Sri Lanka: l'UNP exige que Facebook protège l'identité de ses partisans

Le 16 novembre, la direction du Parti national uni (UNP) a écrit à Facebook pour lui demander instamment de protéger l’identité des partisans du parti qui utilisent la plate-forme du géant des réseaux sociaux. La lettre craignait que l’information ne soit utilisée par l’«administration illégale» du Sri Lanka pour sévir contre les membres et militants du parti.

L’«administration illégale» est la description par l’UNP de la nomination par le président Sirisena de Mahinda Rajapakse au poste de premier ministre à la tête d’un nouveau gouvernement sri-lankais. Sirisena a destitué inconstitutionnellement Ranil Wickremesinghe, chef de l’UNP, de ses fonctions de premier ministre le 26 octobre.

La lettre de deux pages adressée au PDG de Facebook, Mark Zuckerberg et signée par le président du parti, Kabir Hashim a ensuite été remise aux médias. Elle déclare, en partie, ce qui suit: «Il est fortement probable que des fonctionnaires de l’administration illégale actuelle du Sri Lanka, dirigée par le président, Maithripala Sirisena, demandent à Facebook des informations sur certains usagers sri-lankais de Facebook qui devraient légitimement être privées. De telles demandes peuvent inclure des informations sur les personnes nommées, les géolocalisations et d’autres détails d’identification des utilisateurs qui consultent et publient sur ces pages».

L’UNP a exhorté Facebook à «sauvegarder» ces informations, car «l’administration illégale actuelle les utilisera très probablement d’une manière qui est légalement interdite».

La lettre ne faisait aucune allusion au blocage par Facebook pendant plusieurs heures de la page de réseaux sociaux de l’UNP un jour plus tôt — le 15 novembre — et au fait qu’il avait empêché la diffusion en direct d’un rassemblement du parti prévu à Colombo et de conférences de presse. Les responsables de l’UNP ont plus tard déclaré aux médias que Facebook avait finalement levé sa censure le 16 novembre.

Les actions de Facebook et la lettre du président de l’UNP surviennent dans le cadre de luttes intestines de l’élite politique sri-lankaise après la destitution de Wickremesinghe. La manifestation de l’UNP du 15 novembre fut appelée pour exiger que Sirisena revienne sur le licenciement de Wickremesinghe et reconnaisse que son parti et ses alliés avaient une majorité parlementaire.

Le 15 novembre, le Colombo Telegraph publia un article «exclusif» expliquant la collusion de Facebook avec Sirisena. L’article affirmait que le bureau du président avait exigé que Facebook divulgue «des informations confidentielles concernant des pages exploitées par 16 politiciens».

Selon le journal, parmi les personnes examinées figuraient 10 dirigeants de l’UNP et des hommes politiques de la faction de Sirisena, l’Alliance pour la liberté du peuple uni (UPFA), ainsi que Rajapakse et son fils, le parlementaire Namal Rajapakse.

Selon le Telegraph, le bureau de Sirisena avait invoqué des «préoccupations de sécurité nationale» pour demander les noms des administrateurs et des éditeurs des pages de réseaux sociaux nommées ainsi que les adresses IP, les emplacements, les informations relatives à l’engagement de ces pages, leurs caractéristiques démographiques et autres détails confidentiels.

Le journal a allégué que la demande avait été transmise à «un haut représentant» du Département des politiques gouvernementales et des affaires publiques de Facebook (Asie du Sud) lors d’une réunion avec le président sri-lankais une semaine auparavant. Le Telegraph a rapporté aussi que le représentant de Facebook avait accepté la demande. Conformément aux exigences des gouvernements capitalistes du monde entier, Facebook utilise diverses techniques antidémocratiques pour restreindre la liberté d’expression.

La lettre de l’UNP à Facebook affirmait absurdement que ce parti bourgeois droitier de la grande entreprise avait «de solides antécédents en matière de protection de la démocratie, de bonne gouvernance et de promotion de la croissance économique pour notre peuple».

Fait significatif, la lettre précisait également que les renseignements sur les usagers de Facebook ne devraient pas être communiqués aux représentants du gouvernement, «à moins qu’ils ne soient dûment sanctionnés par un tribunal du pays». Autrement dit, l’UNP n’est pas opposée à ce qu’on permette aux tribunaux sri-lankais et à d’autres autorités de l’État de sévir contre certains usagers des réseaux sociaux.

En mars de cette année, le gouvernement Sirisena-Wickremesinghe a fermé Facebook et d’autres plate-formes de messagerie en ligne au Sri Lanka pendant la violence raciale déclenchée contre la communauté musulmane dans le district de Kandy. Le gouvernement a prétendu à tort qu’il voulait mettre fin à l’incitation à la violence communautariste.

Comme Sirisena, Wickremesinghe, le leader de l’UNP, n’est pas un défenseur de la «liberté d’expression». Lors du séminaire annuel sur la Défense à Colombo en août dernier, le Premier ministre de l’époque, Wickremesinghe, avait déclaré que des «forces perturbatrices mondiales» utilisaient Internet et les réseaux sociaux, tels que Facebook et Twitter, pour déstabiliser des pays et menacer les «intérêts nationaux». Il a mentionné spécifiquement les mouvements révolutionnaires de masse en Tunisie et en Égypte en 2011.

Quelles que soient les différences entre les factions, les véritables cibles politiques dans la bataille qui fait rage entre Sirisena et Wickremesinghe et leurs alliés politiques, sont les travailleurs et les jeunes qui entrent maintenant en lutte contre l’élite capitaliste du Sri Lanka.

La censure de Facebook et d’autres atteintes à la liberté d’expression de l’entreprise géante sont principalement dirigées contre des sites Web de gauche et socialement progressistes, le World Socialist Web Site étant une des principales cibles.

Le 12 novembre, Facebook a supprimé un message sur le Sri Lanka de la page Facebook officielle du World Socialist Web Site en tamoul. L’article censuré expliquait que l’Alliance nationale tamoule (TNA) s’opposait à la nomination de Rajapakse au poste de premier ministre dans le cadre de ses efforts pour gagner la faveur de Washington. Facebook a prétendu que l’article de WSWS violait les «normes communautaires» de la plate-forme.

Comme le WSWS l’a fait remarquer, Facebook et les agences gouvernementales avec lesquelles il collabore considèrent «l’audience croissante du socialisme international comme un obstacle à leurs efforts pour exploiter les divisions ethniques dans les pays en développement afin de promouvoir les objectifs géopolitiques de l’impérialisme américain».

(Article paru d’abord en anglais le 21 novembre 2018)

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