L’appui s’accroît pour la réunion du 9 décembre à Detroit

Les travailleurs de l’automobile disent qu’il faut se battre pour mettre fin aux fermetures d’usines de GM et à la trahison de l’UAW

« J’ai un parent qui travaille à l’usine de Lordstown et il va perdre son emploi », a déclaré Pernell, un vétéran de l’usine d’emboutissage à Warren appartenant à Fiat Chrysler dans la banlieue de Detroit, aux journalistes du Bulletin des ouvriers d’automobile du World Socialist Web Site, samedi dernier. « Les travailleurs doivent comprendre ce que fait un constructeur automobile, les autres le feront aussi. On doit arrêter ça, ou on va tous être au chômage ».

La mobilisation se construit pour un rassemblement de masse à Detroit le dimanche 9 décembre à 14h00 pour s’opposer au projet de General Motors de fermer trois grandes usines d’assemblage à Detroit, Lordstown (Ohio) et Oshawa (Ontario) et d’éliminer plus de 14 000 emplois ouvriers, employés, voire cadres d’ici un an. Le géant de l’automobile a également annoncé la fermeture des usines de transmission de Baltimore (Maryland), de Warren, en face de l’usine d’emboutissage Fiat Chrysler (FCA), et de deux autres usines, encore non identifiées, à l’extérieur de l’Amérique du Nord. Des emplois seront également supprimés dans une usine de GM à Brownstown, au Michigan.

Plus d’un millier de bulletins d’information sur la réunion ont été distribués par les partisans du Parti de l’égalité socialiste (SEP) et de son mouvement de jeunesse, l’International Youth and Students for Social Equality (IYSSE), dans les usines GM, Ford et FCA dans la région de Detroit au cours du week-end. Des travailleurs de l’automobile de Lordstown, Kokomo, Indiana et d’autres endroits prévoient se rendre à Detroit pour la réunion de dimanche.

Les militants ont expliqué que le SEP appelle aux travailleurs à former des comités d’usine de la base, indépendants du syndicat des Travailleurs unis de l’automobile (UAW), pour relier les travailleurs de l’automobile et des sections plus larges de travailleurs afin de lutter contre les fermetures d’usines et prévenir la dévastation supplémentaire de leurs communautés. Le droit à un emploi bien rémunéré et sûr, disaient-ils aux travailleurs, devrait être « non négociable ». La réunion de dimanche discutera d’une stratégie pour mobiliser la classe ouvrière pour combattre les fermetures et s’opposer à toutes les demandes de concessions.

Militants faisant la campagne à l’usine de Warren

« Je suis tout à fait favorable à ce que les travailleurs se rassemblent, indépendamment du syndicat, pour lutter contre les fermetures de GM », a déclaré Tanya, une autre travailleuse de l’usine de Warren. « Ces fermetures d’usines ne sont pas justes. C’est une question de cupidité. Le syndicat nous a vendu il y a longtemps. [Ancien Vice-Président de l’UAW], General Holiefield est venu ici il y a quelques années, alors que nous nous opposions à l’horaire de travail de dix heures par jour afin de nous le faire avaler. J’ai su alors qu’il avait été acheté, bien avant que ce scandale de corruption n’éclate ».

La fermeture de l’usine d’assemblage Detroit-Hamtramck, qui a déjà éliminé un quart de travail en mars 2017, éliminant 1200 emplois, aurait un effet particulièrement dévastateur. Selon un rapport de Haven Life Insurance, cité par le Detroit Free Press, Detroit a le pourcentage le plus élevé de ménages dirigés par un seul parent aux États-Unis. De nombreux travailleurs de l’automobile sont des mères qui élèvent leurs enfants, la plupart avec un seul revenu, et la perte d’un emploi plongerait la famille dans la misère.

Détroit arrive en tête du classement des 25 villes les plus peuplées des États-Unis, avec près de 72 pour cent des familles monoparentales – 59,2 pour cent dirigées par une mère seule, 12,3 pour cent par un père seul – soit plus du double du pourcentage pour l’ensemble des États-Unis. Les travailleurs monoparentaux de l’automobile auraient aussi le plus de difficulté à déraciner leurs enfants et à déménager si GM leur disait d’accepter un emploi à presque 2000 kilomètres de chez eux à Arlington, au Texas.

Au-delà de plus de 6000 travailleurs horaires qui perdent leur emploi au Michigan, en Ohio, au Maryland et en Ontario, GM met à pied plus de 8000 ingénieurs, concepteurs et autres cadres et employés par des « départs volontaires à la retraite » voire des licenciements. Presque tous se trouveront dans la région métropolitaine de Detroit, en grande partie au centre technique de GM à Warren. On s’attend à ce que Ford annonce bientôt d’autres compressions semblables dans le secteur des employés de bureau ; même si les compressions de Ford sont deux fois moins importantes, les compressions d’emplois dans la région métropolitaine de Detroit s’en rapprocheront pendant la crise financière d’il y a dix ans, lorsque la région métropolitaine a perdu 14.450 emplois en gestion et ingénierie.

Dans un article intitulé samedi : « Les travailleurs salariés, attention ! Les coupures de GM sont un avertissement pour tous », écrit le Washington Post, « le chemin fiable vers la prospérité d’autrefois » de l’obtention d’un diplôme universitaire et d’un emploi salarié qualifié « semble être en train de disparaître ». L’annonce de GM « a été une mise en garde humiliante contre le fait qu’en cette ère de changements technologiques rapides et perturbateurs, ceux qui ont fait des études collégiales ne sont pas nécessairement à l’abri du genre de mises à pied que les travailleurs d’usine ne connaissent que trop bien. »

Ivan Drury, directeur principal de l’analyse de l’industrie chez Edmunds, a déclaré que les travailleurs devraient s’attendre à d’autres réductions d’emplois et éliminations de quarts de travail l’an prochain. « Il y a certainement plus à venir, mais cela dépend de l’endroit où GM place ses paris pour l’avenir ». D’autres réductions « sont possibles jusqu’à ce que le plan complet soit établi », a déclaré Drury. En plus des 14 000 suppressions d’emplois, on estime que 35 000 emplois supplémentaires dans les usines de fournisseurs et les industries de services seront supprimés.

