Les travailleurs d’ABI en lock-out manifestent au centre-ville de Montréal

Une section de la manifestation du 28 novembre

Mis en lock-out depuis le 11 janvier dernier pour avoir refusé de larges concessions dans leur convention collective, les travailleurs de l'Aluminerie de Bécancour (ABI), situé au centre du Québec, ont manifesté mercredi dernier au centre-ville de Montréal.

La manifestation, qui s'est déroulée sous la surveillance d'un important déploiement policier, a commencé à l'extérieur de la tour à bureaux où se trouve le siège social canadien d'Alcoa. Le géant américain de l'aluminium détient une participation de 75% dans ABI, le reste étant détenu par Rio Tinto-Alcan. La manifestation s'est terminée devant les bureaux d'Hydro-Québec, la compagnie d'électricité appartenant au gouvernement du Québec, qui a fourni de l'électricité à ABI à des tarifs préférentiels tout au long du conflit, ce qui lui a permis de faire fonctionner l'une de ses trois usines d'électrolyse avec du personnel de gestion.

Sur les 1050 travailleurs d'ABI en lock-out, 350 à 400 ont fait le voyage jusqu'à Montréal. Il y avait un petit nombre de travailleurs parmi les cent cinquante autres manifestants. Mais la plupart étaient des représentants du Syndicat des Métallos et de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).

Les Métallos et la FTQ ont systématiquement isolé la lutte des travailleurs d'ABI. Loin de mobiliser le soutien de la classe ouvrière, ils ont détourné les énergies des travailleurs d’ABI vers des appels futiles aux actionnaires d'Alcoa et de Rio Tinto et vers la classe politique qui défend les grandes entreprises.

La manifestation de mercredi n'a même pas été annoncée sur le site web de la FTQ. De même, les Métallos n'ont rien fait pour faire connaître la manifestation, et encore moins pour mobiliser l'appui des plus de 50.000 travailleurs qu'ils représentent au Québec et des dizaines de milliers de personnes qui habitent à proximité en Ontario.

La manifestation avait lieu quelques jours avant la date butoir imposée par le gouvernement pour que le syndicat des Métallos et ABI arrivent à une entente.

Le ministre du Travail de la Coalition Avenir Québec (CAQ), Jean Boulet, avait dit que si aucune entente n'était conclue d'ici le 30 novembre, il ordonnerait à l'équipe de médiation, dirigée par l'ancien premier ministre du Parti québécois et partisan de l'austérité Lucien Bouchard, de proposer un contrat; et si celui-ci était rejeté par les travailleurs lors d'un vote obligatoire, de faire dicter leurs conditions de travail par un arbitre. Mais jeudi, Boulet a annoncé qu'il reportait la date limite de la médiation au 21 décembre.

La manifestation était encadrée par une imposante présence policière

Lors de leur discours à la manifestation, les dirigeants de la FTQ et des Métallos ont réitéré leur perspective nationaliste et ont fait appel au nouveau gouvernement populiste de droite de la Coalition Avenir Québec mené par François Legault, ancien patron d’Air transat. Alors que le directeur québécois des Métallos, Alain Croteau, dénonçait Alcoa comme une «compagnie américaine qui tente d’imposer sa loi ici», le Président de la FTQ, Daniel Boyer déclarait: «Le gouvernement Legault doit mettre son poids dans la balance face aux multinationales de l’aluminium pour que les Québécois arrêtent de payer pour leurs coups de force contre les travailleurs.»

Des sympathisants du World Socialist Web Site sont intervenus dans la manifestation en distribuant une déclaration intitulée: «La voie de l’avant pour les travailleurs d’ABI: pas de concessions, ni coupures dans les pensions ou les emplois! Il faut élargir la lutte!»

La déclaration attirait l'attention des travailleurs sur les déclarations répétées des représentants des Métallos annonçant leur volonté d'imposer des concessions et même d'accepter des suppressions d'emplois, et comment cela avait encouragé Alcoa à rejeter sa propre offre de «contrat final» pour exiger encore plus de concessions.

«Les travailleurs d’ABI ne doivent pas se faire d'illusions», affirmait la déclaration. «Qu'une nouvelle convention collective soit conclue dans le cadre de la ronde actuelle de négociations syndicales-patronales ou imposée à la suite des machinations du gouvernement et de son comité “spécial” de médiation, elle sera pleine de concessions.»

«Pour l’emporter sur la volonté d'ABI d'imposer des concessions et des suppressions d'emplois», poursuivait la déclaration, «les travailleurs doivent arracher la direction de leur lutte des mains du Syndicat des Métallos pro-capitaliste. Ils doivent établir un comité de la base indépendant de l'appareil syndical et lutter pour mobiliser la force de la classe ouvrière contre Alcoa et Rio Tinto. Un tel comité devrait activement chercher l'appui des travailleurs de l'industrie et du secteur public partout au Québec, dans le reste du Canada, aux États-Unis et outremer, dans le cadre d'une offensive internationale de la classe ouvrière contre l'austérité capitaliste et les lois anti-ouvrières.»

Les représentants du Syndicat des Métallos ont répondu à l'appel lancé aux travailleurs d’ABI en lock-out pour qu'ils se tournent vers leurs véritables alliés, c’est-à-dire les travailleurs de l’aluminium et l’ensemble de la classe ouvrière au Canada et partout dans le monde, par des calomnies et de l’intimidation. Dominic Lemieux, l'adjoint du directeur du Syndicat des Métallos au Québec, et d'autres représentants syndicaux ont interpellé les sympathisants du WSWS en les accusant d'être à la solde de l'entreprise et ont cherché à provoquer une confrontation.

Néanmoins, la WSWS a pu s'entretenir avec plusieurs des travailleurs d'ABI en lock-out. Jérôme, un jeune travailleur, a dit que lorsqu'il a été embauché chez ABI, il pensait qu'Alcoa et Rio Tinto étaient de bons employeurs. Mais, avec le lock-out, il est arrivé à la conclusion que toutes les entreprises «sont les mêmes». Il a dit que dans la région de Bécancour, il y a peu de perspectives de bons emplois. Sa conjointe, qui travaille dans le secteur des soins de santé, fait également face à des circonstances difficiles. «C’est l’enfer! Ils se font couper et doivent prendre soin de plein de gens.»

Des retraités de l’usine Rio Tinto Alcan à Alma, qui ont vécu un lock-out de six mois en 2012, venus appuyer les travailleurs d’ABI

Un petit groupe de travailleurs ont discuté des enjeux plus larges dans le conflit et la nécessité d’étendre la lutte. La manifestation arrivait au même moment où le constructeur automobile GM annonçait la fermeture de cinq usines et la suppression de 14.000 emplois en Amérique du Nord, et au lendemain de la criminalisation de la grève des employés de Postes Canada par le gouvernement libéral de Trudeau. Les travailleurs reconnaissaient que l’ensemble de la classe ouvrière faisaient face aux mêmes attaques patronales. «C’est international», a dit l’un deux. Ce dernier soulignait également qu’à quelques pas de la manifestation se trouvaient les bureaux de la Financière Manuvie, où travaille un de ses proches, qui venait d’annoncer la suppression de 700 emplois au Canada.

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