Le syndicat Unifor met de l’avant ses positions nationalistes face à la fermeture de l’usine GM d’Oshawa

Après que General Motors ait annoncé la fermeture de cinq usines aux États-Unis et au Canada, dont l'usine d'assemblage d'Oshawa, en Ontario, le président d'Unifor, Jerry Dias, a rencontré mardi le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, dans le cadre de sa campagne frauduleuse de résistance. Le plan de restructuration de GM prévoit la suppression des 2.500 emplois de l'installation d'Oshawa et de 12.200 emplois supplémentaires dans la production et l’administration aux États-Unis.

Lors d'une conférence de presse tenue à la suite de sa rencontre avec Trudeau, Dias a déclaré qu'ils avaient discuté du sujet «tabou», à savoir les faibles coûts de production pour les constructeurs automobiles au Mexique. Dias a averti que si des tarifs punitifs n’étaient pas imposés sur les véhicules provenant du Mexique et entrant au Canada et aux États-Unis, cela pourrait être le début d’un désinvestissement total de GM, qui exploite également des usines à St. Catharines et Ingersoll, en Ontario, au Canada.

Dias avait déjà confirmé qu'il avait discuté de la fermeture des cinq usines avec le président du syndicat américain de l’auto (UAW, United Auto Workers), Gary Jones, et avait convenu que des «tarifs sérieux» devaient être imposés sur les exportations d'autos mexicaines. Jones, rompant rapidement sa prétendue solidarité avec Dias, a ensuite fait écho aux discours nationalistes du président américain Donald Trump en appelant les «consommateurs patriotes» à «dire non aux entreprises américaines qui préfèrent les travailleurs étrangers aux travailleurs américains». Jones n'a rien dit à propos de la fermeture d'Oshawa ou du fait que GM puisse trouver de la main-d’œuvre moins chère non seulement au Mexique mais aussi aux États-Unis en raison de décennies de concessions de la part de l’UAW, qui ont permis de réduire les coûts de main-d’œuvre en-dessous de ceux du Canada.

L’UAW et Unifor ont longtemps propagé le nationalisme réactionnaire pour diviser les travailleurs et justifier leur partenariat avec les entreprises de l’automobile. Les ennemis des travailleurs de l'auto américains et canadiens ne sont pas les travailleurs au Mexique, en Asie, en Europe ou ailleurs, mais les sociétés automobiles mondiales et les banques et institutions financières géantes qui attaquent les travailleurs du monde entier.

Pour sa part, selon Dias, Trudeau, qui a accepté l'annonce de la fermeture d'Oshawa comme un fait accompli, n'offrant que des prestations de chômage et des programmes de recyclage additionnels, a accepté de «se retrousser les manches et s'adresser à General Motors». Trudeau a indiqué qu’il avait parlé avec Trump plus tôt dans la journée pour explorer une stratégie binationale visant à limiter les investissements transnationaux des constructeurs automobiles au Mexique.

Dias et le parti libéral pro-patronal de Trudeau entretiennent des relations politiques étroites. Le président d'Unifor a agi en tant que conseiller de confiance du gouvernement libéral lors de la renégociation de l'ALENA plus tôt cette année. Faisant écho aux déclarations du gouvernement, Dias a salué le dévoilement du nouvel accord commercial Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), qui a consolidé le bloc commercial nord-américain contre la Chine, comme un «grand jour pour les Canadiens».

Lors de sa rencontre avec Dias et appréhendant des élections difficiles l'automne prochain, Trudeau avait hâte de se dissocier de la déclaration d'acceptation directe du premier ministre conservateur de l'Ontario, Doug Ford: «Ils (GM) sont partis. Ils en ont fini. Ils me l’ont dit sans ambages. Ils ne peuvent rien faire».

Il y a certainement beaucoup de choses que les travailleurs de l’automobile peuvent faire. Mais cela n’a rien à voir avec les fanfaronnades des dirigeants d’Unifor.

Lundi, en s'adressant aux travailleurs de GM à Oshawa, Dias a brandi une lettre de la direction de GM prétendant garantir une présence de la compagnie à Oshawa au moins jusqu'en 2020. GM, a-t-il déclaré, a manqué à ses obligations contractuelles en annonçant la fermeture de l'usine en décembre 2019.

Ce qu'il a omis de dire aux travailleurs, c'est qu'Unifor avait explicitement accepté dans le contrat de 2016 un libellé qui obligeait simplement la direction à donner un préavis en cas de «changement important» dans les opérations. Quoi qu’il en soit, Unifor et les constructeurs automobiles ont bien sûr introduit dans chaque contrat un libellé standard permettant à GM, Ford et Fiat Chrysler de modifier les niveaux d’emploi «selon les conditions du marché».

