premier ministre Imran Khan avait exploité la colère sociale du précédent gouvernement PML-N pour remporter les élections de juillet, faisant des promesses démagogiques, notamment pour créer plus d’emplois et apporter de l’aide sociale aux pauvres, tout en critiquant les attaques meurtrières des drones américains dans la zone tribale sous administration fédérale pakistanaise.

Khan a formé son gouvernement en choisissant des ministres qui ont déjà travaillé dans les gouvernements de l’ancien dirigeant militaire Pervez Musharraf, de la Ligue musulmane pakistanaise (Nawaz) et du Parti du Peuple pakistanais (PPP), qui ont imposé des mesures d’austérité du FMI et ont collaboré avec l’OTAN et les États-Unis dans leur guerre en Afghanistan.

Par le biais de son mini-budget, Khan abandonne ses promesses électorales et poursuit des politiques similaires à celles de ses prédécesseurs.Le mini-budget consiste en des hausses de prix et d’impôts sur les articles les plus essentiels tels que l’alimentation et le gaz. Pour réduire le déficit budgétaire, Khan propose de réduire le Programme fédéral de développement du secteur public de 1030 milliards de roupies à 700 milliards de roupies [soit de 7 à 4,9 milliards d’euros], accompagné de nouvelles mesures fiscales.

Le gouvernement augmentera également les droits de douane et d’autres droits pour des démarches administratives, y compris sur les importations de téléphones mobiles. En imposant de sévères réductions, il espère récupérer environ 1,5 milliard de dollars. Il a également formé un comité spécial du cabinet ministériel chargé de superviser les privatisations des entreprises du secteur public.La semaine dernière, des responsables pakistanais ont eu des entretiens avec le FMI, alors que le gouvernement du PTI s’apprête à demander un plan de sauvetage. En échange, le FMI exigera de sévères mesures d’austérité.

Le Diplomate a écrit: « Il est probable que le FMI, avant de proposer un nouveau programme de prêts au Pakistan, demandera un certain nombre de réformes qui ne seraient peut-être pas dans l’intérêt des classes moyennes et pauvres du Pakistan. On s’attend à ce que l’assiette des impôts ciblant la catégorie des salariés s’accroisse et que davantage d’impôts directs et indirects soient susceptibles d’être mis en œuvre. En attendant, les subventions dans le domaine de l’agriculture et ailleurs devraient connaître une réduction significative dans les semaines et les mois à venir. »

Avec ses mesures d’austérité et sa collaboration avec le FMI, le gouvernement de Khan se dirige rapidement vers un face-à-face avec les masses de travailleurs et opprimés, dans un pays de 210 millions d’habitants où la majorité subsiste avec moins de 2 dollars par jour.Plus de 60 pour cent des Pakistanais peinent à trouver de la nourriture et les femmes et les enfants sont les plus touchés par la pauvreté. La moitié des jeunes sont au chômage, tandis que 3,8 millions d’enfants sont exploités dans des conditions de travail de forçats. Environ 25 millions d’enfants n’ont pas accès à l’éducation, et des milliers d’écoles manquent d’équipements de base, notamment d’eau, d’électricité et d’assainissement. Les conditions des hôpitaux publics s’aggravent avec le manque de lits, de matériel médical, de médicaments et de médecins.En même temps, seulement 22 milliardaires pakistanais monopolisent d’énormes richesses.

Parmi eux, l’ancien Premier ministre de la Ligue pakistanaise musulmane (PML-N), Nawaz Sharif (1,4 milliard de dollars), et l’ancien président du Pakistan et coprésident du Parti du Peuple du Pakistan (PPP), Asif Ali Zardari (1,8 milliard de dollars).

La défense par le régime de Khan des intérêts des banques, de l’impérialisme américain et des super-riches témoigne de la faillite historique du capitalisme pakistanais. Corrompu, sclérotique et totalement dépendant de ses liens avec l’impérialisme, il n’a rien à proposer aux masses.Le conflit croissant entre Washington et Pékin a sapé les accords que la classe capitaliste pakistanaise a tenté d’utiliser pour surmonter la non-viabilité essentielle de l’État pakistanais – le produit de la partition du sous-continent indien en 1947 imposée lors de l’obtention de l’indépendance par rapport à l’impérialisme britannique.

Le régime d’Islamabad a entretenu une alliance à la fois avec les États-Unis et la Chine qu’il cherchait à mettre à profit contre son grand rival, l’Inde.Cependant, aujourd’hui, Islamabad est face à la réalité, à savoir que ses deux « alliés » clé mènent une guerre acharnée pour l’influence et l’avantage géostratégique au Moyen-Orient et en Asie centrale.Khan, pour l’instant au moins, s’oriente plus dans la direction de Washington.

Abandonnant sa rhétorique de campagne contre les meurtres perpétrés par les drones militaires américains, Khan a rencontré le secrétaire d’État américain Mike Pompeo le mois dernier et l’a exhorté à établir de solides relations avec le Pakistan. Il s’est déclaré « optimiste » à propos des relations avec Washington. « Vous savez que je suis un optimiste né », a-t-il déclaré. « Un sportif [il a été un joueur de cricket accompli] est toujours un optimiste. »

Cependant, Islamabad est toujours engagé dans le développement de son économie et de son industrie via le projet de corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), « projet phare » du Belt and Road intiative (BRI, une nouvelle route de la soie) eurasienne de la Chine. Lancé en 2015, le CPEC est un réseau de routes, de voies ferrées et de projets énergétiques reliant la Chine occidentale au port stratégique de Gwadar, au Pakistan, dans l’océan Indien, près du golfe Persique riche en pétrole.

Selon The Diplomate, « la Chine a jusqu’à présent investi 19 milliards de dollars dans divers secteurs de l’économie pakistanaise, tandis que neuf des 22 projets prévus ou en cours de construction ont été achevés. Environ 30 000 Chinois travaillent sur différents projets au Pakistan. »

Cependant, Pompeo a déjà déclaré qu’il serait « inacceptable » que le Pakistan utilise l’aide financière américaine pour rembourser les coûts d’infrastructures et les dettes industrielles à la Chine, et que le socle économique du Pakistan est à la merci d’un choc international majeur.(Article paru en anglais le 2 octobre 2018)

Loading