Avec la loi Elan, Macron accélère l'offensive contre le logement social

Elle facilitera la vente des logements sociaux dans les villes riches, déjà déficitaires dans ce domaine, et où il sera impossible de reconstituer l’offre de HLM. D’ici peu, les HLM vendront autant de logements qu’ils en construiront, ne conservant qu'un parc immobilier dégradé.

La loi Elan sur l‘«Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique», validée la semaine dernière par le Conseil constitutionnel et votée en octobre par l’Assemblée nationale et le Sénat, doit être promulguée. Elle représente une attaque supplémentaire majeure par le gouvernement Macron contre le logement social en France, dont dépendent des millions de travailleurs et qui est un autre acquis majeur issu de la Libération.

Les HLM (habitations à loyers modérés) constituent toujours pour les familles à revenus faibles une source de logements relativement accessibles et protégés contre les loyers inabordables des loueurs privés. Ils représentent près du tiers de l'offre de logement dans les « quartiers prioritaires », caractérisés par un taux de pauvreté et de chômage très élevés. Ils constituent dans tous ces quartiers le dernier filet de sécurité pour mener une vie à peu près décente et espérer s'insérer socialement et économiquement dans la société.

Selon un rapport de la fondation Abbé Pierre, en France 4 millions de personnes sont très mal logées ou sans domicile, et 12 millions de personnes sont fragilisées par rapport au logement (loyers impayés, surpeuplement du logement, impossibilité de payer le chauffage, etc.).

La Loi Elan est une suite de mesures rétrogrades. Alors que le logement social est déjà inadapté, dû à la politique d’attaques systématiques des gouvernements de «gauche» comme de droite ces dernières décennies, et que 450.000 logements sont considérés comme indignes d’être habités en France, la loi doit faciliter, par de nombreux dispositifs, les ventes de logements sociaux. Ces ventes doivent quintupler pour atteindre 40.000 unités par an.

La vente des immeubles doit se faire surtout par lots à des investisseurs privés qui pourront revendre les appartements à l'unité, en réalisant une énorme plus-value. Ce seront les appartements les mieux localisés et les mieux entretenus, plus faciles à vendre qui seront visés.

Elle vide de son contenu contraignant la Loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) de l'an 2000, qui imposait aux communes déficitaires en HLM d’atteindre progressivement un quota de 25 pour cent de logements sociaux.

La loi prévoit aussi la possibilité de regroupements forcés des organismes de HLM selon des critères purement financiers et sans rapport aucun avec les besoins d'aménagement du territoire et de bonne gestion des logements.

Le rôle régulateur des pouvoirs publics dans les zones d'aménagement sera fortement réduit. En général, les zones à urbaniser seront livrées aux grands promoteurs. Dans le même esprit, la loi annule l’obligation de rendre 100 pour cent des logements neufs accessibles aux handicapés pour ramener ce taux à un dérisoire 10 pour cent. Les urbanistes s’attendent à un effondrement de la construction des logements sociaux, ainsi qu’à une forte dégradation de la qualité de la construction.

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Macron a multiplié les mesures visant à déstabiliser le secteur des HLM. Cela a commencé par une attaque sur les aides personnalisées au logement (APL) qui sont, avec les logements sociaux, un des principaux mécanismes d’aide aux locataires. Les APL sont versées à 6,5 millions de personnes dont 800.000 étudiants. L’État verse environ 18 milliards d’euros d’APL par an.

En octobre 2017 le gouvernement a décrété une baisse des APL, accompagnée d’un durcissement des conditions d’attribution. La loi de finance pour 2018 a ensuite gelé les APL qui auparavant étaient revalorisées en fonction de l’indice des loyers.

On s’est servi de la baisse des APL pour affaiblir économiquement le secteur HLM. La loi de finance de 2018 a baissé de façon autoritaire de 60 euros en moyenne les APL dont bénéficiaient les locataires du secteur HLM en imposant aux organismes une baisse de loyer de même montant pour obtenir une économie globale de 1,5 milliards d'euros. Le secteur privé n'a pas été mis à contribution, alors qu'il reçoit 8,5 milliards d'APL et que ses loyers sont beaucoup plus onéreux.

Les sociétés de HLM sont d'autant plus durement touchées que leur proportion d'allocataires APL est plus élevée. Certaines ont déjà gelé complètement leur programme de construction compte tenu de l'effondrement de leurs ressources. Les experts s'attendent maintenant à une chute sévère de la livraison de logements en 2019-2020, alors que les besoins non satisfaits sont gigantesques.

Par ailleurs, le secteur HLM va aussi perdre l'équivalent de 800 millions par an suite à la suppression de la TVA à taux réduit de 5,5 pour cent sur les travaux d’entretien et de construction qui passe à 10 pour cent.

Le financement des HLM dépend surtout du Fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC), un très important groupe financier public. Ce fonds est doté par l'intermédiaire de livrets d'épargne à taux réglementé par l’État, gérés par le circuit bancaire, et dont une part importante lui est reversé. Le principal est le livret A.

La CDC accorde des prêts à long terme aux organismes sociaux de l’habitat avec une partie des sommes récoltées sur le livret A, à des taux privilégiés. En minorant le taux de rémunération du livret A, le gouvernement a non seulement cassé, pour la première fois, l'indexation légèrement au-dessus de l'inflation des livrets A, entraînant des pertes considérables pour les épargnants et des gains colossaux pour les banques, mais réduit fortement l’argent disponible pour le financement des HLM.

Le taux des ressources allouées au logement social par rapport au PIB, de 2 pour cent en 2010, s’est effondré avec l’arrivée de Macron au pouvoir avec une prévision de 1,70 pour cent pour 2018.

Toutes ces mesures conjuguées sont une attaque massive du droit à un logement décent, dont le logement social est le principal support. Alors que le Conseil constitutionnel considérait encore en 1995 que la «possibilité de disposer d’un logement décent (était) un objectif à valeur constitutionnelle,» il est clair à présent que le droit au logement, qui découle directement de la Constitution de 1946, fait l’objet d’une attaque frontale de la part de la classe dirigeante.

La réduction programmée du parc de logement social fera basculer dans les prochaines années des centaines de milliers de personnes dans la misère. L’effondrement d’immeubles à Marseille récemment, faisant huit morts dans une rue habitée par des travailleurs pauvres, est un exemple particulièrement frappant de ce que va signifier la destruction systématique du logement social.

La privation du droit au logement par l’aristocratie financière met à l’ordre du jour la question de l’expropriation des fonds de spéculation immobilière et des banques et de leur placement sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière.

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