Les «gilets jaunes» bravent la répression et des interpellations en masse

Hier, pour le quatrième samedi de suite, les «gilets jaunes» ont manifesté à travers la France contre le gouvernement Macron. Les tentatives de Macron de mettre fin au mouvement en repoussant la hausse des taxes qui avait provoqué le mouvement, puis en l’annulant carrément, n’a pas satisfait les «gilets jaunes». Leurs principales revendications, en faveur de l’égalité sociale et contre le militarisme et la dictature, soulignent que c’est un mouvement qui s’oriente vers une défense des intérêts ouvriers à une échelle non seulement française mais aussi internationale.

Le mouvement a paralysé la France et de larges sections de la Belgique. Selon le ministre de l'Intérieur, 125.000 manifestants «gilets jaunes» s’étaient mobilisés en France. La plupart des commerces étaient fermés dans les grandes villes où les «gilets jaunes» organisaient des manifestations. Vinci a rapporté dans la soirée «de fortes perturbations» et des «opérations de filtrage» sur plus d’une vingtaine d’autoroutes de son réseau, la circulation étant parfois perturbée par des rassemblements de «gilets jaunes».

Des manifestations se sont déroulées dans de nombreuses villes y compris Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Saint-Etienne, Perpignan, Marseille, Avignon, Nantes, Brest, Quimper, Lille et Rennes.

En Belgique, hier, on a arrêté environ 400 personnes à Bruxelles pendant un rassemblement de «gilets jaunes» qui a réuni un millier de manifestants. C'est la deuxième mobilisation dans la capitale belge. Des gens ont manifesté contre la hausse du prix du carburant et la hausse du coût de la vie. Ils exigent également la démission du Premier ministre, Charles Michel.

Plusieurs barrages et points de tension ont également été signalés en province en Belgique. «Il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres», a déclaré une infirmière, gilet jaune, à la presse.

En France le gouvernement, qui avait lancé contre les manifestants qui se déplaçaient à Paris des accusations hystériques selon lesquelles ils cherchaient à massacrer les forces de l’ordre, a réprimé avec férocité les manifestations des «gilets jaunes» dans plusieurs villes. Le gouvernement a presque triplé le nombre d’arrestations.

Il y a eu 1.385 interpellations sur tout le territoire, un niveau exceptionnel en France que le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner lui-même a traité d’ «exceptionnel»; à Paris, la préfecture de police annonçait hier soir qu’il y avait eu 920 interpellations, dont 619 gardes à vue.

De nombreux affrontements et incidents entre manifestants et forces de l’ordre ont éclaté dans les principales grandes villes de France dont Paris, Bordeaux, Lyon et Toulouse. Les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes et des flash-ball pour disperser les manifestants, et plus d’une centaine de manifestants ont été blessés suite aux tirs de lacrymogènes et de flash-ball. Les forces de l’ordre ont dirigé des blindés et des lances à eau sur les manifestants à Paris ainsi que sur le Vieux-Port à Marseille.

A Paris, les forces de l’ordre ont procédé avec une agressivité extraordinaire. Afin de disperser les manifestants très tôt dans la journée, avant qu’ils ne puissent former une masse compacte et plus puissante, la police a chargé des manifestants pacifiques dès le début de la manifestation. Elle a pris en nasse les manifestants sur les Champs-Elysées et organisé de nombreuses souricières autour de manifestants pacifiques ailleurs en ville, repoussant les manifestants et les dispersant à l’aide de blindés ainsi que de forces mobiles de la gendarmerie, dont une brigade à cheval.

A Paris, l’équipe de reporters du WSWS a interviewé plusieurs personnes. Sylvie, de l'Oise a dit: «Chaque fois qu'il y a eu des mécontentements, c'est parce que les gens n'arrivent plus à subvenir à leurs besoins. Il n'y a plus de droite, il n'y a plus de gauche, les syndicats aussi nous ont mené en bateau. On représente le peuple. On a le droit de vivre de façon décente, on a le droit d'être respecté par ceux qui sont censés nous représenter.»

