Les manifestations au Portugal et en Catalogne se heurtent à la répression policière alors que les grèves se multiplient

Des milliers de policiers ont été mobilisés au Portugal et en Catalogne pour réprimer de manifestations sur la péninsule ibérique.

L’ampleur de la répression est dictée par les préoccupations croissantes dans les milieux dirigeants face à une vague de grèves et de mécontentement social.

Comme l’année touche à sa fin, le gouvernement du Parti socialiste (PS) portugais, appuyée par le Bloc de gauche de pseudo-gauche (BE) et le Parti communiste portugais (PCP), est assailli par de nombreuses grèves contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail. Les salaires des travailleurs du secteur public sont gelés depuis 10 ans et les progressions de carrière arrêtées.

Le ministre du Travail, José António Vieira da Silva, a reconnu que l’augmentation du nombre de grèves est due au fait que les gens « s’attendent désormais à une amélioration de leurs conditions de travail » après « une longue période de restrictions ». Vendredi, des manifestations relativement modestes, inspirées par le mouvement des Gilets jaunes en France, ont eu lieu dans les villes et villages à travers le pays, ce qui est une autre indication d’une recrudescence de la lutte de classe en dehors du contrôle de ces partis et des syndicats.

Depuis l’arrivée au pouvoir du PS d’Antonio Costa en 2015, le nombre de grèves a doublé. Cette année a vu 173 préavis de grèves dans le secteur public, contre 85 en 2015. Près de 50 préavis de grève ont été émis pour la période de Noël et la nouvelle année.

Depuis plus d’un an, le personnel infirmier est en grève et, depuis novembre, 5000 interventions chirurgicales ont été reportées ou annulées. En octobre, 2300 juges se sont mis en grève et des mouvements sociaux dans les bureaux de vente des billets du chemin de fer portugais ont perturbé le trafic ferroviaire. Des médecins et des employés de musées ont également organisé de grèves nationales au cours des derniers mois.

Les dockers de Setúbal ont commencé leurs grèves le 5 novembre pour protester contre le manque de sécurité d’emploi pour les travailleurs intérimaires et à temps partiel et contre les heures supplémentaires imposées dans les ports de Lisbonne, Sines, Figueira da Foz, Leixões, Caniçal (Madère), Ponta Delgada et Praia da Vitória (aux Açores). Les exportations ont été touchées. Cette semaine, les travailleurs de la compagnie pétrolière publique Galp se sont mis en grève pendant cinq jours pour protester contre « l’offensive de l’employeur » contre les conventions collectives, contre les bas salaires et contre la baisse du supplément de salaire pour les heures supplémentaires.

Les ouvriers des supermarchés et des grands magasins arrêtent le travail la veille de Noël pour protester contre « des salaires de misère ». Les employés du Trésor public ont appelé à une grève du 26 au 31 décembre pour exiger le dégel de leur progression de carrière. Les enseignants ont menacé de boycotter l’année scolaire 2019 pour la même raison. Des travailleurs de la Loterie nationale ont entamé une grève de la faim de deux semaines pour améliorer les conditions de travail. Les pompiers et les gardes-frontières envisagent également d’exprimer leur mécontentement.

La plupart des grèves ont été déclenchées par le syndicat de la CGTP, dirigé par le PCP, agissant comme une soupape de sécurité dans des actions isolées pour empêcher un mouvement unifié menaçant le gouvernement PS.

Le gouvernement Costa a été félicité par la troïka de l’Union européenne (UE), du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE) pour avoir pratiquement réduit à zéro le déficit budgétaire du Portugal. En réponse à la vague de grèves, Costa a déclaré que la reprise économique du pays ne signifiait pas toujours que « tout est possible pour tout le monde ».

La principale réalisation du gouvernement Costa a été de rembourser par anticipation les 78 milliards d’euros octroyés au Portugal pour renflouer ses banques après la crise financière de 2008, tout en prétendant être « anti-austérité ». Cela est dû au fait qu’il a concédé quelques centaines de millions pour relever le salaire minimum à 600 euros par mois – toujours le plus bas d’Europe occidentale – augmenter certaines pensions de retraite de 10 euros par mois et engager une reprise des promotions dans les échelons du secteur public sur plusieurs années. La plupart des mesures d’austérité imposées depuis 2008 demeurent en place. Le parti BE de pseudo-gauche a voté presque à l’unanimité pour s’allier au PS lors de l’élection d’octobre prochain.

