Inondations dans l‘Aude, des morts et des pertes surtout dues à la politique d‘austéritéde l‘UE

Dans la nuit du 14 au 15 octobre dernier de très fortes pluies ont entraîné des inondations qui se sont prolongées jusqu’au 16 octobre et ont durement frappé le département de l’Aude, dans le Sud de la France. Elles ont fait 14 morts et 75 blessés, et les dégâts matériels sont considérables : 126 communes ont été classées en état de catastrophe naturelle dans un périmètre de 80 kilomètres allant du Nord de Carcassonne à l’embouchure de l’Aude.

Dans la commune de Villegailhenc, l’une des plus touchées, où l’on a recensé trois décès suite à ce sinistre, le maire a indiqué que « plus de la moitié des foyers ont tout perdu. Dans près de deux maisons sur trois, il n’y a plus rien au rez-de-chaussée. »

Cette catastrophe frappe un département déjà pauvre et négligé, principalement rural, vivant surtout du tourisme, de la viticulture et de la pêche, qui a été fortement frappé par la crise de 2008. Le taux de chômage montant jusqu’à 17 % en 2015. Le revenu fiscal de référence est en moyenne de 20 523 € par foyer, soit 20,8 % de moins que la moyenne nationale.

1500 habitations ont été privées d’électricité, 10 000 d’eau potable, 4 ponts routiers ont été détruits et deux autres fortement endommagés. L’hôpital de Carcassonne, récemment construit a été fortement touché également. Quatre villages ont été évacués suite à des inquiétudes sur la stabilité d’un barrage. Toutes les vignes sur les 80 km en bordure de l‘Aude ont été endommagées, parfois complètement emportées.

Des inquiétudes ont également été soulevées quant à l’effet de ces inondations sur le site de raffinage nucléaire de Malvési géré par Orano (anciennement Areva) qui stocke près d’un million de mètres cubes d’eaux usées radioactives en plein air.

Il s’agit de la plus forte crue de l‘Aude depuis 1891. Celle-ci fait partie des rivières du Sud de la France déjà connues pour des crues automnales très fortes causées par des phénomènes météorologiques que l’on appelle les « épisodes cévenols » ou « épisodes méditerranéens » suivant le cas.

En 1999 déjà, la conjugaison d’un orage exceptionnel au-dessus des terres et d’une forte tempête en Méditerranée avait entraîné 31 décès et 535 millions d’euros de dégâts. À l’époque, le gouvernement PS de Lionel Jospin avait répondu en lançant une « réflexion d’ensemble » censée aboutir à des améliorations notables, aux échelons national comme local, dans les domaines de la prévention, des alertes et de la gestion de crises.

En 2010, la préfecture de l’Aude affirmait dans une plaquette que les leçons avaient été tirées de 1999 avec la mise en place de divers dispositifs dont « 813 plans de prévention du risque d’inondation (PPRI), 191 plans communaux de sauvegarde (PCS), 9 plans d’action et de prévention des inondations (PAPI), et 3 Services de prévention des crues (SPC) ». Elle résumait : « 1999 … 2009, 10 ans d’amélioration du dispositif réglementaire, l’État organise la sauvegarde des vies et la protection des biens. »

Ce que les habitants de la région on vécu les 14 et 15 octobre fut cependant tout le contraire et ils ont exprimé leur colère contre le manque de préparation des autorités et l’état des dispositifs censés les protéger.

L’alerte rouge qui devait être donnée par Météo France pour prévenir les riverains de se mettre en sécurité n’a été lancée qu’à 6 heures du matin alors qu’il était déjà tombé l’équivalent de trois mois de pluies sur la région et que les habitants livrés à eux-mêmes avaient déjà fui en pleine nuit leurs maisons envahies par les eaux.

Les pompiers du département étaient loin de suffire pour ce genre de situation ; 350 pompiers sont venu des départements avoisinants, soit sensiblement autant que les effectifs intervenus depuis l’Aude. Les effectifs venus d’autres départements n’ont pu intervenir que le lendemain des crues.

Les sinistrés ont du attendre des heures pour avoir de l’eau dans les hébergements par les municipalités et bien plus longtemps encore pour de la nourriture. Les médias comme toujours ont applaudi la solidarité locale et l’intervention des organisations caritatives comme la Croix-Rouge, couvrant l’absence de ravitaillement adéquat par l’État.

Le manque de moyens de Météo France avait été relevé en juin dernier par deux rapports édités par France Stratégie, un service du gouvernement, et le Sénat, qui pointaient un budget en diminution depuis 2014, une baisse constante du financement par l’État depuis 2012, le non-remplacement de 20 % des départs en retraite et l’apparition de « déserts météorologiques » où les observations sont moins précises suite à la fermeture de centres.

Le premier ministre Édouard Philippe s’est rendu sur place le 15 octobre pour y trouver ce que le journal L’indépendant a qualifié bénignement de « climat d’incompréhension ». Dans la ville de Trèbes, il a été invectivé par un habitant disant « J’ai perdu des animaux et des gens sont morts. On savait que la tempête Leslie arrivait, que de la flotte venait de la mer Méditerranée. L’Aude, ce n’est pas un cours d’eau tranquille. Personne n’a rien dit. »

Philippe s’est défendu en mettant tout sur le caractère soit-disant imprévisible de l’événement, survenant de nuit, alors que c’est justement à ce type d’événements « exceptionnels » que les dispositifs de l’administration étaient censés répondre.

Sur le compte Twitter du Premier ministre, de nombreux commentateurs ont tourné en ridicule une photo de Philippe en train d’aider une vieille dame à sortir de chez elle : « Et le photographe est passé par là, par hasard, bien sûr… », « Quelle mise en scène honteuse… », « Je te flingue ta pension de retraite, mais je compatis. »

Effectivement, comme dans d’autres sinistres aggravés par des coupes budgétaires à répétition, les plus touchés sont les plus pauvres et les plus fragiles économiquement. Ceux qui ont perdu la vie dans ce désastre, qui ont été blessés ou qui ont tout perdu, sont au bout du compte les victimes de l’explosion des inégalités sociales dans le pays.

L’austérité profonde et sans fin menée par les gouvernements successifs, de droite comme du PS, qui ont imposé la politique de l’UE en France au profit des super riches a laissé des services publics exsangues et des infrastructures inadéquates et dangereuses, créant dans le même temps des milliardaires comme Bernard Arnault qui voit son capital augmenter de 22 milliards en un an.

Le pillage de ressources vitales pour satisfaire aux besoins les plus urgents de la population, alors qu’on demande en même temps sans cesse aux travailleurs de faire des sacrifices, mène à des situations où les services indispensables sont sous-financés.

De plus, il est maintenant bien connu que ce genre d’épisodes « exceptionnels » est appelé à se multiplier suite au réchauffement climatique. Pour pallier à ce genre de catastrophe, il faut mettre maintenant à la disposition de la société les énormes ressources sociales qui sont gaspillées par l’aristocratie financière européenne.

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