Les CRS attaquent la manifestation des Gilets jaunes à Paris

Samedi, lors de manifestations de centaines de milliers de personnes contre Macron, les CRS ont violemment attaqué la manifestation centrale sur l’avenue des Champs-Élysées à Paris. Selon le ministère de l’Intérieur, 106.000 personnes auraient participé à 1.600 manifestations en France, dont 8.000 à Paris, un chiffre qui semble bien en-deçà de la réalité.

La préfecture avait interdit de manifester à l’extrémité est de l’avenue. Quand les manifestants sont arrivés devant le dispositif de sécurité, la police a fait usage de lances à eau et de lacrymos avant de charger les manifestants. Elle a ensuite attaqué les manifestants ou essayé de les entourer à maintes reprises, en brisant les pavés et les chaises de restaurants à proximité pour établir des barricades.

Les manifestants ont réagi en lançant des pavés et des feux d’artifice; les accrochages ont continué le long de la journée. Les Gilets jaunes scandaient «Macron démission» ou «Macron dégage.» Il y a eu 103 interpellations, et hier 101 personnes étaient encore en garde à vue.

La déclaration de la préfecture selon laquelle «des réseaux violents d’ultradroite et d’ultragauche» auraient infiltré la manifestation, afin d’attaquer la police et de s’attaquer eux-mêmes, est absurde. La police a lancé les violences, dont elle a organisé la plupart.

Les Gilets jaunes contestaient au départ les hausses des taxes sur le carburant qui touchent avant tout les zones rurales et périurbaines. C’est un mouvement hétéroogène, rassemblant travailleurs, indépendants et petits patrons, qui se disent «apolitiques» et partisans d’un mouvement «populaire.» Mais leur concentration de plus en plus nette sur l’opposition aux inégalités, au militarisme et à Macron évoque un large soutien parmi des masses de travailleurs en France et à l’international.

Le WSWS a interviewé un groupe de travailleurs de la banlieue de Paris qui ont dénoncé la répression. L’une, fonctionnaire, a dit: «Ce n’est pas une bonne réponse du gouvernement, avec la violence. Ce matin, ils nous ont agressés. Moi je suis mère de famille, pacifique. Ils nous ont gazés. On est arrivés, on était devant la place. Puis ils sont arrivés, ils nous ont chargés, ils nous ont tiré dessus, on en avait plein les yeux. Mais il n’y avait pas de casseurs. Ils ont sorti les lances à eau. Je ne m’attendais pas à ça, c’est beaucoup de mépris.»

Une autre a dit: «C’est le règne de l’argent, Macron c’est un banquier … Et il saccage tout. Ça a commencé avant, mais là on arrive aux limites. Moi je travaille à l’hôpital, et les hôpitaux ils ferment, ils ne peuvent plus fonctionner.» Contre la réforme drastique des retraites planifiée par Macron, elle a ajouté: «La retraite ce n’est pas une indemnité, c’est le fruit d’une vie de travail. Donc il faut que les retraités vivent dignement, et je trouve qu’aujourd’hui les retraités ne vivent pas dignement. Il faut que ça s’arrête. … Il y a trop d’inégalités.»

Un travailleur proche de la retraite a dit: «On régresse, on régresse, on régresse. Nos parents se sont battus, ils ont eu des acquis, on est en train de perdre tout ce que nos parents ont gagné pour nous. Je travaille dans une société et ce n’est que de l’intérim, le moindre pet de travers et vous êtes viré. Il n’y a plus aucune considération, on est des objets ni plus ni moins.. Ça va péter un jour ou l’autre, et voilà, ça commence.»

Il a ajouté, «Il faudrait refiler 1.200 balles à ceux du gouvernement et voir comment ils font pour faire durer ça un mois. Nos gamins ils galèrent, ils restent chez nous jusqu’à 30 ans parce qu’ils ne peuvent pas se loger, les salaires en démarrant sont au SMIC dans beaucoup de métiers. Heureusement que nous les vieux on est derrière pour les aider, parce que tout seuls ils ne peuvent pas assumer. C’est le ras-le-bol.»

Didier, maçon, a dit: «Macron, il faut qu’il démissionne, qu’il se barre. Nous on n’a pas voté pour lui, c’est clair, c’est net. On n’en veut plus, qu’il démissionne, ce mec-là. Il est fait pour les riches, il n’est pas fait pour nous, pour la classe ouvrière. … J’ai été opéré du dos il y a 3 mois, j’ai fait un infarctus, vous voyez j’ai travaillé toute ma vie. Lui il se baisse et il ramasse. Nous, il faut gratter. On donne toujours aux riches, ils deviennent de plus en plus riches, et nous on devient de plus en plus pauvres. C’est ça, on revient aux temps des serfs.»

