Les bénéfices d'UPS en hausse de 20 pour cent après que les Teamsters ont passé outre un vote contre l’offre patronale

Trois semaines après que le syndicat des Teamsters a annoncé qu'il défierait le vote de dizaines de milliers de travailleurs d'UPS et imposerait la convention collective pourrie rejetée par les membres, UPS a publié son rapport financier trimestriel, faisant apparaître une forte augmentation des profits par rapport à l’an dernier.

Le profit total pour le trimestre a augmenté de 19 pour cent pour atteindre 1,5 milliard de dollars, ce qui place la société sur la voie de 7 milliards de dollars de profits pour l’année. Le profit ajusté par action, indicateur de la rentabilité des actions d’UPS pour les investisseurs, a augmenté de plus de 26 pour cent.

L'augmentation des profits sera répercutée sur les fonds d'investissement et les actionnaires de Wall Street sous la forme de milliards de dollars en rachats d'actions et en dividendes. L'année dernière, UPS a consacré 750 millions de dollars à des rachats d'actions, qui gonflent le prix des actions de la société et les portefeuilles des investisseurs.

La société dépensera environ 3 milliards de dollars en dividendes, qui sont des paiements directs aux actionnaires, dont les plus importants sont les fonds d’investissement Blackrock et Vanguard Group. Les dividendes par action de la société ont augmenté de 10 pour cent au cours de l’année écoulée et ont quadruplé depuis l’an 2000.

Ces chiffres illustrent le rôle du syndicat des Teamsters en tant que branche des relations industrielles d’UPS et sous-traitant de main-d’oeuvre à bas salaire.

Le 5 octobre, les travailleurs ont voté à 54 pour cent contre un nouveau contrat de travail de cinq ans approuvé par l’entreprise et le syndicat. Le syndicat des Teamsters a toutefois immédiatement déclaré le contrat ratifié, justifiant son gangstérisme en invoquant une échappatoire constitutionnelle lui permettant d’imposer tout contrat si moins de la moitié des travailleurs participent au vote, à moins d’une majorité des deux tiers. Le syndicat enfreint la volonté des travailleurs qui ont voté à 93 pour cent, début juillet, pour autoriser la grève.

L'accord crée un nouveau groupe de travailleurs «hybrides» qui, pour la première fois, peuvent être transférés de l'entrepôt à la conduite pour livraisons, travailler les samedis et les dimanches et être payés jusqu'à 6 dollars de l'heure de moins que les chauffeurs actuels. Il fixe le salaire de départ au seuil de pauvreté de 13 dollars de l’heure aux ouvriers des entrepôts à temps partiel, qui gagneront même moins que leurs homologues d’Amazon. C’est un élément de ce que UPS appelle son «plan de transformation», qui impliquera une automatisation accrue et d’autres «gains d’efficacité» qui permettront d’économiser 1 milliard de dollars par an.

Alors que Wall Street célèbre ses bénéfices record, les principaux dirigeants des Teamsters, dont le président James Hoffa (salaire de près de 400.000 dollars), célèbrent leur propre «victoire» sur les travailleurs avec un voyage de dix jours à une «conférence» internationale à Singapour.

Cependant, parmi les travailleurs, l’opposition est généralisée. Dans tous les entrepôts, les travailleurs se retirent du syndicat et déclarent qu’ils ne paieront plus d’argent pour le privilège de se faire mentir et trahir, et voir leurs votes répudiés. Les travailleurs rapportent que l’entreprise a commencé à former des chauffeurs pour le nouveau poste «hybride», malgré le fait que tous les accords locaux supplémentaires doivent encore être ratifiés et que les Teamsters affirment être toujours en «négociation» avec UPS.

«Tout le monde est furieux», a déclaré Irene, une porteuse en Californie. «On comprend que la compagnie veut nous avoir. C’est le capitalisme. Mais le syndicat est censé être là pour nous protéger et nous donner des droits et des choses qu’on mérite parce qu’on se sacrifie. Mais les personnes supposées faire cela se moquent de nous».

Les responsables des Teamsters se sont pointés dans une fourgonnette à nourriture la semaine dernière au centre d’Irene pour offrir aux travailleurs appauvris, qui sont si mal payés que beaucoup sont des sans-abris ou occupent deux ou trois emplois, de la nourriture gratuite et les encourager à payer leurs cotisations. «Mon collègue s’est adressé à eux et leur a dit: "Pourquoi ratifiez-vous le contrat"? Ils fumaient des cigares et se moquaient de lui. Il a fini par dire qu’il ne savait pas pourquoi il leur parlait, c’était comme parler à un mur».

