A l’ouverture du sommet du G20, l’establishment politique américain hurlent à la guerre commerciale et à l’escalade militaire

Le voyage du président américain Donald Trump au sommet du G20 à Buenos Aires, en Argentine, s’est accompagné d’une vague de chauvinisme au sein de l’establishment politique américain, ciblant non seulement la Russie, mais aussi la Chine, mais sur un ton toujours plus belliqueux.

Ce sommet a lieu après que les forces russes ont tiré sur trois navires de la marine ukrainienne qui avaient pénétré dans les eaux revendiquées par la Russie lors d’une provocation délibérée probablement coordonnée avec Washington. Le président ukrainien, Petro Porochenko, a commencé à rassembler des troupes à la frontière ukrainienne et a déclaré la loi martiale dans des parties importantes du pays.

Au début de la semaine, la presse américaine a été remplie de dénonciations de la Russie, dont la réponse à l’incursion ukrainienne a été condamnée comme une violation du droit international. Cette campagne médiatique, combinée à la publication opportune d’informations prétendument préjudiciables sur les liens personnels de Trump avec la Russie, a conduit le président à revenir sur son projet de rencontrer le président russe Vladimir Poutine. Il s’agissait d’une concession partielle aux factions dominantes au sein de l’État américain qui ont exigé qu’il adopte une position anti-Russe plus agressive.

Après l’annonce de Trump jeudi, les médias américains se sont tournés vers Trump pour lui demander de poursuivre et d’intensifier sa position ferme contre la Chine.

Résumant la croissance du sentiment anti-chinois dans l’ensemble de l’establishment politique américain, le Washington Post a écrit dans un éditorial publié vendredi : « Là où il y avait naguère un consensus bipartisan en faveur d’un large engagement avec la Chine, il y a maintenant une déception presque aussi largement partagée quant au manquement de la Chine à répondre comme prévu ».

Si le Post appelle maintenant à une « trêve temporaire », l’agressivité du journal s’explique par le fait que la Chine est devenue un concurrent des États-Unis dans le domaine de la fabrication à forte valeur ajoutée, concurrençant directement les entreprises américaines pour un volume de bénéfices mondiaux en baisse.

Le Post poursuit : « L’approche brutalement hostile de Trump à l’égard de la Chine ne représente qu’une manifestation extrême » du « sentiment national naissant ».

« Aussi risquée soit-elle, déclare le journal, au moins la politique de Trump met la Chine pleinement devant le fait que la tolérance des États-Unis à l’égard de leurs politiques mercantilistes… est épuisée ».

Il y a quelques mois à peine, d’éminents commentateurs avaient déclaré que la guerre commerciale de Trump était une aberration. En juillet, Martin Wolf, analysant la « guerre commerciale tarifaire » de Trump, déclarait : « Le leader du pays le plus puissant du monde est un dangereux ignorant […] Il est si difficile de négocier avec lui parce que personne ne sait ce que lui et son équipe veulent. Ce n’est pas normal ».

Mais la guerre commerciale de Trump contre la Chine est maintenant saluée par ses opposants, même les plus amers, comme étant non seulement « normale », mais rationnelle et même démocratique. Comme l’écrit le Post, « les décideurs politiques chinois doivent comprendre qu’il a gagné la présidence en grande partie à cause de la consternation américaine – en particulier au cœur des régions industrielles – face aux résultats du comportement de la Chine et à ce que le public perçoit comme une incapacité des dirigeants américains à la maîtriser. »

Ces mots confirment, d’après l’un des organes du Parti démocrate, que les mesures de guerre commerciale de Trump ne sont pas les délires d’un fou, mais représentent les efforts de la classe dirigeante américaine pour assurer l’hégémonie mondiale des États-Unis par des menaces militaires et une guerre commerciale.

Ces vues ne se limitent pas à l’aile « centriste » du Parti démocrate incarné par le Post, mais s’étendent également à son aile « progressiste ». Dans un article publié la veille de l’éditorial du Post, la sénatrice Elizabeth Warren a présenté essentiellement le même argument nationaliste. Dans un article paru dans Foreign Affairs, Warren a mis au pilori les décideurs politiques qui « préconisaient l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce malgré ses pratiques commerciales déloyales ».

