Le gouvernement français s’effondre après la démission de Collomb

Depuis la démission le 3 octobre du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, soutien de la première heure à Emmanuel Macron et à La République en Marche (LRM), le gouvernement tourne à vide. Hier, de hauts responsables de LRM ont annoncé la préparation avant mardi d’un remaniement profond du gouvernement, voire d’une démission du premier ministre Edouard Philippe. Miné par son impopularité, le gouvernement Philippe est au bord de l’effondrement.

Sans surprise, les dirigeants LRM ont tenté de relativiser la crise, la décrivant uniquement à travers son impact sur l’appareil d’État. Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a relevé auprès du Journal du dimanche la grogne des élus territoriaux et promis de renouveler le «pacte girondin» que Macron voudrait passer avec les régions. Il a aussi indiqué que les bureaucrates syndicaux et les associations étaient frustrés dans leurs relations avec Macron, ayant « le sentiment qu’il y avait une noblesse de robe qui s’adressait au tiers état. Rien n’est plus faux».

Ferrand a signalé que LRM veillerait à les incorporer davantage aux processus de décision, en promettant de faire «de l’an II du quinquennat, celui de la République contractuelle. ... Aujourd’hui, nous devons davantage nous appuyer sur toutes les forces de progrès et de transformation. Seuls, on va plus vite, mais ensemble on va plus loin.»

Le JDD et Ferrand ont toutefois tenu à dissiper tout possible malentendu, insistant qu’une plus grande implication de la «société civile» dans le gouvernement ne signifierait pas un tournant à gauche. Interrogé sur la possibilité de «rééquilibrer le gouvernement avec des personnalités de gauche», Ferrand l’a balayée de la main, se refusant à réfléchir «en termes d’étiquettes».

En fait, l’imbrication plus étroite des syndicats et des associations dans la formulation de la politique macronienne ne stabilisera pas le gouvernement en élargissant sa base sociale. Elle ne fera qu’intensifier la crise du gouvernement Macron, dont la source est le rejet écrasant de sa politique d’austérité et de militarisme, menée plus largement par l’Union européenne, par les travailleurs en France et à travers toute l’Europe.

La présidence et le parti de Macron se sont avérés être un ballon en baudruche qui n’a pris qu’un an pour exploser, percé par le stylo avec lequel le gouvernement et les syndicats ont signé cet été l’accord qui casse le statut des cheminots et privatise la SNCF.

Cette victoire pyrrhique de Macron n’a été possible que grâce à la lâcheté et à la traîtrise des appareils syndicaux, qui ont signé un accord rejeté par 95 pour cent des salariés de la SNCF. Mais la privatisation forcée de la SNCF n’a que trop bien révélé le contenu de classe de la présidence de Macron. Celui que les Français méprisaient déjà en tant que «président des riches» est à présent haï: selon un sondage Elabe, seuls 6 pour cent des Français pensent que la politique de Macron améliorera leur situation économique.

Si Nicolas Hulot a abandonné le ministère de l’Écologie et Collomb l’Intérieur, et si une demi-douzaine d’autres ministres sont démissionnaires, ce ne sont pas là, comme le prétend Ferrand à propos de Collomb, des «choix personnels» faits malgré des liens «indéfectibles» avec Macron. La population rejette massivement la réforme des retraites, de la Sécurité sociale et de l’assurance-chômage voulue par LRM, et la grogne monte dans l’appareil d’État. La décision de rester auprès de Macron et de LRM prend de plus en plus l’allure d’un suicide.

Comme des rats qui fuient une bourgade pestiférée, les ministres abandonnent donc Macron en courant pour chercher des points de chute à travers diverses élections municipales. Et Collomb, qui démissionne pour préparer sa campagne à Lyon, d’avertir lugubrement Macron qu’il risque d’être victime de «l’hubris, la malédiction des dieux» qui détruit les orgueilleux, car «les dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre».

La question critique qui ressort de cette crise est la perspective sur laquelle les travailleurs peuvent lutter contre le programme de Macron et de l’Union européenne. La capacité d’un gouvernement Macron discrédité et condamné de passer en force à la SNCF souligne la faillite des appareils syndicaux et celle des appareils politiques de pseudo-gauche, tels que la France insoumise et le Nouveau parti anticapitaliste, qui se sont alliés à eux. Leurs perspectives de négociation avec Macron est un leurre et un piège, car Macron n’a aucune perspective à part organiser la contre-révolution sociale.

Ceci donne raison aux appels du Parti de l’égalité socialiste pour la formation de comités d’action, indépendants des appareils syndicaux et de leurs soutiens politiques, pour mener la lutte. Face à la volonté de Macron de passer en force avec des mesures sociales visant à financer par l’austérité les fortunes des milliardaires et les dépenses de 300 milliards d’euros qu’il projette sur l’armée, planifiées avec Berlin, il n’y a plus rien à négocier avec lui.

Les travailleurs n’auront d’autre choix pour défendre leurs acquis sociaux et leurs droits démocratiques que de mener une lutte sans merci contre Macron. Un demi-siècle après la grève générale de Mai 68, le choix qui s’ouvre à eux n’est plus la réforme ou la révolution, mais la révolution ou la contre-révolution. Le rôle du Parti de l’égalité socialiste sera d’intervenir dans ces luttes pour expliquer la nécessité de transférer le pouvoir à la classe ouvrière et de créer un État ouvrier pour bâtir une société socialiste.

Cette perspective sépare le PES des appareils politiques qui couvrent l’impuissance poltronne des syndicats. LFI et le NPA se sont refusés à appeler à une opposition à Macron pendant le second tour des présidentielles, après lesquelles Mélenchon s’est offert en tant que premier ministre à Macron. A présent, quand Mélenchon affirme contre Macron que «quand il s’agit de protéger l’État et de faire respecter la norme républicaine, il y a une convergence avec la droite, je l’assume», il positionne LFI pour s’adapter à un gouvernement alternatif que construirait la droite.

À présent, alors que le ministre de l’Intérieur allemand Horst Seehofer salue les émeutes neo-nazies à Chemnitz, Marine Le Pen arrive aujourd’hui à Rome discuter de l’Europe post-Brexit avec Mattéo Salvini, le néo-fasciste qui, avec seulement 20 pour cent des voix, domine le gouvernement italien. Les soutiens de Marine Le Pen, qui l’abandonnent pour rejoindre Nicolas Dupont-Aignan, et les opposants gaullistes d’une alliance avec les néo-fascistes, comme Xavier Bertrand, participent tous à ce que Le Monde appelle les «grandes manœuvres» à droite.

La perspective pour les travailleurs en France n’est pas de se soumettre aux automatismes d’une classe politique qui produira inévitablement un prochain gouvernement plus à droite que le dernier. Leurs alliés sont les travailleurs et les jeunes mobilisés à l’international contre l’austérité, la militarisation de l’Europe, et le lavage des crimes du nazisme par les alliés allemands de Macron.

Alors que l’intérêt pour le socialisme monte parmi les jeunes américains et que la colère monte en Allemagne contre la légitimation officielle des néo-nazis, les prémisses internationales émergent pour la prise du pouvoir par les travailleurs et la construction du socialisme. Cela s’avérera être la seule perspective viable à opposer à la faillite patente du gouvernement Macron.

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