Les travailleurs de GM à Oshawa se souviendront de la réunion de ratification de leur «accord-cadre» de 2016. Lors de cette réunion, les travailleurs au sein de l'assistance, sceptiques quant aux promesses de «sécurité d’emploi» de Dias, ont exigé les détails sur les engagements de la compagnie à maintenir la production. Quand un travailleur persévérant a insisté sur cette question, Dias s'est écrié avec mépris: «Vous êtes un idiot», créant l'indignation du plus d'un millier de travailleurs présents.

Au cours de la réunion, les responsables d'Unifor n'ont pas mentionné les failles en matière de langage contractuel, ni dans la brochure sur les «faits saillants» qu'ils ont distribuée. Les travailleurs qui souhaitaient consulter l'intégralité du contrat avant de voter se sont vu refuser ce droit démocratique fondamental, conformément à la pratique habituelle d'Unifor. Après le passage serré d'un autre accord de concessions, Dias a déclaré: «L'engagement envers Oshawa est de plusieurs centaines de millions de dollars. Notre crainte d'une fermeture en 2019 est donc terminée. Les installations ont clairement un avenir prometteur».

Lors de sa rencontre télévisée avec les travailleurs lundi, Dias a menacé «qu'ils ne fermeraient pas notre foutue usine sans une lutte vigoureuse». Cette «lutte» n’a pas pris la forme d’un appel à des actions de grève après que des travailleurs aient déposé leurs outils lundi anticipant l’annonce de la fermeture. À la place, craignant que les événements échappent soudainement à leur contrôle et que les grèves spontanées ne deviennent des occupations d’usine, les représentants d’Unifor ont rapidement demandé aux travailleurs de cesser le piquetage et de retourner chez eux. Le président de l’usine d’Oshawa, Greg Moffat, a ensuite demandé aux travailleurs de retourner au travail mardi, en disant: «Nous allons au travail demain et vous allez construire les meilleurs véhicules que vous pouvez fabriquer».

Les travailleurs plus anciens d’Oshawa verront dans la posture du syndicat une manœuvre familière. Lors des réunions de ratification du contrat de GM récemment signé en 2008, le président du syndicat, Buzz Hargrove, avait affirmé que la vaste gamme de concessions accordées à la société avait «sauvé» des emplois dans le complexe d'Oshawa, en particulier dans l'usine de camions. Mais seulement quelques mois plus tard, GM a annoncé la fermeture de l’usine de camions, citant les «conditions du marché» qui avaient changé.

Hargrove, avec son lieutenant Dias à ses côtés, a simulé le choc et l'indignation provoqués par la fermeture, affirmant qu'il s'agissait d'une violation du contrat récemment signé. Hargrove a ensuite prononcé des discours enflammés, menaçant de fermer GM. Au lieu de cela, des responsables syndicaux ont organisé un blocus au siège du bureau de GM pour empêcher les membres de la direction de pénétrer dans le bâtiment, tout en réprimant toute action des travailleurs à l'intérieur de l'usine. Le «blocus» du bureau, conçu pour dissiper la résistance croissante des travailleurs et soutenir l'autorité du syndicat, s'est terminé comme il fallait s’y attendre sans résultat concret et l'usine de camions a été fermée à la mi-2009.

Pour que les travailleurs d'Oshawa et à toutes les usines automobiles ravagées par des contrats de concession, des mises à pied et des fermetures, puissent résister aux plans de GM, certaines leçons essentielles doivent être comprises.

Premièrement, une telle lutte ne peut être menée que dans une lutte acharnée contre Unifor et l'ensemble de la bureaucratie syndicale. Les travailleurs devraient élire des comités d'usine de la base, indépendants d'Unifor, afin de nouer des liens avec d’autres travailleurs de l’automobile du Canada et des États-Unis et préparer une action de grève pour bloquer les fermetures d'usines.

Dans des conditions où GM, une multinationale avec des plateformes dans 31 pays, réagit à la réduction des parts de marché en réorganisant les décisions d'investissement à l'échelle mondiale, les travailleurs doivent s'unir par-delà les frontières pour lutter contre les constructeurs automobiles mondiaux.

L’affirmation de GM qu'il possède le droit inaliénable de détruire des communautés entières et de fermer des usines à volonté, du fait de sa propriété privée d’usines automobiles, montre que seule une lutte politique guidée par un programme socialiste peut faire avancer la cause de la classe ouvrière.

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