Elle ajoute : « Et qu’est-ce que cela nous a apporté ? Les décideurs politiques ont promis que l’ouverture des marchés conduirait à des sociétés ouvertes. Au lieu de cela, les efforts pour amener le capitalisme sur la scène mondiale ont involontairement contribué à créer les conditions pour que les concurrents se lèvent et se déchaînent. La Russie est devenue belliqueuse et revient sur le devant de la scène. La Chine a militarisé son économie sans jamais assouplir ses contraintes politiques intérieures. La foi des autres pays dans le capitalisme et la démocratie s’est érodée. »

En d’autres termes, Warren tourne ouvertement le dos aux politiques de « libre marché » de la période précédente et, sans mentionner le mot « protectionnisme », défend les idées nationalistes de droite incarnées par Donald Trump. En fait, sa seule vraie critique de la politique chinoise de Trump est qu’il n’en fait pas assez pour mettre fin à la « malfaisance économique chinoise ».

Le lendemain de la publication par Foreign Affairs de l’article de Warren, David Leonhardt, chroniqueur au New York Times, a lancé un appel encore plus direct aux Démocrates pour qu’ils adoptent la démagogie anti-Chine de Trump.

« Je pense que le message politique des Démocrates a souffert de l’absence d’un antagoniste clair », écrit-il. « La Chine est un tel antagoniste. Non, les Américains ne devraient pas diaboliser la Chine d’une manière ou d’une autre à la manière de la guerre froide ou avec xénophobie. Mais la Chine est devenue la concurrente principale de ce pays. »

L’insistance de Leonhardt sur le fait qu’une nouvelle campagne nationaliste pour diaboliser la Chine ne serait pas « xénophobe » est aussi malhonnête que stupide. La xénophobie accompagne toujours le nationalisme, et le racisme anti-chinois a une longue et profonde histoire en Amérique.

La campagne de Trump contre la Chine a déjà entraîné des restrictions draconiennes sur les visas pour les étudiants chinois, tandis que le directeur du FBI, Christopher Wray, a qualifié les « professeurs, scientifiques [et] étudiants chinois » de « consommateurs non traditionnels », c’est-à-dire d’espions.

En fin de compte, une telle démagogie nationaliste et une telle guerre commerciale ne peuvent conduire qu’à des conflits militaires. Et cela aussi fait l’objet de discussions de plus en plus ouvertes. Dans un éditorial du Washington Post intitulé : « Pourquoi l’Amérique a besoin d’ogives nucléaires à faible puissance maintenant », Michael Morell, ancien directeur de la CIA, a plaidé pour la création d’une nouvelle catégorie d’armes nucléaires plus susceptibles d’être utilisées au combat.

Au milieu d’une « grande compétition de puissance avec la Russie et la Chine », les États-Unis « doivent combler le déficit de crédibilité », déclare-t-il. « Nous devons faire savoir aux Russes qu’il y aura des conséquences inacceptables si jamais ils utilisent » des armes nucléaires. Il ajoute : « Les Russes pensent qu’il est peu probable que nous risquions une guerre thermonucléaire mondiale en réponse à une attaque nucléaire “tactique” de leur part ». Il faut d’abord et avant tout démontrer que les États-Unis sont prêts à utiliser des armes nucléaires.

Cela, écrit-il, est nécessaire pour assurer la « survie » de l’Amérique.

Dans ce contexte, certains membres de la Maison-Blanche ont fait une retraite tactique sur la guerre commerciale américaine contre la Chine au G20. Dans un article paru dans Foreign Affairs, Ely Ratner, ancien conseiller adjoint du vice-président américain, Joe Biden, en matière de sécurité nationale, a clairement indiqué qu’un tel accord ne serait qu’une pause pour se regrouper en prévision d’un combat beaucoup plus important.

« Tout accord en Argentine constituera au mieux une pause tactique, offrant un soulagement à court terme aux marchés boursiers agités et aux agriculteurs américains en difficulté, mais n’ayant aucun effet matériel ou durable sur le glissement vers une concurrence géopolitique à enjeux élevés entre les États-Unis et la Chine. L’époque où les deux plus grandes économies du monde pouvaient se rencontrer à mi-chemin est révolue. »

Peut-être plus encore que contre la Russie, les États-Unis sont sur une trajectoire de collision avec la Chine. Il est impossible pour la Chine d’accepter les exigences énoncées le mois dernier par le vice-président Mike Pence, à savoir que la Chine mette effectivement fin à son développement économique. Le conflit sur la domination économique mondiale qui a éclaté dans une guerre commerciale féroce ne peut que s’intensifier.

De plus, la croissance de l’opposition populaire à l’ensemble de l’establishment politique, notamment sous la forme d’un sentiment anticapitaliste et les luttes croissantes de la classe ouvrière, rend la création d’un « antagoniste » extérieur par la promotion du nationalisme et de la guerre encore plus nécessaire pour la classe dirigeante américaine.

(Article paru d’abord en anglais le 1ᵉʳ décembre 2018)

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