Après que Trump a fait tirer du gaz lacrymogène sur des enfants d’immigrants

Sanders affirme que les membres de la caravane n'ont pas de demandes d'asile «crédibles»

Deux jours après que les troupes américaines aient pointé des fusils d'assaut sur les travailleurs d'Amérique centrale à la frontière américano-mexicaine et que la police des frontières ait tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur des femmes et des enfants sans défense, le sénateur Bernie Sanders a déclaré à CNN qu'il ne pensait pas que tous ces migrants avaient une demande d’asile «crédible».

La déclaration, qui constitue un appui clair au pogrom anti-immigrants mené par le Président Trump, n’était en aucun cas une remarque spontanée. Il s’agissait évidemment d’une interview soigneusement préparée, que le modérateur de CNN, John Berman, a débutant en évoquant les événements de dimanche au poste-frontière de San Ysidro entre San Diego, Californie et Tijuana, au Mexique.

Sanders interviewé par John Berman de CNN (crédit: CNN)

Berman a demandé: «Quand on regarde ce qui se passe actuellement de l’autre côté de la frontière à Tijuana, 5.000 à 9.000 migrants qui attendent dans un stade pour demander l’asile, pensez-vous qu’ils ont tous une demande d’asile crédible?»

Sanders n’a pas hésité. «Non, pas du tout», a-t-il dit, en ajoutant: «et je pense qu’il faut y aller au cas par cas».

Sans critiquer Trump, ni l’armée ni la police des frontières, et encore moins exiger le retrait des soldats, des chars et des hélicoptères de la frontière, Sanders a immédiatement reconnu la nécessité d’une «réforme globale de l’immigration». C’est un euphémisme pour un plan punitif qui imposerait des amendes et d’autres pénalités aux travailleurs-sans-papiers actuellement aux États-Unis tout en permettant à certains d’obtenir éventuellement la citoyenneté, combiné à une militarisation accrue de la frontière.

Il s’agit de permettre à certains immigrants d’être exploités légalement à des salaires de misère aux États-Unis tout en condamnant des millions d’autres travailleurs en Amérique centrale et au Mexique à des conditions infernales de violence, de répression et de pauvreté imposées par plus d’un siècle d’oppression impérialiste américaine.

Sanders n’a donné aucune explication pour sa présomption qu’il y avait des travailleurs au sein de la Caravane qui n’était pas admissible à l’asile – un droit protégé sur le plan international.

Berman a ensuite pressé le sénateur du Vermont à propos de propositions de droite visant à refuser l’entrée aux demandeurs d’asile aux États-Unis pour qu’ils déposent leurs demandes d’asile et à exiger plutôt qu’ils restent au Mexique pour présenter une demande – une répudiation pure et simple de la loi sur l’asile. Sanders a esquivé la question, déclarant: «Je suis entièrement en faveur d’une réforme globale de l’immigration».

Il a ensuite changé le sujet pour passer au changement climatique, qui a été adopté par la direction du Parti démocrate comme une question «sûre» peu susceptible d’interférer avec ses appels postélectoraux pour une collaboration bipartisane avec Trump et les Républicains.

Il n’y a rien d’accidentel dans le fait que Sanders ait partiellement approuvé la politique anti-immigrants de Trump. Au cours d’une interview de sept minutes dans le cadre de l’émission «Face the Nation» de dimanche, il n’a fait aucune référence aux attaques de Trump contre les immigrants et aux droits démocratiques à l’asile et à une procédure en bonne et due forme. Interrogé par la chaîne CBS lundi, il a refusé de condamner l’utilisation des gaz lacrymogènes, appelant simplement le gouvernement à «réduire au minimum le niveau de force utilisé» dans l’avenir. Il s’est alors empressé de changer de sujet en disant qu’«il y a d’autres problèmes que l’immigration».

La promotion du chauvinisme américain et du nationalisme économique anti-immigrants ne sont pas des nouveautés pour Sanders. Il s’est constamment aligné avec la bureaucratie syndicale et les factions de la classe dirigeante pour monter les travailleurs américains contre leurs frères et sœurs de classe au Mexique, en Chine et dans d’autres pays.

Peu après avoir annoncé sa candidature à l’investiture du parti démocrate à la présidence, en juillet 2015, Sanders a exposé sa position essentiellement anti-immigrants, blâmant les travailleurs étrangers pour la destruction des emplois et des salaires des travailleurs américains qui est causée par le capitalisme. Interviewé sur le site web de Vox, il a interrompu le modérateur lorsqu’il a suggéré une politique d’ouverture des frontières, déclarant:

«Ouvrir les frontières? Non, c’est une proposition des frères Koch... C’est une proposition de droite, qui dit essentiellement: il n’y a pas des États-Unis... Tout le monde en Amérique serait plus pauvre».

Sanders a continué: «Vous supprimez le concept d’État-nation, et je ne pense pas qu’il y ait un seul pays au monde qui croit en cela... Ce que les gens de droite de ce pays aimeraient, c’est une politique frontalière ouverte. Faites venir toutes sortes de gens, travaillez pour 2 ou 3 dollars de l’heure. Ce serait formidable pour eux... Vous pensez que nous devrions ouvrir les frontières et faire venir beaucoup de travailleurs à bas salaires, où pensez-vous que nous devrions peut-être essayer de trouver des emplois pour ces jeunes [américains]?»

Malgré ses prétentions socialistes, le nationalisme économique de Sanders est lié à sa défense de la propriété privée capitaliste des moyens de production et son soutien à l’impérialisme américain. Il a pleinement soutenu les guerres lancées ou poursuivies par Barack Obama en Afghanistan, en Libye, en Irak et en Syrie et, malgré sa récente opposition à la guerre au Yémen, Sanders n’appelle pas à la fin du soutien américain – financier, militaire, et politique – à l’Arabie saoudite, partenaire de Washington dans ce conflit quasi génocidaire.

Lors d’une interview accordée à «Meet the Press en octobre 2015, on a demandé à Sanders s’il aurait recours aux assassinats par drones et aux forces spéciales s’il était élu. Sa fameuse réponse était: «Tout ça, et plus encore».

(Article paru en anglais le 29 novembre 2018)

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