Royaume-Uni : La secrétaire nationale adjointe du SEP, Julie Hyland, participe à une conférence sur les fake news, la censure et la guerre

Une importante conférence, qui s’est tenue à Lincoln le 4 novembre dans le cadre du festival des sciences sociales du Conseil de la recherche économique et sociale, a permis d’entendre des comptes-rendus détaillés sur la relation entre la censure des médias et la guerre.

Organisé par le Dr David Hughes, maître de conférences en relations internationales à l’Université de Lincoln, le séminaire s’intitulait « Contrôle des médias : fausses informations, censure et guerre ». Un public composé d’étudiants et de personnes intéressées par le sujet écoutait attentivement et posait des questions.

David Hughes s’exprimant à Lincoln

Hughes a donné trois séances d’une demi-heure, suivi chacune d’une séance de questions-réponses de 15 minutes. Cette conférence sur le thème de la guerre et des médias a fourni des exemples de la manière dont les médias ont traditionnellement été utilisés pour façonner l’opinion publique en faveur de la guerre. À partir de la Commission de l’information publique des États-Unis (1917-1919, également appelée la Commission Creel) et de la Première Guerre mondiale, la couverture de la télévision saoudienne par la British Broadcasting Corporation (BBC), la couverture, ou plutôt l’absence de couverture de l’intervention menée par l’Arabie Saoudite au Yémen.

Les médias ont évoqué le massacre de My Lai au Vietnam et le bombardement intensif du Cambodge par des Américains, ainsi que le recours à une firme de relations publiques pour former la fille de l’ambassadeur du Koweït aux États-Unis afin de simuler un témoignage émouvant selon lequel des soldats irakiens seraient en train de retirer des bébés de leurs incubateurs pour légitimer la guerre du Golfe de 1991.

Le discours du New York Times sur le « boucher des Balkans » de 1992 – dirigé contre Slobodan Milosevic – était juxtaposé à une décision rendue en 2016 par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie [dans le cadre du procès contre Karadzic, ndt] qui constatait qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes pour dire que l’ancien président de Serbie aurait été responsable de crimes de guerre.

Des questions ont été soulevées au sujet de la BBC, notamment sur les raisons pour lesquelles elle reflétait de manière écrasante la position du gouvernement sur l’Irak, alors que le prétexte de la guerre reposait sur des mensonges. Pourquoi a-t-il découpé une photo de 2009 pour en exclure Ahmandinejad et la présenter comme une photo d’Iraniens descendant dans les rues en tant que partisans de Mir Hossein Mousavi (l’adversaire d’Ahmadinejad) ? Pourquoi BBC Breakfast News en 2011 a-t-il prétendu montrer des « scènes de liesse et de célébration » en direct de Tripoli alors que l’émission diffusait des images d’archives de l’Inde ?

La deuxième session a été consacrée à « La Syrie, les médias et la propagande ». Des images de victimes supposées d’une attaque à l’arme chimique ont été montrées dans le documentaire de 2013 de la BBC Panorama, « Sauver les enfants de la Syrie ». On pense généralement qu’il a été falsifié, alors que les exemples réels de guerre chimique par les États-Unis abondent. La volonté des médias grand public de citer des sources peu fiables a été soulignée, notamment l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (supposé être un commerçant de vêtements à Coventry), Bellingcat (mis en place par un seul blogueur à Leicester), Bana al-Abed, (une fille de huit ans avec un compte Twitter suspect et à peine capable de parler anglais dans une interview tristement célèbre de CNN), et les Casques blancs (ayant des liens démontrables avec des organisations terroristes islamistes).

Il a été question du Groupe de travail universitaire sur la Syrie, les médias et la propagande, y compris ses conclusions selon lesquelles les affirmations du gouvernement britannique sur le Novichok ne pourraient pas être étayées et que la Première ministre Theresa May avait « induit en erreur la Chambre des Communes » au sujet de la prétendue attaque au chlore de Douma en août 2018, l’explication la plus probable étant un « massacre géré » (managed massacre). La réalité des campagnes de diffamation des médias contre des dissidents a été démontrée, notamment celles du Guardian contre les journalistes d’investigation Vanessa Beeley et Eva Bartlett, ainsi que celles du Times, du Huffington Post et d’Intercept contre le Groupe de travail sur la Syrie, les médias et la propagande.

Les implications de la « fausse terreur » ont également été examinées. Une séquence vidéo a été montrée qui indiquait clairement qu’un attentat terroriste à Mossoul en 2016 a été attribué à une organisation qui n’était pas responsable, posant la question suivante : si l’on peut démontrer que cet attentat a été manipulé, à quelles autres attaques cela pourrait-il appliquer ?

Julie Hyland prenant la parole lors de l’événement

La secrétaire nationale adjointe du Parti de l’égalité socialiste, Julie Hyland, a été invitée à présenter la troisième session sur « La censure du World Socialist Web Site, et l’affaire Julian Assange ».

