L’armée américaine et la police des frontières attaquent des demandeurs d’asile à la frontière entre les États-Unis et le Mexique

Hier, une force combinée de l’armée américaine et de la Protection des douanes et de la frontière (CBP) a pointé des fusils d’assaut et a tiré des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des grenades éclair sur des travailleurs pauvres et leurs familles. La foule, qui comprenait de nombreuses femmes et de jeunes enfants, a tenté de traverser la frontière américano-mexicaine entre San Diego et Tijuana pour demander l’asile.

Les autorités américaines ont ensuite fermé le passage frontalier de San Ysidro dans les deux sens alors que les familles tentaient de revenir des vacances de Thanksgiving et du shopping du Black Friday. Il s’agit du passage à niveau le plus fréquenté de l’hémisphère occidental, fréquenté par 90 000 personnes par jour.

Le chaos de la répression a produit des scènes qui rappellent une zone de guerre active.

Des soldats américains en tenue de combat déployée avec des véhicules armés et de multiples hélicoptères d’attaque ont affronté une foule d’immigrants pacifiques fuyant la pauvreté et la violence dans leur pays d’origine, en Amérique centrale.

« Les enfants criaient et toussaient dans le chaos », expliquait KRON 4 News de San Francisco, tandis que le Los Angeles Times rapportait que « certaines mères couraient sous un train, serrant leurs enfants en pleurs ».

Proceso, mexicain, a écrit : « Les immigrants criaient qu’ils ne voulaient que traverser pour avoir une vie meilleure et pour travailler ». Quand le gouvernement américain a tiré des gaz lacrymogènes, « La foule a essayé de se protéger du gaz en se couvrant le visage pendant que les mères aidaient leurs enfants ».

Alors que l’armée américaine déroulait une clôture de barbelés au poste-frontière de San Ysidro, un haut-parleur a averti : « Il s’agit d’une zone d’accès réglementé par le gouvernement fédéral » et l’entrée dans cette zone entraînera un « recours possible à la force ».

Dans une déclaration à la suite de la répression militaire, la secrétaire du département de la sécurité intérieure (DHS), Kirstjen Nielsen, a lancé un avertissement : « Le DHS ne tolérera pas ce type d’anarchie et n’hésitera pas à fermer les points d’entrée pour des raisons de sécurité et de la sûreté publique. Nous nous efforcerons également de poursuivre, dans toute la mesure du possible, quiconque qui détruit des biens fédéraux, met en danger nos opérateurs de première ligne ou viole la souveraineté de notre nation. »

Le gouvernement américain s’est préparé à recourir à la violence contre les quelque 6000 immigrants en provenance du Mexique et d’Amérique centrale. Les immigrants ont été hébergés dans un stade de sport près de la frontière, où la nourriture et les autres produits de première nécessité font défaut et où les réfugiés désespérés s’impatientent.

Hier, le Commandement du nord de l’armée américaine a posté des photos de la police militaire en train de s’entraîner à la lutte antiémeute au port d’entrée de San Ysidro « pour sécuriser la frontière sud des États-Unis ».

Quelques heures avant l’attaque d’hier, Donald Trump « tweettait » : « Ce serait très intelligent si le Mexique arrêtait les caravanes bien avant qu’elles n’atteignent notre frontière sud, ou si les pays d’origine ne les laissaient pas se former (c’est un moyen de faire sortir certaines personnes de leur pays et de ne plus les larguer aux États-Unis). Ce sont les Démocrates qui ont créé ce problème. Pas de traversée de la Frontière ! »

Samedi soir, Trump s’est vanté que le gouvernement détient indéfiniment les immigrants : « Notre politique très forte est la capture et la détention. Aucune “libération” aux États-Unis […] Tous vont rester au Mexique. Si pour une raison quelconque, cela s’avère nécessaire, nous fermerons notre frontière sud ».

Les dénonciations fascistes de Trump contre les immigrants sont arrivées après que CBS News ait rapporté mardi que le chef d’état-major de Trump, John Kelly, a signé une note de service accordant aux militaires le pouvoir de mener « une démonstration ou un usage de la force (y compris la force meurtrière, si nécessaire), un contrôle de foule, la détention temporaire, et une fouille sommaire. »

Cela dément les affirmations du Parti démocrate et des médias bourgeois selon lesquelles le déploiement des troupes de Trump n’était qu’une « distraction » ou un « stratagème » électoral. Kelly, pour qui presque tous les sénateurs démocrates ont voté en faveur de la confirmation en 2017 (y compris le prétendu « indépendant » Bernie Sanders), fait avancer les efforts délibérés de Trump pour (1) attiser les flammes de la xénophobie d’extrême droite et (2) cultiver une base personnalisée dans le dispositif militaire et la « sécurité intérieure ».

