L’Organisation mondiale du commerce met en garde contre la montée du protectionnisme à l’approche du sommet du G20

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a mis en garde contre la montée du protectionnisme à l’approche du sommet du G20 à Buenos Aires à la fin de la semaine prochaine.

Selon l’OMC, de la mi-mai à la mi-octobre, 481 milliards de dollars supplémentaires de commerce ont été touchés par de nouvelles mesures restrictives imposées par les pays membres. Ce chiffre est six fois supérieur à celui de la période précédente et le plus élevé depuis que l’OMC a commencé à collecter de telles données en 2012.

L’OMC a déclaré que 40 nouvelles restrictions commerciales ont été appliquées dans les seules économies du G20 au cours de la période de cinq mois, y compris des augmentations tarifaires, des interdictions d’importation et des droits d’exportation.

Commentant le rapport, le directeur général de l’OMC, Roberto Azevedo, a déclaré que ses conclusions « devraient être une source de grave préoccupation pour les gouvernements du G20 et la communauté internationale dans son ensemble ». Il a ajouté : « La poursuite de l’escalade reste une menace réelle. Si nous continuons sur cette voie, les risques économiques augmenteront, avec des effets potentiels sur la croissance, l’emploi et les prix à la consommation dans le monde entier ».

Azevedo a déclaré que l’OMC faisait tout ce qui était en son pouvoir pour « désamorcer » la situation, mais « la recherche de solutions exigera une volonté politique et une direction de la part du G20 ».

Si l’OMC n’a pas pointé du doigt la responsabilité de l’augmentation des mesures protectionnistes, le principal facteur est la politique agressive menée par les États-Unis. Les trois quarts des dernières restrictions étaient des hausses tarifaires, dont un bon nombre à titre de représailles contre les hausses tarifaires sur l’acier et l’aluminium imposées par l’administration Trump en mars.

En plus de menacer d’autres mesures à l’encontre de la Chine, y compris la levée de leurs droits de douane de 10 pour cent sur les produits chinois d’une valeur de 200 milliards de dollars à 25 pour cent au début de l’année prochaine, les États-Unis envisagent d’imposer un droit de 25 pour cent sur les importations automobiles pour des raisons de « sécurité nationale » – le même prétexte que pour les droits sur l’acier et l’aluminium.

Ces mesures restent en suspens pour l’instant parce que Washington cherche à obtenir la coopération de l’Europe et du Japon pour sa campagne anti-Chine, qui serait affectée par de telles actions. Mais ils restent une menace omniprésente.

Plutôt que d’agir contre la montée du protectionnisme, la réunion du G20 devrait voir une nouvelle escalade des tensions à mesure que les États-Unis intensifieront leurs appels en faveur de mesures contre la Chine, notamment par le biais de l’OMC.

La tendance générale de l’évolution est indiquée par le projet de communiqué préparé pour le sommet. Lorsque le G20 est devenu le premier forum économique mondial en 2009 après la crise financière mondiale, il a placé la lutte contre le protectionnisme au centre de ses déclarations. Les dirigeants politiques ont insisté sur l’idée qu’ils n’emprunteraient pas la voie de la guerre commerciale des années 1930.

Mais dans le dernier communiqué, en cours de négociation, il n’est pas fait explicitement référence à la lutte contre le protectionnisme. Il est fait plutôt référence à l’importance du système commercial multilatéral et à la nécessité de maintenir les marchés ouverts et d’assurer des conditions de concurrence équitables.

La référence spécifique au protectionnisme peut être abandonnée dans l’espoir d’éviter le genre de conflit qui a éclaté lors de la réunion du G7 en juin au Canada, où le président Donald Trump s’est opposé aux autres participants.

Quelle que soit la formulation finale, la principale question à l’ordre du jour de la réunion sera une réunion parallèle prévue entre Trump et le Président chinois Xi Jinping sur les questions commerciales.

