Macron envoie les militaires contre les Gilets jaunes à La Réunion

En annonçant l’envoi de militaires sur l’île de La Réunion réprimer les Gilets jaunes qui bloquent l’économie de ce département d’outre-mer situé dans l’Oceéan indien, Macron menace une escalade majeure de la répression des travailleurs et des jeunes menée par l’État policier français.

Pour justifier l’envoi d’escadrons de gendarmerie et de police dans l’île, Macron a tenté de discréditer les Gilets jaunes, prétextant des actes de vandalismes en marge du mouvement. Mercredi soir, il a averti que l’Etat serait «intraitable»: «Ce qui se passe à La Réunion est grave. Nous avons mis les moyens et allons continuer à les mettre: nos militaires seront mobilisés dès demain pour rétablir l’ordre public.»

Macron n’a pas dit quelles unités militaires iraient réprimer les Réunionnais. Mais l’escadron de la gendarmerie de Troyes et celle de Maisons-Alfort rejoignent quatre escadrons et demi déjà sur place. L’UNSA a annoncé hier l’arrivée prochaine de 28 policiers de la Brigade anticriminalité (BAC) et d’une compagnie départementale d’intervention. Le préfet de La Réunion a annoncé la réquisition de 18 stations-essence pour les véhicules de secours, d’urgence et de sécurité.

La situation dans ce département est extrêmement tendue. Depuis le début du mouvement, on compte 123 interpellations – dont 16 personnes dans la nuit de mercredi à jeudi, qualifiée par les autorités de nuit «calme» – et une trentaine de policiers blessés. Le président de la région a écrit une lettre à Emmanuel Macron décrivant «une situation de guérilla urbaine». Un couvre-feu a été décrété mardi de 21h à 6h pour 14 des 24 communes jusqu’à vendredi matin.

Jeudi, 27 points de blocage étaient recensés par la Direction Départementale des routes (DDR). La plupart sont des barrages filtrants, alors que ces derniers jours ils étaient «bloquants».

La Réunion est paralysée, les établissements scolaires sont fermés et la plupart des activités sportives et culturelles sont annulées. L’aéroport ferme à 16h, obligeant les vols à être décalés et à passer presque tous par l’île Maurice pour s’approvisionner en kérosène, l’aéroport n’ayant pas été approvisionné en carburant. Les épiceries et centre commerciaux commencent à voir leurs rayons se vider. L’approvisionnement des éleveurs ou de médicaments pour les hôpitaux fait défaut.

La radicalisation sur l’île de La Réunion reflète l’extrême pauvreté et l’intensité des conflits de classe caractéristiques des départements et territoires d’outre-mer.

D’après une étude de l’Insee de 2015, 40 pour cent des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté: «La pauvreté est ainsi beaucoup plus importante qu’en métropole (14 pour cent). Les revenus des Réunionnais sont plus faibles et sont fortement dépendants de l’aide sociale: pour un quart des ménages, les prestations sociales constituent la ressource monétaire principale, soit quatre fois plus qu’en métropole. La pauvreté est particulièrement forte dans de petites communes rurales où l’emploi est rare.»

Le gouvernement est terrifié par le prolongement du mouvement dans l’île, auquel le dispositif policier déjà présent n’arrive pas à mettre fin. Mais il maintient sa politique impopulaire d’austérité et de hausse des taxes touchant les travailleurs. Face à la crainte que le blocage de l’île puisse s’étendre aux autres départements et territoires d’outre-mer, déjà touchés par des blocages par le passé, et provoquer une explosion sociale en métropole, il mise sur a répression.

L’envoi d’escadrons de policiers et de gendarmeries sur l’île est un avertissement pour tous les travailleurs mobilisés pour exprimer leur opposition à la politique de Macron. Ce dernier compte utiliser tout l’appareil policier et militaire pour réprimer l’opposition au militarisme et à l’austérité.

L’annonce par Macron qu’il approuve l’envoi de militaires contre les Gilets jaunes à La Réunion est un signe lancé à l’état-major et aux forces de l’ordre. Comme contre les jeunes mobilisés sous l’état d’urgence en 2016 contre la loi travail du PS, ils auront le feu vert pour mener un répression brutale.

Le mouvement des «Gilets jaunes», un mouvement hétérogène organisé en dehors du contrôle des syndicats et des divers partis politiques petit-bourgeois liés à l’ancien Parti socialiste, a paniqué la classe dirigeante. Isolée des masses de travailleurs, dirigée par un État dont le président est haï des Français, elle craint l’éruption d’un large mouvement politique dans la classe ouvrière.

La référence de Macron à la mobilisation de «nos militaires» contre eux est sinistre. La Réunion est un département français dont la population jouit, du moins sur le papier, de toutes les protections légales et démocratiques des Français en métropole. La décision du chef de l’État de revendiquer fièrement l’envoi de militaires contre eux souligne l’effondrement des normes démocratiques et le stade avancé de la poussée vers l’autoritarisme en Europe.

Si la presse ne rapporte pas pour l’heure pas l’envoi de troupes d’assaut de l’armée contre les Réunionais, comme l’a fait la Troisième République en 1871 pour écraser dans le sang la Commune de Paris, l’annonce de Macron a visiblement pour but d’habituer les gens à l’idée que la répression militaire est un outil légitime de la politique intérieure en France.

Ceci jette une lumière crue sur l’annonce par le gouvernement d’un retour au service militaire universel dès juin de l’année prochaine. Elle vise non seulement à permettre à l’Europe de rivaliser avec les États-Unis, la Russie et la Chine en tant que puissance mondiale, et d’imposer la discipline militaire aux jeunes pour étouffer les conflits sociaux. Le but est également de former des jeunes au maniement des armes pour attaquer leurs frères et sœurs de classe en lutte, permettant à Macron de continuer à imposer ses guerres et sa politique d’austérité impopulaires.

Ceci intervient dans le cadre de la réhabilitation de fascistes des années 30 et 40, dans le but de légitimer le nationalisme et une violente répression de l’opposition sociale et politique. Il y a deux semaines, Macron a salué le «bon soldat» Pétain, dictateur collaborationniste de la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Et le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a récemment cité Charles Maurras, l’idéologue fasciste et anti-sémite de l’Action française.

Cette politique fascisante est le produit du tournant à droite de la classe politique française, et notamment le PS et ses alliés politiques lors du quinquennat PS de François Hollande, sous lequel Macron fut ministre de l’Économie. Le PS a instauré l’état d’urgence, voté également par les députés du groupe parlementaire de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale, ainsi que la légalisation de la surveillance de masse.

La menace qui pèse à présent sur les Réunionnais est la conséquence de cette escalade répressive réactionnaire menée par le PS avec la complicité de ses alliés d’ «extrême-gauche».

La lutte lancée lors des manifestations des Gilets jaunes doit se prolonger par une mobilisation de la classe ouvrière, en lutte contre le militarisme et l’austérité à l’international et pour le socialisme. La défense des Gilets jaunes à La Réunion tout comme en métropole passe par le développement d’un mouvement de la classe ouvrière politiquement conscient, luttant pour une perspective socialiste et révolutionnaire contre le nationalisme, le militarisme et la répression.

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