Les actions du syndicat des Teamsters vont directement entraîner une cadence accélérée, des blessures sur les lignes de production et la mort de travailleurs.

En Floride, Tim, un conducteur depuis 33 ans, a déclaré au WSWS qu’au cours des deux dernières semaines, la direction «sentait qu’elle pouvait tout faire».

Ces conditions ont eu un résultat inévitable mardi, la veille du jour où UPS publiait ses profits, quand Anthony Schanding, un ouvrier à l’entretien des équipements âgé de 43 ans, a été tué au travail dans les installations d’UPS sur Mercer Road à Lexington, dans le Kentucky. Schanding a été mortellement blessé lors de travaux d’entretien à 11h20 et sa mort a été prononcée peu après son arrivée à l’hôpital cinquante minutes plus tard.

Des centaines d’autres travailleurs perdent des doigts ou sont blessés d’une manière ou d’une autre chaque année. Irene a fait remarquer que dans son ancienne usine à Ontrario, «des tonnes de personnes tombent malades et ne peuvent plus respirer, y compris des femmes enceintes, à cause des émanations de la soudure pour la construction», dans le cadre de l’introduction continue de technologies automatisées. «Beaucoup de gens se sentaient malades et étourdis».

L'année dernière, a-t-elle expliqué, un travailleur de 22 ans de l'établissement a eu une crise d'épilepsie, est tombé sur la tête et a été tué.

Pour réprimer l’opposition généralisée parmi les travailleurs, le syndicat des Teamsters s’appuie sur les services de leur loyale opposition, «les Teamsters pour un syndicat démocratique» (TDU) et «les Teamsters unis» (TU). Ces groupes ont appelé à voter «non» à l’accord largement détesté, tout en affirmant que cela forcerait le président des Teamsters, Jimmy Hoffa, à changer de cap et à «renégocier». Maintenant que le syndicat des Teamsters a rejeté le «non» des travailleurs, ils appellent les travailleurs à gaspiller leur énergie en signant des pétitions et en écrivant des lettres à Hoffa.

La TDU et la TU sont soutenues par diverses organisations de la pseudo-gauche qui se présentent faussement comme socialistes, mais défendent l’appareil syndical contre les travailleurs. Il s’agit notamment de la revue Labour Notes, du magazine le Jacobin et du Socialist Worker, le journal de l’ISO. Dans un appel organisé la semaine dernière par la TDU et Labor Notes, les intervenants ont répondu aux questions des travailleurs sur la manière de faire pression pour une grève nationale en déclarant qu’une telle action ne pourrait pas être prise, car elle «n’a pas le soutien de l’Internationale».

Ces organisations ne parlent pas pour la classe ouvrière, mais pour des éléments privilégiés de la classe moyenne qui ne souhaitent qu’obtenir eux-même des postes dans les syndicats. Comme le WSWS le mentionnait dans un récent article intitulé «Les nombreux milliards du business syndical américain», les Teamsters contrôlent des actifs de quelque 270 millions de dollars, et ses principaux représentants – y compris Sean O’Brien de la TU avec un salaire de 302.000 dollars – ont des revenus les plaçant dans le premier ou le deuxième pour cent des plus riches.

Leur plus grande crainte est que les travailleurs rompent avec les entreprises corrompues de gestion de la main-d'œuvre connues sous le nom de syndicats et créent leurs propres organisations de lutte.

Mais c’est précisément ce qui est nécessaire. Le bulletin d’information des travailleurs et des travailleuses d’UPS du WSWS invite les employés d’UPS à tirer les leçons de leur propre expérience des trois derniers mois. De nouvelles organisations, des comités de base sur les lieux de travail, indépendantes des Teamsters et contrôlées directement et démocratiquement par les travailleurs eux-mêmes, doivent être formées dans chaque centre et entrepôt pour exprimer réellement les sentiments et la détermination des travailleurs et organiser le combat.

De telles organisations lanceraient un appel pour une lutte commune à leurs homologues, les travailleurs d’Amazon, de Fedex et de l’automobile, les enseignants et les plus de 200.000 postiers qui ont été gardés au travail pendant plus d’un mois sans convention collective par le Syndicat américain des travailleurs des postes (APWU).

Les sociétés géantes telles que UPS et Amazon devraient être retirées du domaine privé et être transformées en services publics, sous le contrôle démocratique des travailleurs eux-mêmes, afin d’organiser la production et la distribution des ressources de la société selon une planification rationnelle plutôt que dans l’intérêt d’une petite élite d’affaires.

(Article paru en anglais le 25 octobre 2018)

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