Lorsque cette réunion a été annoncée pour la première fois, on s’attendait à ce qu’elle conduise à une diminution des tensions. Depuis, ces espoirs se sont rapidement évanouis. Le week-end dernier, le vice-président américain Mike Pence a lancé une attaque majeure contre la Chine lors du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en Papouasie Nouvelle-Guinée. Pour la première fois en 29 ans d’histoire, les dirigeants de l’APEC n’ont pu s’entendre sur une déclaration finale.

Au cours de la semaine dernière, les tensions entre les États-Unis et la Chine ont augmenté sur plusieurs fronts.

Le Wall Street Journal a rapporté que l’administration américaine contacte des alliés étrangers pour persuader les fournisseurs de services sans fil et Internet de leur pays de ne pas acheter d’équipement au géant chinois des télécommunications Huawei, au motif qu’il pourrait être utilisé pour mettre en danger la cybersécurité.

Huawei a répondu qu’il n’est pas redevable au gouvernement chinois et que même si les fabricants occidentaux, tels que Nokia en Finlande ou Ericsson en Suède, étaient préférés, tous les fabricants partagent des lignes d’approvisionnement communes.

L’un des problèmes auxquels se heurtent les États-Unis lorsqu’ils tentent de restreindre l’accès à Huawei est que, dans le domaine clé de la technologie de téléphonie mobile 5G, les équipements de l’entreprise sont considérés comme étant de meilleure qualité et sont disponibles à un prix inférieur à celui des autres solutions.

Un autre conflit qui pourrait surgir lors de la réunion du G20, comme ce fut le cas à l’APEC, est l’exigence américaine que l’OMC prenne des mesures contre la Chine pour vol présumé de technologie et subventions « faussant le marché » aux principales entreprises d’État (EE). L’un des points à l’ordre du jour du sommet du G20 est la réforme de l’OMC.

S’exprimant lors d’une conférence de presse hier, le vice-ministre chinois du Commerce, Wang Shouwen, a présenté la position de la Chine sur la réforme de l’OMC. Il a critiqué les subventions agricoles « excessives » utilisées par les pays développés et a déclaré que les réformes devraient corriger la discrimination contre les investissements chinois.

Défendant la politique de la Chine, il s’est opposé aux critiques infondées des « subventions normales aux entreprises d’État et aux subventions industrielles » et au « partage normal des innovations technologiques ».

Dans une autre attaque contre la Chine, l’un des principaux conseillers économiques de Trump a indiqué que Washington considère qu’il y a lieu d’exclure la Chine de l’OMC. Kevin Hassett, le président du Conseil des conseillers économiques du président, a déclaré à la BBC que la Chine s’était « mal comportée » en tant que membre de l’OMC et que l’organisation mondiale du commerce avait laissé tomber les États-Unis.

« Nous n’avons jamais vraiment imaginé qu’un pays entrerait à l’OMC et se comporterait ensuite comme la Chine l’a fait. C’est une nouveauté pour l’OMC d’avoir un membre qui se comporte si mal », a déclaré Hassett. Dans l’entretien il a posé la question à savoir si la question de la Chine pourrait être réglée par la négociation bilatérale en réformant l’OMC, ou : « devrions-nous poursuivre l’expulsion de la Chine de l’OMC ? »

Hassett s’est fait l’écho de l’opinion exprimée par le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, plus tôt cette année, selon laquelle c’était une erreur pour les États-Unis d’avoir accepté l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001. L’évaluation de l’Administration Clinton, qui a contribué à préparer l’adhésion de la Chine et à obtenir l’aval de l’Administration George W. Bush, était que la Chine resterait dans une position de soumission, en tant que fournisseur de biens de consommation bon marché.

Mais les mesures prises par le régime de Xi Jinping pour que la Chine remonte la chaîne de valeur et investisse massivement dans le développement industriel de haute technologie dans le cadre de son programme « Made in China 2025 » ont suscité une vive opposition. L’establishment américain – politique et militaire – considère ce développement comme une menace à l’hégémonie économique et, en fin de compte, militaire américaine, et est déterminé à contrer cette possibilité par tous les moyens jugés nécessaires.

(Article paru d’abord en anglais le 24 novembre 2018)

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