Les fermetures d’usines sont également un coup de pouce pour 140 000 travailleurs de GM, Ford et la FCA qui sont déterminés à récupérer les revenus perdus et à lutter pour obtenir des améliorations substantielles lorsque leurs conventions collectives de quatre ans expireront cet été. La publication de l’industrie Automotive News s’est vantée la semaine dernière que GM était en train de « changer le récit des membres qui voulaient plus de choses vers potentiellement de juste vouloir sauver leurs emplois et des usines ».

Loin de s’opposer aux fermetures d’usines, l’UAW ont clairement indiqué qu’ils aideraient l’entreprise à dresser les travailleurs de Detroit et de Lordstown les uns contre les autres dans une lutte fratricide pour savoir quelle usine fermera et laquelle restera ouverte. Dans des commentaires au Detroit Free Press lors d’une veillée aux chandelles devant l’usine de Lordstown, le président de l’UAW 1112, David Green, a déclaré : « Je suis convaincu que Lordstown obtiendra un nouveau produit parce que nous avons les meilleurs travailleurs et la meilleure usine au monde. Nous l’avons démontré, et nous avons fait preuve de souplesse pour travailler avec la société ».

L’usine de Lordstown

Dans les jours qui ont suivi l’annonce de la suppression d’un quart de travail complet et de 1500 emplois à l’usine de Lordstown au printemps dernier, GM a annoncé que sa filiale, connue sous le nom de Lordstown GM Subsystems Manufacturing LLC, embaucherait des travailleurs temporaires à faible rémunération en vertu d’une entente signée par l’UAW dans le dos des travailleurs de base. Green a déclaré au Free Press que la décision était « impopulaire », mais qu’elle permettait à l’usine de continuer à fonctionner.

Comme toutes les autres concessions cédées par l’UAW au cours des quatre dernières décennies au nom de la « sécurité de l’emploi », celle-ci a eu le même résultat. Les travailleurs ont perdu leur salaire, leurs prestations de santé, leurs pensions et leurs droits fondamentaux, et pas un seul emploi n’a été sauvé. Au lieu de cela, des milliards de profit ont été versés sur les comptes bancaires des dirigeants d’entreprises et des spéculateurs de Wall Street, tandis qu’une partie substantielle a été versée aux dirigeants de l’UAW sous la forme de paiements aux centres de formation conjoints patronaux-syndicaux et d’autres pots-de-vin.

En même temps, l’UAW se joint au président Donald Trump et aux démocrates de l’Ohio et du Michigan pour mettre en cause les travailleurs du Mexique et d’autres pays pour les licenciements afin de creuser un fossé entre les travailleurs américains et leurs frères et sœurs de classe dans le monde. Dans une déclaration vidéo du président de l’UAW, Gary Jones, qui n’a même pas pris la peine de mentionner la menace de fermeture de l’usine d’Oshawa de l’autre côté de la frontière au Canada, Jones a dénoncé GM pour avoir produit des voitures en Chine, au Mexique et en Pologne.

Un employé de GM de l’usine de Delta Township près de Lansing, au Michigan, a déclaré au WSWS : « GM exploite des travailleurs aux États-Unis et dans le monde entier, y compris au Mexique, où ils paient des salaires de clopinettes. Nous tous – les États-Unis, le Canada et le Mexique – nous devrions être sur la même longueur d’onde et nous battre ensemble ».

« Les travailleurs de l’usine pensent que GM a fait cette annonce pour déclencher la panique et essayer de forcer plus de travailleurs plus âgés et mieux payés à prendre une prime pour quitter leur emploi tel que les travailleurs salariés, afin qu’ils puissent les remplacer par des travailleurs moins bien payés, de second rang et temporaires. L’entreprise réalise des profits records, et ce, depuis huit ans ».

« Notre usine fonctionne 9 heures par jour, avec des semaines de six jours, deux fois par mois. Ils ont simplement forcé tous les travailleurs temporaires à travailler le dimanche et ils n’ont pas droit au tarif double parce qu’ils ne travaillent que quatre jours par semaine. Nous avons à peine assez de travailleurs pour suivre la vitesse de la ligne et ils n’ont pas l’intention de reprendre le troisième quart. En ce qui concerne la gestion, ils nous disent que c’est la nouvelle norme, et qu’ils doivent s’y habituer ».

« À quoi sert l’UAW, il permet à GM de faire ce qu’il veut. C’est comme si vous n’aviez pas de syndicat et que vous faisiez face à l’entreprise par vous-même. Ils parlent toujours de “collaboration” avec l’entreprise. Mais ce que l’UAW dit en réalité, c’est « à prendre ou à laisser » et « soyez reconnaissants d’avoir un emploi ». »

« L’UAW ne défend pas nos intérêts. Ils contrôlent des milliards de dollars en actions GM et les dirigeants de l’UAW viennent de se donner une augmentation de 31 pour cent. Ils ont augmenté nos cotisations syndicales il y a quatre ans et ont dit que c’était pour constituer le fonds de grève, mais ils n’ont pas déclenché une grève. Au lieu de le rendre aux ouvriers, ils le dépensent à Las Vegas et à Palm Beach ».

(Article paru d’abord en anglais le 3 décembre 2018)

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