La « reprise » de l’économie portugaise repose sur des taux d’intérêt bas, un assouplissement quantitatif, et une augmentation du tourisme et des investissements étrangers s’appuyant sur une main-d’œuvre intérimaire à bas salaire. La Banque du Portugal prévoit maintenant que l’économie ralentira chaque année pour atteindre environs 1,5 pour cent en 2021, soit environ la moitié du chiffre actuel, alors que la dette publique ne bougera toujours pas, à 125 pour cent du PIB.

Parallèlement, le salaire moyen à Lisbonne est de 860 €, pas beaucoup plus que le minimum, avec une forte augmentation de l’emploi précaire, des coûts de logement et de menaces d’expulsion. Près de 20 pour cent des jeunes sont au chômage et des dizaines de milliers ont émigré.

Pour endiguer la colère sociale grandissante, le gouvernement a trouvé un accord avec Facebook pour la fermeture du site Web des organisateurs des Gilets jaunes et a déployé massivement 20 000 agents des forces de l’ordre dans un pays qui compte une population de 10 millions d’habitants. Il a déclaré que seuls 25 points de rassemblement dans 17 villes du pays seraient autorisés, tandis que l’armée de l’air a annoncé la création de zones d’exclusion de six kilomètres autour des principaux aéroports.

Sous le slogan Vamos Parar Portugal (qu’on paralyse le Portugal), les manifestations ont appelé à des augmentations beaucoup plus importantes du salaire minimum national et des retraites. Dans la capitale de l’Algarve, Faro, environ 100 personnes ont réclamé « Réduire le coût du carburant », « Augmenter le salaire minimum », « Réduire la TVA », « Abolir le péage autoroutier », « Non à la corruption » et « Mettre fin aux partenariats public-privé (PPP). »

En réponse, Arménio Carlos, secrétaire général du syndicat CGTP et membre du comité central du Parti communiste portugais, a déclaré : « Au lieu d’exiger le progrès et la justice sociale, ils soutiennent des positions d’extrême droite visant à la régression sociétale et civilisationnelle » en faisant référence aux Gilets jaunes.

« C’est une opération d’extrême droite », a déclaré Francisco Louçã, dirigeant du Parti socialiste révolutionnaire de 1978 à 1998, un parti pabliste, et fondateur du BE. « Ils utilisent les médias sociaux pour susciter une politisation agressive à base de termes d’extrême droite. »

En Catalogne, le gouvernement espagnol du Premier ministre Pedro Sanchez du Parti socialiste, a également réagi par la répression policière contre des manifestants indépendantistes qui protestaient contre sa décision de tenir un conseil des ministres dans le centre de la capitale régionale, Barcelone. Neuf mille policiers supplémentaires ont été mobilisés pour attaquer des manifestants qui ont bloqué les routes de la région et se sont heurtés contre la police antiémeute à Barcelone.

Au moins 12 manifestants ont été arrêtés et de nombreux autres blessés dans les affrontements au cours du rassemblement à Barcelone, a annoncé la police régionale de Mossos d’Esquadra. Trente policiers ont été blessés, a-t-elle ajouté. La police a employé des matraques et des boucliers et des parties de la ville ont été fermées par la police. Certains manifestants portaient des gilets jaunes en clin d’œil aux Gilets jaunes en France et le drapeau jaune de la Catalogne, avant une manifestation pour l’indépendance prévue le soir même.

Ce jour-là, une grève déclenchée sur le réseau ferroviaire espagnol Renfe a entraîné l’annulation de 571 trains, soit environ 30 pour cent de ceux initialement prévus. La veille, les syndicats CCOO et UGT avaient conclu un accord avec les employeurs pour suspendre la grève, mais les grèves ont eu lieu sous le signe du syndicat anarcho-syndicaliste CGT.

L’éruption de colère sociale et l’hostilité envers les partis et les syndicats existants est palpable dans toute l’Europe. Mais pour avancer, il faut le développement d’un axe de lutte indépendant unissant la classe ouvrière à travers le continent sur la base d’un programme socialiste et de la constitution de comités d’action, afin de jeter les bases dans la classe ouvrière d’une telle offensive unie en opposition à tous les gouvernements de l’Europe – qu’ils se disent de gauche, de droite ou du centre – et contre les tentatives de sabotage de ce mouvement par les syndicats pro-capitalistes et des partis de pseudo-gauches.

(Article paru en anglais le 22 décembre 2018)

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