Les usines européennes de GM et Ford menacées de licenciements massifs

Partout dans le monde, les travailleurs de l’automobile sont face à des suppressions d’emplois et à des attaques dramatiques. Alors que General Motors (GM) a annoncé la fermeture de cinq usines aux États-Unis et au Canada, avec près de 15 000 mises à pied de travailleurs horaires et salariés, Ford prépare également d’importantes réductions d’emplois.

Un analyste de la banque Morgan Stanley de Wall Street a récemment déclaré aux investisseurs qu’il s’attendait à ce que Ford supprime au moins 25 000 emplois dans le monde, la plus grande partie de son « programme fitness » de 10 milliards d’euros visant l’Europe. En septembre, la direction de Ford à Dearborn, au Michigan et à Cologne, en Allemagne, a indiqué qu’elle allait supprimer jusqu’à 24 000 emplois dans les usines européennes de Ford.

Avec l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des travailleurs de l’automobile, le silence du syndicat IG Metall et de ses comités d’entreprise en Allemagne a été assourdissant. Ni à Cologne ni à Saarlouis, les responsables d’IGM n’ont averti les travailleurs de la restructuration radicale qui allait les frapper, et encore moins préparé les travailleurs à l’action syndicale pour y résister. Au contraire, les syndicats et les comités d’entreprise travaillent à huis clos avec la direction pour élaborer des plans visant à rétablir la rentabilité et à préserver le rendement des actionnaires aux dépens des travailleurs.

Dans toute l’Europe, Ford a déjà annoncé des réductions en France et au Royaume-Uni. Le 8 novembre, Ford UK a annoncé la fermeture de son siège social à Brentwood, le centre de ses opérations britanniques depuis 50 ans, ce qui a entraîné la suppression de 1700 emplois. D’ici fin septembre 2019, toutes les activités britanniques seront concentrées chez Ford Dagenham et Ford Dunton à Basildon.

En France, Ford prévoit de fermer son usine de Blanquefort près de Bordeaux d’ici la fin de l’année prochaine, supprimant ainsi l’emploi d’environ 900 travailleurs. L’opposition à la fermeture se fait de plus en plus vive, avec la participation de centaines de travailleurs de Ford Blanquefort aux récentes manifestations de gilets jaunes dans le centre de Bordeaux.

Jusqu’à présent, peu d’informations ont été rendues publiques concernant l’avenir des usines allemandes, mais il y a des signes clairs que des suppressions d’emplois sont imminentes. A Cologne, 18 500 ouvriers produisent encore la Ford Fiesta et à Saarlouis, environ 6000 produisent la nouvelle Ford Focus. Toutefois, les contrats de 300 travailleurs temporaires ont été résiliés à Cologne et 60 autres devraient perdre leur emploi d’ici la fin de l’année. Le chômage partiel est imminent pour 2019, et même aujourd’hui, surtout à Saarlouis, des journées sans production ont été imposées à plusieurs reprises.

En même temps, Ford investit 200 millions d’euros à Craiova, en Roumanie, pour y faire construire un autre modèle. Le nombre de travailleurs de Ford en Roumanie doit être augmenté de 1500 à 6000. Les travailleurs y souffrent de conditions de travail esclavagistes et certains d’entre eux n’ont qu’un salaire de seulement 300 euros. Il y a un an, en décembre 2017, 4000 employés de Craiova ont tenté d’empêcher l’imposition d’une nouvelle convention collective soutenue par le syndicat en menant des actions et débrayages. Depuis lors, les primes d’heures supplémentaires ont été réduites et les travailleurs ont été forcés d’accepter de nouveaux horaires « flexibles ».

Les attaques imminentes contre les travailleurs de Ford s’inscrivent dans le cadre d’un nouveau cycle de restructuration de l’industrie automobile mondiale qui touchera également Opel et Volkswagen en Allemagne. Depuis la reprise par PSA (le conglomérat français qui produit des véhicules Peugeot et Citroën), des réductions et des attaques ont été mises en œuvre progressivement chez Opel. Comme l’a fait remarquer Ferdinand Dudenhöffer, analyste de l’industrie, le conseil d’administration et les syndicats d’Opel ont « délibérément omis de tout révèler d’un coup » car « on aurait eu peur de provoquer une grève ou une révolution ».

Le mois dernier, des centaines de travailleurs britanniques ont débrayé à l’usine d’Ellesmere Port, près de Liverpool, où sont fabriqués les modèles Vauxhall et Opel Astra, après avoir été informés par les délégués du syndicat Unite que 241 emplois seraient supprimés à la fin de l’année prochaine.

Les employés de Volkswagen ne sont pas à l’abri. VW envisage de construire davantage de voitures aux États-Unis pour éviter les contrôles douaniers et autres contrôles à l’importation. Le groupe VW envisage actuellement un partenariat avec Ford pour utiliser ses installations de production américaines. Les deux sociétés devraient faire une annonce importante au cours du mois de janvier.

Selon un rapport de CNBC télévision, intitulé « Ford et VW envisagent une alliance expansive susceptible de faire écho dans l’industrie automobile mondiale », les entreprises envisagent de partager des usines aux États-Unis et sur d’autres marchés et de « combiner les opérations de marketing et de distribution », avec Ford en tête aux États-Unis et VW dominant en Europe et en Chine.

Les deux entreprises peuvent également travailler ensemble dans d’autres domaines, comme le marché en plein essor des camions légers, qui est l’une des forces de Ford. « La collaboration la plus ambitieuse consisterait peut-être à voir Ford et Volkswagen s’associer pour développer des véhicules autonomes et électrifiés », note le rapport.

Un tel rapprochement, et la vague de fusions et d’acquisitions qui s’ensuivrait rapidement, menacerait l’emploi de centaines de milliers de travailleurs – tant de la production que des ingénieurs, des concepteurs, des spécialistes du marketing et autres employés – alors que les géants mondiaux de l’automobile cherchent à éliminer les « redondances » et à rendre encore plus d’argent accessible aux actionnaires riches.

Le développement des nouvelles technologies électriques, le scandale des émissions de diesel, le Brexit, la guerre commerciale et la crise économique générale – tous ces facteurs sont utilisés par les dirigeants et les responsables syndicaux pour justifier des attaques toujours plus brutales contre les travailleurs de l’automobile. Pour lutter, les travailleurs doivent construire de nouvelles organisations de lutte, indépendantes de l’IG Metall, du syndicat UAW et d’autres syndicats pro-capitalistes et nationalistes, et relier leurs luttes au-delà des frontières nationales.

Le début d’une nouvelle restructuration de l’industrie automobile mondiale pose la nécessité d’une alternative socialiste et internationale. Ce n’est que si les travailleurs s’unissent au niveau international et luttent pour exproprier et prendre le contrôle des industries qu’ils pourront défendre leurs droits et leurs emplois et utiliser les progrès technologiques et l’économie mondialisée au profit de toute la population travailleuse.

(Article paru en anglais le 12 décembre 2018)

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