En invitant Trump à Paris, Macron évoque le fascisme et les années 1930

Alors qu’il se préparait à accueillir Donald Trump samedi à Paris pour le centenaire de l’armistice qui a mis fin à la Première Guerre mondiale, Emmanuel Macron a accordé un entretien à Ouest France. Il y déclare que l’Europe fait face aux mêmes menaces qu’à l’époque qui séparait la Première Guerre mondiale et la montée du fascisme et l’éruption de la Seconde Guerre mondiale en 1939.

Face à la colère sociale des travailleurs, Macron s’est posé en opposant « progressiste » aux politiciens d’extrême-droite hostiles à l’UE, tel que le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, et le Premier ministre hongrois, Viktor Orban. Des mobilisations sont annoncées le 11 novembre contre la visite de Trump et le 17 novembre contre l’austérité et les hausses du prix de l’essence. Macron a tenté de faire écho aux préoccupations des masses face au danger de la dictature et de guerre.

Il a déclaré : « Je suis frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l’entre-deux-guerres. Dans une Europe qui est divisée par les peurs, le repli nationaliste, les conséquences de la crise économique, on voit presque méthodiquement se ré-articuler tout ce qui a rythmé la vie de l’Europe de l’après Première Guerre mondiale à la crise de 1929. Il faut l’avoir en tête, être lucide, savoir comment on y résiste. »

Ceci équivaut à une reconnaissance par le chef de l’État français de ce que ressentent des millions de travailleurs dans le monde : les dangers de guerre et d’un régime autoritaire sont réels. Mais les politiques de Macron, un banquier prétendument « progressiste », ne font qu’intensifier ces dangers, dont les sources sont les inégalités grotesques et la faillite historique du capitalisme. La classe ouvrière est la seule force pouvant offrir une voie progressiste dans la lutte contre le danger d’une rechute dans la barbarie des années 1930.

Macron n’a même pas essayé de concilier ses critiques du nationalisme avec son invitation faite à Trump, le milliardaire parasite qui personnifie plus que quiconque la tentative d’attiser le nationalisme fascisant et les haines anti-immigrés afin de poursuivre des politiques militaristes et antisociales.

Trump vient d’annuler le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF). Peu de temps auparavant, l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, Kay Bailey Hutchinson, avait menacé de bombarder la Russie afin de « détruire » des missiles russes. Alors qu’il abandonnait le traité INF, ce qui risque de provoquer une course à l’armement nucléaire avec Moscou et Beijing, Trump déployait également des milliers de soldats à la frontière mexicaine pour établir des camps de détention et menacer de tirer sur des migrants sans défense.

Et Macron salue chaleureusement Trump à Paris, tout en dénonçant hypocritement Salvini et Orban.

Ces attaques sont essentiellement fausses, car Macron les fait au service des mêmes intérêts de classe que Trump ou les rivaux néo-fascistes de Macron en Europe. Ses projets – de consacrer des centaines de milliards d’euros à l’armée, et d’imposer la casse des retraites, la privatisation de la SNCF et l’austérité – ont pour objectif de transformer l’Europe en bloc impérialiste militarisé. Comme Macron l’a ensuite expliqué à Ouest France, ses critiques verbales du nationalisme européen visent à préserver l’unité fragile de ce bloc et à faire avancer ses intérêts géopolitiques.

Il a déclaré : « Nous sommes rentrés dans un monde de puissances, qui se développent à l’échelle planétaire, dans une forme de concurrence et un ordre qui reste à composer. L’Europe est face à un risque : celui de se démembrer par la lèpre nationaliste et d’être bousculée par des puissances extérieures. Et donc de perdre sa souveraineté. C’est-à-dire d’avoir sa sécurité qui dépende des choix américains et de ses changements, d’avoir une Chine de plus en plus présente sur les infrastructures essentielles, une Russie qui parfois est tentée par la manipulation, de grands intérêts financiers et des marchés qui dépassent parfois la place que les États peuvent prendre. »

En fait, les prétentions de l’UE à offrir une opposition démocratique à l’extrême droite sont en lambeaux. L’année dernière, Macron a été élu par défaut face à la candidate néo-fasciste Marine Le Pen, qui avait salué l’élection de Trump. Selon les médias, Macron faisait partie d’un tandem avec la chancelière allemande Angela Merkel qui ferait de l’Union européenne (UE) le nouveau « leader du monde libre » après l’élection de Trump à Washington.

Un an plus tard, Merkel a annoncé son retrait en tant que chancelière sur fond d’une campagne acharnée pour réarmer l’Allemagne, légitimer le militarisme allemand, et promouvoir les traditions fascistes. Le ministre de l’intérieur, Horst Seehofer, a déclaré qu’il aurait pu rejoindre une émeute néonazie à Chemnitz, alors qu’émergent de nombreuses preuves de collusion entre l’État et l’extrême droite, et des manifestations de masse contre l’extrême droite dans toute l’Allemagne.

Les services de renseignement allemands ont également placé le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP, la section allemande du Comité international de la Quatrième Internationale) sur une liste de « groupes extrémistes de gauche » pour s’être opposés au militarisme d’extrême droite, tout en reconnaissant que le SGP ne s’était engagé dans aucune activité violente.

Alors que les alliés de Macron à Berlin évoluent vers l’extrême-droite et menacent de réprimer l’opposition, Macron suit essentiellement le même chemin. Sa privatisation forcée de la SNCF avec casse du statut des cheminots, proposée au départ sous un état d’urgence suspendant les droits démocratiques et imposée malgré l’opposition écrasante des cheminots, a discrédité son programme d’austérité et brisé sa présidence.

Les perquisitions chez La France insoumise (LFI), dont le candidat à la présidence, Jean-Luc Mélenchon, a recueilli 20 pour cent des voix, montrent que les vastes pouvoirs que l’État policier s’est octroyé sous l’état d’urgence seront mobilisés contre l’opposition politique pacifique.

Cette évolution donne raison aux positions du Parti de l’égalité socialiste (PSE, section française du CIQI) lors de l’élection présidentielle de 2017. Le PES a appelé à un boycott actif du second tour entre Macron et Le Pen, afin de donner une ligne politique pour la construction d’un mouvement des travailleurs contre le candidat gagnant. Le PES n’était pas du tout indifférent au danger d’un régime autoritaire en France. Mais il a correctement averti que Macron n’est pas une opposition au danger de l’extrême droite et au nationalisme xénophobe manifestement représentés par Le Pen.

Et dans Ouest France, Macron a dit que son modèle est Georges Clemenceau, président du Conseil à la fin de la Première Guerre mondiale. Partisan féroce du traité de Versailles visant à humilier l’Allemagne, Clemenceau a exigé l’exécution de soldats pacifistes et la suppression draconienne de l’opposition socialiste à la guerre. Saluant « le message de Clemenceau », Macron a déclaré qu’il était « C’est ce petit père la victoire, quand tout est perdu et que le désespoir gagne les troupes, qui ne se soumet pas ».

En fait, la montée internationale des manifestations et des grèves révèlent la profonde opposition de masses de travailleurs au programme d’extrême-droite, militariste et d’austérité, de Macron. Le mouvement naissant contre le virage vers l’extrême droite ne trouvera d’autre issue qu’une lutte politique, posant la question du transfert du pouvoir à la classe ouvrière et de la construction d’États ouvriers poursuivant une politique socialiste. Cela signifie, comme le soutiennent les sections européennes du CIQI, la lutte contre l’UE et pour les États socialistes unis d’Europe.