Trump intensifie la confrontation sur la fermeture du gouvernement fédéral

Avec la fermeture partielle du gouvernement fédéral, qui en est à sa troisième semaine, et la perspective d’un vendredi sans salaire pour 800 000 travailleurs, le président Trump a intensifié sa campagne pour semer la peur et attiser le sectarisme contre les immigrants et les réfugiés.

La Maison-Blanche a demandé du temps aux chaînes de télévision nationales pour un discours, mardi soir, dans lequel Trump devrait défendre la construction d’un mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique en présentant les familles de réfugiés fuyant la violence et la pauvreté en Amérique centrale comme des terroristes et des criminels. Les trois réseaux d’information par câble, CNN, MSNBC et Fox News, et les quatre principaux réseaux de diffusion, ABC, CBS, NBC et Fox, ont tous accepté de diffuser le discours.

Les porte-parole de l’Administration de Trump, qui présentaient le discours en avant-première, se sont dispersés dans les programmes d’entrevues dimanche pour faire pression en faveur du mur frontalier, chacun répétant le mensonge éhonté selon lequel 4000 terroristes avaient été appréhendés en provenance du Mexique l’année dernière alors qu’ils essayaient d’entrer au pays.

Le caractère fallacieux de cette affirmation a été largement démontré. Même Fox News l’a réfuté, comme l’interviewer Chris Wallace l’a fait remarquer à la porte-parole de la Maison-Blanche, Sarah Sanders, que 4000 personnes figurant sur les listes de surveillance du gouvernement avaient été appréhendées alors qu’elles essayaient d’entrer au pays, la plupart dans les aéroports et non à la frontière mexicaine.

NBC News a rapporté que le nombre réel de ces détentions de « terroristes » à la frontière américano-mexicaine au premier semestre 2018 était de six personnes, et non des milliers invoquées par la Maison-Blanche pour justifier un mur frontalier.

Dimanche, la Maison-Blanche a adressé une demande officielle à la Chambre des représentants et au Sénat américain, demandant 5,6 milliards de dollars pour la construction du mur frontalier ainsi que 800 millions de dollars pour loger, nourrir et fournir des soins médicaux aux familles de réfugiés déjà en détention ou devant être emprisonnées au cours des neuf premiers mois de 2019.

Les représentants de l’Administration Trump ont présenté les huit cent millions de dollars comme une « concession » à la nouvelle Chambre contrôlée par les démocrates, qui a voté à plusieurs reprises pour rouvrir les ministères fédéraux qui sont totalement ou partiellement fermés, bien que chaque projet de loi adopté par la Chambre ait été bloqué pour examen au Sénat sous contrôle républicain par le leader majoritaire Mitch McConnell.

La menace implicite dans les négociations est que si Trump n’obtient pas les 5,6 milliards de dollars qu’il réclame pour le mur, il déclarera l’état d’urgence national, contournera le Congrès et ordonnera aux militaires de construire le mur avec les fonds déjà affectés au Pentagone. Cela représenterait un pas sans précédent dans la direction d’une dictature présidentielle.

Les Démocrates, pour leur part, ne s’opposent pas à la vendetta fasciste de Trump contre les immigrants ou à l’adoption de formes de gouvernement de plus en plus autoritaires. Ils ne disent pratiquement rien de l’emprisonnement massif de familles et d’enfants immigrés par Trump, du déploiement de troupes à la frontière, des raids de l’Administration dignes de ce que faisait la Gestapo, sur les lieux de travail, ou de son attaque contre le droit d’asile. Il y a un an, ils ont offert de soutenir 25 milliards de dollars pour construire le mur frontalier en échange d’une protection limitée contre l’expulsion des soi-disant « rêveurs » – des immigrants sans papiers amenés aux États-Unis alors qu’ils étaient enfants. Aujourd’hui, ils coupent les cheveux en quatre en disputant le nom des installations frontalières élargies : un « mur » ou une « clôture ».

