Perspectives

Non au retour au service militaire en France et en Europe!

Lundi, après des mobilisations de masse contre sa politique d’austérité, le gouvernement impopulaire d’Emmanuel Macron a annoncé l’accélération de son retour au service militaire, prévu à présent pour juin. Les premiers appelés commenceraient leur service d’ici sept mois dans un programme qui, en 2026 au plus tard, accueilleraient tous les 800.000 Français d’une classe d’âge dans l’armée.

La presse cache à peine que cette initiative vise à étouffer l’opposition des travailleurs par un appel au nationalisme et au réarmement. «Au moment où la France est traversée par des clivages qui menacent son unité,» déclare Le Parisien, «l’idée de remettre en œuvre un service national apparaît comme une initiative opportune.» Deux jours plus tard, mercredi soir, Macron annonçait l’envoi de forces militaires à La Réunion pour réprimer les manifestations.

A travers l’Union européenne (UE), les élites dirigeantes veulent revenir au service militaire. Après la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991 et la fin de la Guerre froide, la France y a mis fin en 1997, puis l’Espagne (2001), l’Italie (2005), la Pologne (2008) et l’Allemagne (2010). Mais ceci s’est avéré être qu’un interlude bref. La Suède en 2017 et la France en 2018 ont entériné le retour au service militaire, et les autres puissances de l’UE dont l’Allemagne débattent toutes si elles vont prendre la même décision.

Après deux guerres mpndiales au 20e siècle, une opposition profonde et historique à un retour au service militaire existe dans la classe ouvrière européenne. Selon un sondage Gallup de 2015, seuls 29 pour cent des Français accepteraient de combattre pour leur pays; selon le sondage «Génération What» en 2017 des jeunes Européens, 60 pour cent refuseraient de le faire.

Alors que ses taux d’approbation frisent les 20 pour cent, le gouvernement Macron se garde bien d’avouer qu’il veut revenir au service militaire. Il avance des prétextes absurdes: l’année prochaine, le service ne durera qu’un mois; tous les jeunes n’iront pas dans les unités de combat; le ministère de l’Éducation sera impliqué; l’armée enseignera aux jeunes comment gérer les crises et s’occuper du «développement durable.»

La descente de l’Europe dans le fascisme puis la guerre mondiale dans les années 1930 démontre toutefois que le recours par la bourgeoisie au nationalisme et au militarisme pour étouffer la lutte des classes a une dynamique objective dévastatrice. On ne peut comprendre le retour au service militaire en analysant les mystifications et les euphémismes officiels. Ce sera la crise objective internationale du capitalisme, façonné par un quart de siècle de guerres après la dissolution stalinienne de l’URSS en 1991, qui en déterminera les conséquences.

Les faits ont réfuté l’idée que la fin de l’URSS en 1991 marquait la Fin de l’Histoire. En fait, 1991 a lancé le retour de tous les contradictions historiques qui deux fois au 20e siècle ont provoqué des guerres mondiales. Pour ceux qui ne veulent pas se battre et mourir, ou voir mourir leurs enfants, en Afghanistan, en Syrie, ou au Mali, ou en défendant «l’ordre public» en France, la question décisive est la construction d’un mouvement anti-guerre parmi les travailleurs.

L’escalade de guerres et des rivalités inter-impérialistes sous-jacentes depuis 1991 a produit une étape qualitativement nouvelle de la crise capitaliste. Face à la crise de son hégémonie mondiale, Washington a adopté l’année dernière une Stratégie de sécurité nationale qui abandonne la «lutte contre la terreur» et déclare qu’il faut mener les «conflits entre grandes puissances.» Sur fond de guerre commerciale euro-américaine, Berlin et Paris appellent à construire une armée européenne.

Le Pentagone discute lui aussi de la conscription. Ses dépenses de 5.600 milliards $ lors de guerres dans 76 pays depuis 2001, selon Military.com, «posent la question: une force de volontaires peut-elle répondre à l’appel?» Ce journal a cité le général retraité Dennis Laich, partisan du service militaire: «Calculez: seuls 3 Américains sur 10 sont aptes au service, et seuls 15 pour cent de ceux-là ont envie de servir. Ceci est insoutenable ...»

Sur un des champs de bataille de la Première Guerre, quelques jours avant le centenaire de l’armistice, Macron a dit que l’UE a besoin d’une armée qui peut confronter non seulement la Russie et la Chine, mais aussi les États-Unis. Pour le faire, l’Europe doit se réarmer massivement.

Alors qu’ils tentent de se coaliser à la fois contre la puissance américaine et la classe ouvrière, les impérialistes européens reviennent aussi à un nationalisme fascisant. La Grande coalition allemande promeut l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) d’extrême-droite, le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer ayant même applaudi des manifestants d’une marche néo-nazie qui a attaqué un restaurant juif. Et en France, Macron a salué le dictateur collaborationniste et anti-Sémite Philippe Pétain en tant que héros de guerre, prétextant sa carrière pendant la Première Guerre mondiale.

Alors que l’opposition à l’austérité et aux inégalités monte en l’Europe, il est critique d’élever la conscience des travailleurs au niveau de leurs tâches historiques. Un nouveau mouvement antiguerre nécessite une perspective internationaliste et socialiste, défendue par une avant garde politique dans la classe ouvrière. Ceci signifie construire le Comité international de la IVe Internationale (CIQI), le mouvement trotskyste, et sa section française, le Parti de l’égalité socialiste (PES).

Le PES avertit les travailleurs sur le rôle des groupes réactionnaire petit-bourgeois qui ont émergé du mouvement étudiant post-soixantehuitarde dans la «gauche» européenne: ils prônent la guerre et le mnationalisme. Le Parti de gauche suédois a voté pour le service militaire, et la France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon le prépare dans la commission militaire de l’Assemblée nationale. De même, des députés du Parti de gauche siègent à la commision militaire du Bundestag allemand.

L’alternative politique est le CIQI. Le PES rappelle les principes formulés dans la déclaration du CIQI en 2016, «Le socialisme et la lutte contre la guerre»:

*La lutte contre la guerre doit se baser sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, ralliant à elle tous les éléments progressistes de la population.

*Le nouveau mouvement antiguerre doit être anticapitaliste et socialiste, car il ne peut y avoir de véritable lutte contre la guerre sans une lutte qui vise à mettre fin à la dictature du capital financier et au système économique qui est la cause fondamentale du militarisme et de la guerre.

*Le nouveau mouvement antiguerre doit donc nécessairement garder une pleine et entière indépendance et hostilité envers tous les partis et organisations politiques de la classe capitaliste.

*Le nouveau mouvement antiguerre doit surtout être international et mobiliser toute la puissance de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée contre l'impérialisme. À la guerre permanente de la bourgeoisie, il faut opposer la perspective de la révolution permanente de la classe ouvrière, dont le but stratégique est d'abolir le système des États-nations et d'établir une fédération socialiste mondiale. Cela permettra le développement rationnel et planifié des ressources mondiales et, sur cette base, l'éradication de la pauvreté et l'expansion de la culture humaine vers de nouveaux sommets.

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