Elle a ajouté: «C'est ce qu'on dénonce aussi, les 1 pour cent qui profitent des 99 pour cent; on veut que ça s'arrête. En fait, ce sont eux qui nous taxent, ce sont eux qui détiennent les richesses. C'est de l'esclavage moderne.»

Stéphane a déclaré: «Macron a montré très clairement où il va quand il a éliminé l’Impôt sur la fortune et réduit de 5 euros par moi l’Aide pour le logement. Est-ce ça la démocratie? Non, pour l’heure nous sommes dans une dictature financière. Et j’espère qu’elle ne deviendra pas une dictature militaire.»

Peu après avoir été gazée, la femme d’un cheminot a déclaré au WSWS: «Monsieur Macron nous traite avec mépris. On est nassé, ils nous envoient à droite, à gauche, on est gazé.» Elle a souligné que Macron n’a plus aucune légitimité politique. «On ne peut même plus manifester pacifiquement, les forces de l’ordre nous chargent et nous tirent des lacrymogènes. J’espère que le peuple se soulèvera. Excusez-moi, mais est-ce une façon de traiter le peuple, avec du gaz lacrymogène?»

Le gouvernement a indiqué à nouveau qu’en fait il compte fouler aux pieds les revendications des «gilets jaunes» et continuer la politique d’austérité que rejettent la vaste majorité des Français.

Lors d’une très brève conférence de presse en soirée, le Premier ministre Edouard Philippe a souligné qu’il n’y aurait aucun changement de politique: «la vigilance et la mobilisation restaient de mise, car des casseurs sont toujours à l’œuvre à Paris et dans certaines villes de province (…) Nous avions, pour faire face à cette journée, conçu un plan exceptionnel, par l’ampleur de la mobilisation des forces de l’ordre, et un dispositif axé sur leur mobilité permanente.»

«Il faut retisser l’unité nationale, par le dialogue, par le travail, par le rassemblement. Le président de la République s’exprimera et proposera (…) des mesures qui permettront à la nation française de se retrouver», a-t-il ajouté.

La colère qui monte parmi les travailleurs et les jeunes face à l’intransigeance officielle évolue vers une confrontation ouverte entre la classe ouvrière et le gouvernement, et une grève générale. Le principal avantage dont dispose le gouvernement, c’est que pour le moment dans cette situation explosive, de larges masses de travailleurs ne voient pas clairement une perspective révolutionnaire. Alors qu’ils cherchent à lutter contre le gouvernement, ils sont confrontés au soutien qu’accordent à Macron les partis petit-bourgeois qui depuis des décennies se font passer pour la «gauche».

Jean-Luc Mélenchon appelle à présent au respect des forces de l’ordre. «Ne vous trompez jamais d’adversaire. Le maniement des forces de police n’est pas l’affaire des policiers. C’est l’affaire des politiques qui donnent les ordres. Le devoir des forces de police est de servir et d’obéir. Et les ordres sont politiques», a tweeté le chef de file de la France insoumise (LFI). Cette politique suscite de plus en plus d’hostilité et de méfiance des «gilets jaunes» envers LFI.

Samedi, des «gilets jaunes» de Flixecourt ont annoncé qu’au nom de «l’indépendance politique», ils prendraient leurs distances avec le député LFI François Ruffin, qui s’était affiché à leur côté. Ruffin avait assuré vouloir servir de «passerelle» entre le mouvement et le gouvernement. Mais cette proposition a buté sur l’hostilité des «gilets jaunes» contre les appareils syndicaux et leurs alliés politiques tels que LFI.

François Ruffin «nous apportait un soutien très honnête, mais nous ne souhaitions pas être récupérés médiatiquement et politiquement. Nous revendiquons une totale indépendance politique même si, bien sûr, nous avons tous une couleur politique», a déclaré Christophe Ledoux, un des responsables du mouvement dans la ville.

Ceci souligne la nécessité de la construction de comités d’action, indépendants des appareils syndicaux pour permettre aux travailleurs en lutte de coordonner leurs actions, et d’une avant-garde marxiste permettant aux travailleurs d’identifier et de déjouer les tentatives des milieux officiels de récupérer et d’étrangler leurs luttes.

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