La police et les tribunaux appliquent la loi de Trudeau qui criminalise la grève à Postes Canada

La police et les tribunaux travaillent main dans la main avec Postes Canada pour faire appliquer la loi réactionnaire que Justin Trudeau et son gouvernement libéral ont adoptée la semaine dernière et qui rend illégales les mesures prises par les 50.000 facteurs, trieurs de courrier, chauffeurs de camion de livraison et commis postaux de la société d'État.

En fait, ils ont effectivement étendu la loi antigrève pour en faire une interdiction légale de toute manifestation qui entrave les activités de Postes Canada.

Six manifestants pacifiques ont été arrêtés dimanche soir pour avoir fait du piquetage devant une installation de Postes Canada à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Les rapports indiquent que la police a agi de façon extrêmement provocatrice à l'extérieur du poste de tri de la rue Almon, où un petit groupe de manifestants avait installé une ligne de piquetage pour empêcher les véhicules de livraison du courrier d'entrer dans l'établissement.

La police a déclaré que la manifestation constituait une «menace grave pour la sécurité publique» et a ordonné aux participants de dégager la route, même si les manifestants n'avaient utilisé aucune force physique ou menace d'aucune sorte pour bloquer les camions postaux. Ceux qui n'ont pas respecté l'ordre de la police ont été arrêtés et font maintenant face à des accusations criminelles de méfait et d'entrave à un agent de police.

Plus tôt cette semaine, Postes Canada s'est adressée aux tribunaux de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique et a obtenu des injonctions interdisant à quiconque d'entraver ou d'empêcher des véhicules ou des personnes d'entrer ou de sortir de ses installations. «Nous avons demandé l'aide de la police et nous examinons toutes les options légales disponibles», a déclaré Postes Canada dans un communiqué de presse samedi.

La manifestation d'Halifax faisait partie d'une série d’acrobaties organisées par des «alliés» du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) – c'est-à-dire par le Congrès du travail du Canada, ses affiliés et des sections de pseudo-gauche – pour dissimuler l'abjecte capitulation des syndicats devant la loi draconienne du retour au travail des libéraux. Étiquetés de piquets de grève communautaires, toutes les manifestations ont été relativement petites, la plupart étant composées d'une poignée de fonctionnaires syndicaux.

Pour des raisons juridiques, le STTP ne commandite pas officiellement ces manifestations, lesquelles se sont tenues à plusieurs endroits. Dans les stations de tri postal qui ont «bloqué» les camions postaux, il n'y avait pas de postiers et les manifestations n’ont pas duré plus de deux ou trois heures.

Malgré le caractère édenté des protestations, la direction de Postes Canada les a qualifiées de «protestations illégales» de façon provocatrice et a obtenu le soutien des tribunaux pour les criminaliser et les réprimer.

Cette nouvelle escalade de l'assaut de l'État contre les postiers ne fait que souligner que les postiers et la classe ouvrière dans son ensemble doivent mener une lutte politique.

Dans leur lutte contre la précarité de l'emploi, les salaires à deux niveaux, les conditions de travail dangereuses, la baisse des salaires réels, les postiers ne s'opposent pas seulement à un employeur impitoyable, déterminé à faire des profits plus importants. Ils contestent la stratégie de classe de toute la classe dirigeante et, par conséquent, de ses mercenaires politiques au sein du gouvernement libéral. Tous sont déterminés à faire payer la classe ouvrière pour la crise capitaliste par la destruction des services publics et des droits sociaux des travailleurs.

La grande entreprise a exigé l'illégalisation de la campagne de cinq semaines de grèves tournantes des postiers, pas seulement parce qu'elle voulait profiter de la ruée vers les achats en ligne de Noël. Elle craignait, tout comme le gouvernement libéral et l'ensemble de l'establishment politique, que la lutte des postiers ne déclenche une mobilisation beaucoup plus large des travailleurs.

Les questions qui ont suscité un vote quasi unanime en faveur de la grève des postiers en septembre – une vaste expansion des emplois «flexibles», à temps partiel et précaires, la réduction des pensions, des décennies de stagnation salariale et une intensification considérable de la charge de travail due aux changements technologiques – ne sont pas seulement des problèmes pour les travailleurs des postes. La grande majorité des travailleurs des secteurs public et privé, au Canada et ailleurs dans le monde, font face à des conditions semblables.

