L’élite australienne collabore à la vendetta américaine contre Julian Assange

Un document judiciaire a fait surface la semaine dernière confirmant que le département de la justice des États-Unis a secrètement déposé des accusations criminelles contre le citoyen australien Julian Assange pour son travail journalistique en tant que rédacteur en chef de WikiLeaks. Pour avoir dénoncé des crimes de guerre et des complots diplomatiques américains et alliés, Assange est menacé depuis 2010 d’extradition vers les États-Unis pour un procès simulé pour « espionnage » ou « conspiration ».

La révélation que des accusations américaines ont été déposées contre lui confirme la position prise par Assange et ses défenseurs pour lutter contre le mandat d’arrêt lancé contre lui, en novembre 2010, pour répondre à des « questions » sur des allégations fallacieuses selon lesquelles il aurait commis une agression sexuelle en Suède. Ces allégations ont été fabriquées pour donner des munitions à des porte-parole proaméricains afin de discréditer Assange et comme moyen de le livrer à un pays d’où il pourrait être rapidement extradé.

Le mandat suédois motivé par les États-Unis et le soutien que lui ont apporté le gouvernement et les tribunaux britanniques ont forcé Assange à demander l’asile politique dans la petite ambassade équatorienne à Londres le 19 juin 2012. Pendant plus de six ans, il a vécu dans des conditions difficiles, privé de lumière directe du soleil et de soins médicaux adéquats.

Depuis mars de cette année, le gouvernement équatorien, s’adaptant aux exigences de l’Administration Trump, refuse à Assange la possibilité de communiquer avec le monde extérieur ou de recevoir des visiteurs personnels, dans une tentative vindicative de le forcer à quitter le bâtiment. S’il le fait, il sera détenu par la police britannique et emprisonné au cours d’une longue bataille juridique contre une demande d’extradition américaine.

Le cas de Julian Assange est, et a toujours été, à l’avant-garde de la lutte pour défendre les droits démocratiques fondamentaux contre la tentative de l’impérialisme américain et de ses alliés d’intimider, censurer et réduire au silence le journalisme indépendant et critique. L’existence confirmée des accusations scellées des États-Unis souligne le danger auquel Assange est confronté et la perfidie de ceux qui ont soutenu sa persécution.

L’élite politique et médiatique australienne a réagi en redoublant sa collaboration éhontée avec l’État américain dans sa vendetta contre Assange.

Le Premier ministre Scott Morrison a explicitement réitéré le soutien du gouvernement de coalition libérale-nationale à la persécution d’Assange, tandis que le Parti travailliste et les différents partis « mineurs » et indépendants au Parlement sont restés silencieux. Il s’agit notamment des Verts et d’Andrew Wilkie, un ancien officier du renseignement qui avait dénoncé en 2003 les mensonges sur les « armes de destruction massive » qui ont été utilisées pour envahir l’Irak.

En 2010, les Verts et Wilkie ont cherché à renforcer leur prétention frauduleuse à représenter une véritable opposition à la Coalition et au Parti travailliste en se faisant passer pour des défenseurs d’Assange et de la liberté d’expression. Cependant, comme l’impérialisme australien s’est de plus en plus aligné sur la volonté américaine de faire la guerre à la Chine pour dominer l’Indo-Pacifique, ils ont abandonné Assange et se sont ouvertement alignés avec les principaux partis.

La position du Parti travailliste est cohérente avec son bilan au pouvoir. En novembre 2010, alors que WikiLeaks publiait des révélations accablantes sur la criminalité américaine, le Premier ministre, Julia Gillard, du Parti travailliste s’est empressée à se faire complice de l’Administration Obama en déclarant les actions d’Assange « illégales ». Elle a promis que son gouvernement enquêterait pour savoir s’il pouvait être accusé de crimes en vertu de la loi australienne, ce qu’il ne pouvait pas faire. Le Parti travailliste, qui a engagé l’Australie dans le « pivot vers l’Asie » américain contre la Chine et élargi l’accès militaire américain à travers le pays, n’a jamais cessé d’être hostile envers WikiLeaks.

Le Conseil de syndicats australiens (ACTU) et ses syndicats affiliés n’ont pas non plus fait de déclaration. L’Alliance des médias, des spectacles et des arts (MEAA) est la plus remarquable dans son silence. En décembre 2010, il a fait en sorte que le président de l’ACTU de l’époque, Ged Kearney, décerne à Assange le titre de membre honoraire du syndicat, en reconnaissance de ses services au journalisme.

À l’époque, Kearney a critiqué Gillard. Elle a déclaré : « Les droits de M. Assange doivent être respectés au même titre que ceux des autres journalistes. WikiLeaks n’a enfreint aucune loi australienne et en tant que citoyen australien, Julian Assange devrait être soutenu par le gouvernement australien, pas condamné prématurément ».

Le MEAA et l’ACTU ont rapidement abandonné leurs prétentions frauduleuses pour défendre les journalistes et les droits démocratiques, et se sont alignés derrière l’Administration Obama et le gouvernement du Parti travailliste.