En réponse, le Parti démocrate s’est délibérément orienté vers les politiques anti-immigrés de Trump, même après avoir reconquis le contrôle de la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat.

S’exprimant hier sur CNN, Maxine Waters, membre du Congrès démocrate, et probablement future présidente du Comité des services financiers de la Chambre des représentants, a déclaré qu’il y avait « un problème d’immigration ».

« Tous les membres [du Congrès] croient que nous avons le droit de fermer nos frontières », a-t-elle dit, affirmant que les immigrants « se précipitent et s’emparent de la frontière, cela semble certainement mauvais. On dirait qu’ils sont responsables de tout ça ».

Waters a ajouté que le Parti démocrate soutenait « une réforme globale de l’immigration menée par le président des États-Unis ».

Un poste de contrôle militaire à la frontière entre les États-Unis et le Mexique [Source : US Customs and Border Protection]. [Photo: US Customs and Border Protection]

Lorsque le sénateur démocrate Amy Kloubacher du Minnesota s’est vu demander hier par George Stephanopoulos si les démocrates sont « ouverts à toute négociation sur ce financement du mur frontalier », elle a répondu : « Nous avons essayé de négocier avec lui, mais il n’accepte pas le oui comme réponse ».

S’adressant plus tôt en novembre au British Guardian, l’ancien candidat démocrate à la présidence et secrétaire d’État John Kerry a blâmé les immigrants pour la montée de l’extrême droite en Europe : « Regardez l’Europe ! L’Europe est déjà écrasée par cette transformation due à l’immigration ».

La semaine dernière, Hillary Clinton a fait des commentaires similaires, également au Guardian : « Je pense qu’il est juste de dire que l’Europe a fait sa part et qu’elle doit envoyer un message très clair – « nous ne pourrons pas continuer à fournir refuge et soutien » – parce que si nous ne nous occupons pas de la question de la migration, elle continuera à ébranler le corps politique. »

Au milieu de cette adaptation générale à la xénophobie et aux mesures antidémocratiques de Trump, des « progressistes » démocrates comme Alexandria Ocasio-Cortez ont abandonné les appels à l’abolition de l’Immigration et des douanes (ICE). Dans un tweet du 21 novembre faisant référence à sept « priorités » du Parti démocrate, Ocasio-Cortez a clairement omis « l’immigration » de la liste.

Au cours d’une entrevue de 7 minutes accordée hier matin dans l’émission Face the Nation, Bernie Sanders n’a fait aucune allusion aux menaces contre les immigrants ou les droits démocratiques. La page d’accueil en ligne de la revue Jacobin, le magazine américain qui soutient les « socialistes » du Parti démocrate, ne contient pas non plus d’articles sur la défense des droits des travailleurs immigrés.

Avec l’aide du Parti démocrate et de ses affiliés politiques, l’Administration Trump prépare de nouvelles mesures contre les immigrants.

Selon le Washington Post, l’Administration Trump a conclu un accord avec le nouveau Président mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), en vertu duquel le Mexique accueillerait des Centraméricains dans des camps situés du côté mexicain de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, en violation flagrante du droit à l’asile.

Craignant qu’une telle décision n’engendre une hostilité généralisée au sein de la classe ouvrière mexicaine, un porte-parole d’AMLO a nié que l’accord ait été conclu, affirmant que tout accord avec Trump sur l’immigration serait annoncé lorsque le nouveau gouvernement sera en place ce samedi.

Pendant ce temps, les conditions de vie dans le refuge de fortune de Tijuana se détériorent.

« Le désespoir a conduit certaines personnes à croire vraiment que la traversée est possible », a déclaré Alex Almendares, un jeune hondurien de 22 ans, membre de la caravane, au Washington Post. « Les USA n’ont pas réagi, et la situation au refuge ne cesse d’empirer ».

Elizabeth Chirinos a également déclaré au Post : « Les Etats-Unis ne nous laissent pas passer et je ne peux pas vivre dans ces conditions dans le refuge. Je veux aller aux États-Unis et ne pas rester au Mexique parce qu’il y a plus d’opportunités ».

Vendredi soir, une mère de 26 ans, mère d’enfants de 3 et 5 ans, a été empalée alors qu’elle tentait de franchir une clôture à la frontière à Tijuana. Bien qu’elle ait survécu, le CBP a dénoncé cette femme comme étant « insensée » en disant qu’elle avait « mis sa vie et celle de ses enfants en danger ».

(Article paru d’abord en anglais le 26 novembre 2018)

Loading