La même semaine où la grève des postiers a été interdite, le constructeur automobile General Motors a annoncé la suppression de 14.500 emplois en Amérique du Nord, y compris la fermeture de son usine d'Oshawa, en Ontario. Pendant ce temps, en France, le mouvement des «gilets jaunes», poussé par l'opposition à l'aggravation des inégalités sociales et le programme d'austérité du gouvernement Macron, a continué de s'amplifier malgré une répression brutale de l'État.

L'attaque contre les travailleurs postaux menée par le gouvernement libéral, maintenant rejoint par les tribunaux et la police, a été rendue possible principalement en raison de l'impuissance et de la complicité du STTP et de ses «alliés».

Catégoriquement opposé à faire de la lutte des postiers le fer de lance d'une contre-offensive politique et industrielle contre les politiques d'austérité de l'élite dirigeante, le STTP s'est dès le début systématiquement employé à isoler et démobiliser les postiers.

Bien qu'armé d'un mandat de grève écrasant, le président du STTP, Mike Palecek, a refusé de déclencher une grève à l'échelle nationale. Il a plutôt limité les postiers à une campagne de grèves tournantes régionales, dont il a lui-même reconnu qu'elles visaient à avoir le moins d'impact possible sur les activités commerciales de Postes Canada.

Plus fondamentalement, Palecek et toute la bureaucratie du STTP ont gardé le silence sur la menace du gouvernement Trudeau d'interdire la grève, bien qu'il était évident que Postes Canada comptait sur l'intervention du gouvernement pour faire respecter ses attaques, comme elle le fait depuis des décennies. Même après que Trudeau eut annoncé publiquement qu'une telle loi était en préparation, Palecek et le STTP ont continué d'éviter la question pendant une autre semaine et demie.

C'est parce que les bureaucrates du STTP craignaient que toute discussion sur l'affrontement imminent entre les travailleurs des postes et le gouvernement aurait démontré la nécessité d'élargir la lutte, de rallier le soutien de la classe ouvrière et de transformer la grève en une lutte politique ouvrière contre le gouvernement libéral et la grande entreprise en son ensemble.

Le STTP a poursuivi cette stratégie désastreuse parce que, comme le CTC et le reste de la bureaucratie syndicale, il entretient des liens politiques étroits avec les libéraux et l'establishment tout entier, y compris le Nouveau Parti démocratique pro-capitaliste, et est terrifié à l'idée de l’éruption d’une véritable contestation de la classe ouvrière à l'austérité capitaliste.

Palecek a appuyé l'élection de Trudeau en 2015 sur la base qu'il représentait une alternative «progressiste» aux conservateurs de Stephen Harper. Il s'est opposé à toute action syndicale pendant le conflit contractuel de 2016, affirmant que rien ne devrait permettre de «perturber» le travail d'un groupe de travail nommé par les libéraux pour étudier l'avenir de la poste. Comme on pouvait s'y attendre, ce groupe de travail s'est aligné derrière les exigences de la direction de Postes Canada. Et même pendant que les libéraux faisaient adopter à toute vapeur leur loi anti-grève par le Parlement, Palecek et le STTP ont continué de les supplier de tenir leurs fausses promesses «progressistes», sans lancer un seul appel à la classe ouvrière pour obtenir son soutien.

Après avoir ordonné aux travailleurs de retourner au travail sans qu'une seule question n'ait été résolue, M. Palecek a proclamé que la lutte entrait dans une «nouvelle phase» et que le syndicat contesterait devant les tribunaux la décision des libéraux de déclarer la grève illégale. Ce sont les mêmes tribunaux qui ont maintenu à maintes reprises les lois anti-travailleurs – de telle sorte que le droit de grève est presque devenu une fiction juridique – et qui ont maintenant criminalisé même les «piquets de grève communautaires» symboliques organisés par les alliés du STTP.

Les événements récents démontrent la justesse de la position prise par le World Socialist Web Site depuis le début du conflit à Postes Canada, à savoir que si les travailleurs veulent réaliser leurs justes revendications, ils doivent élargir leur lutte et la transformer d'un conflit de négociation collective à une lutte politique de la classe ouvrière.

Cela exige une rupture politique et organisationnelle avec le STTP. Sur tous les lieux de travail, les postiers devraient former des comités d'action pour préparer une grève nationale défiant la loi anti-grève des libéraux et relancer leur lutte dans le cadre d'une contre-offensive ouvrière visant à défendre tous les services publics et les droits sociaux et démocratiques des travailleurs, y compris le droit de grève.

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