Les groupes de pseudo-gauche, plus particulièrement l’Alliance socialiste et l’Alternative socialiste, poursuivent également leurs années de silence sur la persécution d’Assange. Leur position découle de leur politique. Ils ont rejeté toute défense d’Assange parce qu’elle exige une opposition au Parti travailliste, aux Verts et aux syndicats. Les pseudo-gauches gravitent autour et promeuvent ces partis et organisations, reflétant les intérêts d’une couche privilégiée de la classe moyenne qui a tout intérêt à maintenir le statu quo politique.

Les « socialistes victoriens », candidats de pseudo-gauche aux élections du 24 novembre dans l’État australien de Victoria, demandent à leurs électeurs de mettre les travaillistes et les Verts comme leurs autres préférences, qu’ils vantent comme des partis « progressistes ». Comme on pouvait s’y attendre, aucun de ses candidats, en particulier sa personnalité principale, Stephen Jolly, n’a dit un mot sur Julian Assange.

Le week-end dernier, la presse écrite australienne n’a guère fait plus que republier des articles du New York Times, du Washington Post ou d’agences de presse, notant qu’Assange avait été inculpé aux États-Unis. La plupart des journaux télévisés n’ont même pas fait état de cette évolution.

Le 22 décembre 2010, les rédacteurs en chef ou directeurs de l’information de pratiquement toutes les chaînes de télévision ou publications de la presse écrite australienne ont signé une « lettre ouverte » conjointe au Premier ministre Gillard dans laquelle ils ont déclaré : « Tenter agressivement de fermer WikiLeaks, menacer de poursuivre ceux qui publient des fuites officielles et faire pression sur les entreprises pour qu’elles cessent de faire des affaires commerciales avec WikiLeaks est une menace sérieuse pour la démocratie ».

La vérification qu’Assange fait l’objet de poursuites aux États-Unis n’a pas incité un seul éditorial à le défendre, ni la liberté d’expression, ni les droits des journalistes.

En effet, il a fallu que l’actrice Pamela Anderson dise dans les médias australiens que le gouvernement devrait agir au nom d’un citoyen et journaliste persécuté. Dans un entretien accordé à l’émission « 60 Minutes » du 4 novembre, elle a défendu Assange contre les accusations selon lesquelles il avait causé du « mal » et a appelé le Premier ministre Morrison à garantir sa liberté et qu’il assure son retour en Australie.

Le 17 novembre, Anderson a répondu dans une lettre ouverte à la réponse moqueuse de Morrison (accompagnée d’insinuations sexuelles). Il avait déclaré outrageusement à la radio que son gouvernement ne ferait rien pour aider Assange, mais qu’il avait « beaucoup de copains qui m’ont demandé s’ils pouvaient être mon envoyé spécial pour régler le problème avec Pamela Anderson. »

Anderson a rétorqué : « Vous avez banalisé et ri de la souffrance d’un Australien et de sa famille. Vous avez continué avec des commentaires obscènes et inutiles à propos d’une femme exprimant son opinion politique ».

« Plutôt que de faire des suggestions obscènes à mon sujet, vous devriez penser plutôt à ce que vous allez dire à des millions d’Australiens quand l’un des leurs marchera en combinaison orange vers Guantánamo Bay pour avoir publié la vérité ».

Des millions de travailleurs et de jeunes du monde entier ont été éduqués par les expositions publiées par WikiLeaks et considèrent toujours Assange, comme Chelsea Manning et Edward Snowden, comme une figure politique héroïque. Ils doivent être mobilisés pour sa défense.

En Australie, la question cruciale est le développement de la campagne la plus vaste de la classe ouvrière et des étudiants qui exigent que le gouvernement australien exerce son indéniable pouvoir diplomatique d’insister pour qu’Assange rentre sans condition dans son pays de naissance, et son droit d’agir devant les tribunaux britanniques pour forcer le gouvernement britannique à le faire.

La leçon des huit dernières années est qu’une telle campagne ne se construira pas en faisant appel aux Verts ou aux syndicats pour l’organiser ou la mener. La défense de Assange et des droits démocratiques doit être développée indépendamment et en opposition à l’ensemble du monde politique officiel. Le gouvernement australien, qu’il soit dirigé par la Coalition ou par le Parti travailliste, n’agira que s’il pense que sa position est menacée par un mouvement d’en bas.

Le rassemblement du 17 juin organisé par le Parti de l’égalité socialiste (SEP) et soutenu par le cinéaste John Pilger a été un pas important vers le développement d’un tel mouvement. Contre l’hostilité pro-impérialiste de la classe dirigeante australienne et de ses agents politiques envers Assange, les orateurs ont exprimé le large soutien de la classe ouvrière à sa liberté.

Au cours des semaines et des mois à venir, il est impératif que la défense d’Assange et de WikiLeaks soit soulevée aussi largement que possible dans les lieux de travail, les universités, les lycées et les lycées professionnels, et que des manifestations et autres actions soient organisées.

(Article paru d’abord en anglais le 20 novembre 2018)

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