Hyland a commencé par expliquer que la conférence n’aurait pas pu se tenir à un moment plus opportun et plus approprié. Une semaine auparavant, Jair Bolsonaro, ancien capitaine de l’armée fasciste, avait remporté l’élection présidentielle du Brésil et avait commencé à former le gouvernement le plus à droite depuis la fin des vingt années de dictature militaire qui a pris le pouvoir par un coup d’État soutenu par les États-Unis en 1964. Dans pratiquement tous les pays, en particulier en Europe, il y a un encouragement conscient de la droite réactionnaire et de l’autoritarisme.

Voilà ce qu’il y a derrière les efforts de censure des sites web socialistes, de gauche, progressistes et pacifistes dans une offensive conjointe des gouvernements et des monopoles géants des médias sociaux, a déclaré Hyland. Dans des conditions d’inégalité sociale massive et d’hostilité populaire à l’égard de la guerre, ils tentent de faire taire l’opposition sur la base fallacieuse de fake news (fausses nouvelles) et de « comportements inauthentiques ».

Hyland a précisé que le WSWS était une cible principale de cette offensive et a examiné comment elle avait découvert et exposé les mesures de censure déployées par Google, qui ont maintenant été reprises par Facebook, Twitter et les autres. Le WSWS a pris l’initiative de s’opposer à cette attaque contre la liberté d’expression et les droits démocratiques fondamentaux en appelant à une coalition internationale pour lutter contre la censure sur Internet, a-t-elle déclaré.

La défense de Julian Assange était au cœur de cette campagne. Le fondateur de WikiLeaks est détenu captif à l’ambassade équatorienne à Londres depuis plus de six ans pour avoir révélé les crimes de guerre et les machinations des États-Unis et de leurs alliés.

Hyland a expliqué comment, en Australie, le Socialist Equality Party exige que le gouvernement australien de donner l’instruction aux autorités britanniques de libérer Assange et de lui garantir le passage en toute sécurité, soutenu par des journalistes de principe tels que John Pilger et de larges couches de travailleurs et de jeunes. Il est vital que la défense d’Assange soit renforcée, dans des conditions où sa santé et sa sécurité sont menacées – Hyland citant les dernières mesures prises par le président de l’Équateur, Lenin Moreno, en vue de son expulsion.

Au cours de la session finale intitulée « Nouvelles fausses, censure et guerre », Hughes a commencé par citer l’article 19 de la Déclaration des droits de l’homme des Nations Unies, qui consacre le droit à la liberté d’expression. Cela contraste avec la « loi contre la désinformation et la propagande » adoptée aux États-Unis en décembre 2016, qui servait de prétexte à la limitation de la liberté d’expression au nom de la lutte contre la « propagande étrangère ou non ».

L’hystérie anti-russe artificiellement fabriquée aux États-Unis et au Royaume-Uni a été relevée, de même que la manière dont elle a été utilisée pour légitimer la censure des points de vue opposés à la guerre. La « purge des médias sociaux de 2018 » a été détaillée, avec de nombreuses preuves de la censure en ligne de Facebook, Google, Twitter et Wikipedia.

Ceux qui ont pris la parole ou qui ont posé des questions ont exprimé leur opposition à la répression de la liberté d’expression et de la censure. Plusieurs ont souligné à quel point les médias grand public étaient devenus encore plus indignes de confiance, répondant aux possibilités d’échange ouvert des médias sociaux en redoublant leurs fausses nouvelles et en soutenant la censure. Un membre de l’auditoire a évoqué les efforts laborieux qu’il avait déployés pour déposer une plainte officielle au sujet de la partialité de la BBC, uniquement pour recevoir une admission pour la forme, mais aucune réponse aux préoccupations exprimées.

D’autres ont noté que les universités n’avaient généralement pas réagi sérieusement à l’attaque sur la liberté d’expression. Ceux qui avaient été éduqués pour « mieux savoir » semblaient suivre la propagande en faveur de la guerre.

Joe, un étudiant, nous a déclaré après la conférence que ces présentations ont été « une révélation. Pour tous ceux qui ne savent pas grande chose, je pense que c’était choquant. C’est une vision de la vie quotidienne qui touche tout le monde […] C’est inacceptable à tous les niveaux que ce que vous dites ou pensez puisse être contrôlé d’une telle manière. Je suppose que l’Internet peut être contrôlé davantage. »

Décrivant Assange comme un « homme courageux », il a déclaré que le fondateur de WikiLeaks « devrait être considéré davantage comme une source d’inspiration que comme un traître diabolisé dont l’établissement, les médias et le public lui ont identifié. Je pense que c’est scandaleux et criminel de s’être retrouvé coincé dans l’ambassade de l’Équateur pendant toutes ces années et d’avoir été forcé de s’y réfugier en premier lieu. Il est la preuve vivante qu’au moins un élément de notre prétendue société démocratique libérale de droits et de libertés est en quelque sorte brisée ou défectueuse, et que les agences de renseignement / le gouvernement / l’établissement / les médias / le « système » ne se soucient pas des droits et des libertés. »

(Article paru d’abord en anglais le 10 novembre 2018)

Loading