Didier a aussi dénoncé les projets de Macron pour une armée européenne: «Ces guerres n’ont servi à rien, comme d’habitude. Cela a fait comme la guerre d’Indochine, comme la guerre d’Algérie. C’est des guerres bêtes. C’est des gens qui pensent savoir tout qui envoient les mêmes se faire buter, c’est-à-dire nous. C’est toujours la même chose, la guerre de 14 elle a servi à quoi? A rien.»

Daniel, commerçant, a dit: «On mange des pâtes, des pâtes et des patates. On en a marre de toujours manger des patates. … Les présidents avant ils ont fait fort, mais là il fait même encore plus fort que les autres. Le peuple est dans la rue, il va falloir qu’il nous entende, ou sinon c’est vraiment qu’il nous crache dessus comme de la merde. Toute la France va péter si ça continue comme ça et il le sait. Moi, ma retraite c’est 480 euros par mois, alors il faut arrêter de nous prendre des choses.»

L’éruption de revendications de milieux autres que les 10 pour cent les plus riches de la société ébranle l’élite dirigeante française et internationale. L’idée que les Gilets jaunes mènent une révolte fiscale libertaire ne tient pas la route. Leurs critiques des inégalités et de la guerre reflètent les intérêts collectifs des travailleurs hostiles à l’Union européenne et aux politiques d’austérité et de militarisme menées à travers l’Europe.

L’attaque d’apparence gratuite de Macron sur les manifestants soulève des questions de classe. En défendant ses privilèges et ses fortunes, l’aristocratie financière est consciemment hostile envers les travailleurs. Sachant bien qu’une colère sociale et une opposition politique sourdes montent, elle prépare le militarisme et le nationalisme, avec le retour annoncé au service militaire. Les revendications des Gilets jaunes mettent en évidence qu’un affrontement aux conséquences révolutionnaires est en préparation entre les travailleurs et l’aristocratie financière.

Ceci démasque les appareils syndicaux et les partis politiques petit-bourgeois qui y sont alliés. Ces forces ont boycotté la manifestation des Gilets jaunes. Le PCF stalinien, Lutte ouvrière et des membres du NPA sont allés participer à une petite manifestation place de l’Opéra contre le viol. Alexis Corbière de La France insoumise, l’allié français du régime austéritaire de Syriza en Grèce, propose des «élections,» se faisant l’écho de l’offre l’année dernière d’être le premier ministre de Macron. C’est un piège pour les travailleurs qui veulent ôter le pouvoir à Macron.

En France et à l’international, les revendications qu’avancent les Gilets jaunes nécessitent une lutte révolutionnaire et le transfert du pouvoir à la classe ouvrière.

Samedi, face aux dénonciations des Gilets jaunes par la CGT, les manifestants ont critiqué sans ménagement les syndicats, qui dépendent de milliards de subventions étatiques et patronales. Daniel a dit, «Les syndicats, ils sont payés par le gouvernement. C’est comme la sécurité routière, tous ces gens-là touchent des subventions pour nous faire passer des pilules à 80 kmh. … Ensuite ils disent quelques paroles pour le peuple, mais ils se disent, on ne va pas trop agir pour ne pas trop affaiblir le gouvernement.»

Didier a dit, «Pour moi, les syndicats c’est zéro. Ils ne font pas bien leur travail, ils l’ont bien fait à une époque, après Mai 68 ça bougeait quand un syndicat disait, ‘On débraye’, mais aujourd’hui quand il y a un syndicat qui le dit, les autres disent, ‹Non, les gars, il faut rester à la maison.›» Il a évoqué la fermeture projetée de l’usine Nestlé à Beauvais, où travaillent de ses proches: «J’ai vu cette usine, elle était en grève. Il y en avait cinquante pour cent qui étaient dehors en grève, il y en avait cinquante pour cent qui étaient à l’intérieur. Elle est belle, cette affaire-là.»

Il a ajouté, «Les syndicats, ils mangent au même ratelier que le gouvernement. C’est diviser pour mieux régner: on leur dit, mets-toi là, tu seras au sec mais calme un peu le truc. C’est tout, on sait comment ça marche.»

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