Les «gilets jaunes» veulent bloquer la France contre la hausse des taxes sur le carburant

Le mouvement des automobilistes «gilets jaunes» prévu le 17 novembre en dehors du contrôle des appareils syndicaux fait craindre aux médias et au gouvernement Macron un blocage incontrôlé du pays qui se développe en une explosion massive de la colère sociale.

Le mouvement est parti des réseaux sociaux quand deux routiers de Seine et Marne ont lancé le 10 octobre sur Facebook l’évènement "Blocage national contre la hausse du carburant". Rapidement relayé sur les réseaux sociaux, il rassemble à présent 200.000 personnes "intéressées".

A l’instar des Bonnets rouges, signe de ralliement des opposants aux portiques écotaxe en Bretagne en 2013, le mouvement des «gilets jaunes» est hétérogène, composé de petits chefs d’entreprises où d’indépendants mais aussi de travailleurs hostiles à la pression fiscale de la politique de Macron. Le gouvernement a prétendu que la hausse des taxes servirait à gérer la transition écologique, mais elle se répercute dans le prix des carburants pour les particuliers et les sociétés.

Selon l’Union française des industries pétrolières, le litre de SP95 coûtait en moyenne 1,54€ fin octobre et le litre de diesel 1,51€, en hausse respectivement de 14 et 22 pour cent en un an. Au 1er janvier 2019 une nouvelle hausse des taxes est prévue de 6,5 centimes par litre de gazole et 2,9 centimes par litre d’essence. C'est la conséquence de la politique impérialiste au Moyen Orient, avec notamment l’embargo sur le pétrole iranien, qui n’est pas compensé par une production plus importante de pétrole par l’Arabie Saoudite et les pays alliés des Etats Unis.

En parallèle à l’évènement créé par les deux routiers, d’autres appellent à des blocages des routes et des autoroutes. Au total, 500 rassemblements ont été répertoriés dans toute la France. De premiers événements "tests" ont déjà été organisés, notamment dans le Jura vendredi à l’appel d’un collectif formé sur les réseaux sociaux: environ 500 véhicules de particuliers, de chauffeurs routiers ou d’agriculteurs se sont rassemblés à Dole.

Cela fait partie d'un mouvement international d'opposition aux hausses des prix du pétrole. Des milliers de Bulgares ont bloqué récemment les principales routes et autoroutes du pays pour protester contre la hausse des prix de l’essence, l’augmentation des taxes pour les voitures anciennes et plus polluantes, ainsi que les primes d’assurance automobiles.

Le gouvernement Macron est terrifié et craint au plus haut point tout mouvement qui n'est pas organisé par des appareils syndicaux financés et contrôlés par l'Etat et le patronat.

Craignant un blocage durable du pays, le ministre de l’Intérieur Castaner a exigé «qu’il n’y ait aucun blocage total» et menacé les manifestants: «Partout où il y aura un blocage, et donc un risque pour les interventions de sécurité et aussi la libre circulation, nous interviendrons».

Il a ajouté: «Ce qui est difficile, c’est qu’on n’a pas une organisation syndicale qui a l’habitude de faire une manifestation qui l’organise. Par exemple, une manifestation, ça se déclare en préfecture. Là, très peu l’ont déclarée. J’appelle ceux qui nous écoutent à déclarer le lieu de la manifestation.»

Le gouvernement a tenté de calmer la colère des automobilistes par une série d’annonces hier.

Afin de permettre aux automobilistes de changer de véhicule et d’acquérir une voiture plus propre, le premier ministre Edouard Philippe annoncé une hausse des aides et la possibilité qu’elles servent à acheter un véhicule d’occasion, révision du barème kilométrique, défiscalisation du chèque carburant et la revalorisation de 50 euros du chèque énergie pour les ménages plus modestes.

Depuis le porte-avion Charles de Gaulle hier soir, Macron a prononcé quelques euphémismes hypocrites sur sa propre impopularité: «Il y a de l'impatience et il y a de la colère. Cette colère, je la partage, il y une chose que je n'ai pas vraiment réussi à faire, je n'ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec leurs dirigeants. Ce divorce, on le voit dans toutes les démocraties occidentales. Il m'inquiète.»

La colère des automobilistes contre l’augmentation des taxes sur le carburants est légitime, témoignant d'une opposition bien plus large qui se développe contre la politique ultra-réactionnaire du gouvernement Macron. Ce dernier tente de faire payer aux masses les cadeaux fiscaux faits aux riches et ses projets de dépenser des centaines de milliards d'euros pour renforcer l'armée. Le souhait qu'il a exprimé de commémorer le dictateur fasciste Philippe Pétain le 11 novembre ne fait que souligner sa violente hostilité envers la classe ouvrière.

L'argent nécessaire au fonctionnement de la société, il faut le trouver non pas dans les porte-monnaie des automobilistes, mais dans les fortunes grotesques de l'aristocratie financière.

Depuis le début de l’année 2018, les treize milliardaires es plus riches du pays se sont enrichis de 23.67 milliards, faisant de la France le pays au monde où les riches augmentent le plus rapidement leur patrimoine. Bernard Arnault l’homme le plus riche d’Europe a une fortune estimée à 65.5 milliards, et Pinault de 30.43 milliards. Selon le rapport de l’économiste Thomas Piketty en 2010, le 10 pour cent le plus riche des Français détenait les deux tiers de la richesse de la France.

Une lutte contre Macron et l'aristocratie financière exigera toutefois une opposition aux forces, essentiellement de droite, qui tentent de récupérer le mouvement, ainsi qu'à la politique lâche et réactionnaire des appareils syndicaux, hostiles envers les Gilets jaunes.

Des dirigeants politiques de droite dont Laurent Wauquiez, le chef de LR, et Nicolas Dupont-Aignan ont annoncé qu'ils participeraient aux manifestations.

La dirigeante néo-fasciste Marine Le Pen a déclaré au Parisien: «Nous avons été le premier parti à exprimer notre soutien total à ce mouvement qui est certes apolitique, mais dans lequel beaucoup de nos électeurs se retrouvent.» Mais elle a ajouté qu'elle ne se joindrait pas aux blocages: «Le rôle d'une dirigeante politique – sauf situation exceptionnelle – ce n'est pas d'être dans la rue, mais précisément d'offrir le choix de régler les problèmes des Français par le vote.»

Les appareils syndicaux et leurs soutiens politiques cachent à peine leur hostilité envers le mouvement. La France insoumise (LFI) a apporté son soutien aux «Gilets jaunes» sur le tard, en expliquant qu'une section «écosocialiste» de LFI s'opposait à une réduction des taxes sur le carburant, prétendument pour sauvegarder l'environnement.

Quant aux syndicats, ayant étranglé la lutte des cheminots contre la privatisation de la SNCF par Macron, ils dénoncent les Gilets jaunes et exigent que les travailleurs se soumettent à nouveau à leur diktat. Un tract distribué par la CGT hier sur les Gilets jaunes dénonçait «l'instrumentalisation de la colère des citoyens et des travailleurs orchestrée par l'extrême-droite et les transporteurs routiers». La CGT proposait plutôt d'organiser des «combats interprofessionels qui ne peuvent se mener en dehors de notre organisation syndicale», c'est-à-dire qui sont voués à la défaite.

Tout indique pour l'heure que le mouvement des Gilets jaunes sera suivi. Pour ce mouvement hétérogène, la question essentielle est de s'orienter vers la classe ouvrière et une lutte menée indépendamment des syndicats. Comme dans la révolution russe d'octobre 1917 et les grèves générales en France de 1936 et 1968, c'est la seule force qui peut affronter le pouvoir de l'aristocratie financière.

La seule voie pour aller de l'avant est une lutte politique contre les embargos et les guerres impérialistes, l'austérité, et le gouvernement Macron. Le développement d'une telle lutte soulèvera inévitablement la question de l'organisation indépendante des travailleurs et le transfert du pouvoir d'Etat vers la classe ouvrière, en France et à travers l'Europe.

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