Alors que Trump fait appel à sa base fasciste pour établir des formes autoritaires de gouvernement, les démocrates soutiennent le renforcement des pouvoirs des agences militaires et de renseignement et une intensification de la censure sur Internet.

Comme l’a souligné Bruce Ackerman, professeur de droit à Yale, dans une analyse publiée ce week-end dans le New York Times, une déclaration d’état d’urgence nationale tomberait sous le coup des dispositions de la loi de 1976 sur les urgences nationales, adoptée à la suite de la crise du Watergate pour limiter les déclarations du pouvoir présidentiel à motivation politique.

En vertu de cette loi, toute déclaration de ce type pourrait être votée immédiatement par la Chambre des représentants, désormais sous contrôle démocratique. Si la Chambre votait pour l’annuler, le Sénat serait tenu de voter dans un délai de 15 jours. La déclaration pourrait également faire l’objet d’un contrôle judiciaire. En d’autres termes, loin de régler la question, la déclaration de l’état d’urgence aggraverait le conflit politique au sein de l’élite dirigeante américaine à un degré sans précédent.

Mardi est un jour crucial dans la fermeture, non seulement à cause du discours de Trump ou du retour du Congrès après une pause de fin de semaine, mais aussi parce que si aucune mesure n’est prise pour rétablir le financement, il sera trop tard pour éviter un jour de paie sans solde le 11 janvier. Quelque 800 000 travailleurs ne recevront rien, environ la moitié d’entre eux étant en congés forcés, l’autre moitié étant obligés de travailler sans salaire.

Les personnes désignées comme « essentielles » comprennent la plupart des employés fédéraux des organismes de répression policière tels que le FBI, l’Administration des prisons, les Douanes et la protection des frontières, l’Immigration et l’application des lois douanières. Mais il comprend aussi 52 000 travailleurs pour la plupart faiblement rémunérés de l’Administration sécuritaire des transports (TSA) qui effectuent le contrôle des passagers et des bagages pour les voyages aériens. Sont également inclus les contrôleurs de la circulation aérienne et de nombreux autres travailleurs hautement qualifiés.

Un mouvement se développe parmi les travailleurs de la TSA, dont le salaire moyen n’est que de 30 000 dollars par an, pour refuser de travailler sans salaire. De plus en plus de travailleurs de la TSA se font porter malades, une action qui est entièrement spontanée et à laquelle s’oppose le syndicat qui est censé les représenter, l’American Federation of Government Employees.

Les articles de presse suggèrent que certains des plus grands aéroports ont été touchés, avec 150 agents de contrôle de la TSA qui ont appelé en se portant malades à l’aéroport JFK à New York et une augmentation des appels pour congé maladie à l’aéroport de Dallas-Fort Worth au Texas de 75 à 100 pour cent depuis Noël.

Les conditions se détériorent dans les parcs nationaux, où 16 000 des 19 000 employés, y compris la plupart des gardes forestiers et des équipes de recherche et de sauvetage, sont mis en congés forcés. L’Administration de Trump a choisi de garder les parcs ouverts de toute façon dans le but de minimiser l’effet de la fermeture sur le public. Toutefois, au cours de cet exercice de relations publiques, au moins sept personnes sont mortes, la plupart à la suite de chutes ou d’autres accidents.

Des décès accidentels ont été signalés dans les parcs nationaux de Glen Canyon, de Yosemite et des Great Smoky Mountains. Les quatre autres décès étaient des suicides.

Si la fermeture se prolonge jusqu’en février, avec d’autres jours de congé sans solde en vue les 25 janvier et 8 février, il est certain que les travailleurs fédéraux seront de plus en plus favorables au rejet du travail non payé. Les principaux syndicats d’employés fédéraux ont déjà intenté des poursuites judiciaires en soulignant le fait évident que le travail obligatoire sans salaire est une forme d’esclavage et une violation de la Constitution américaine. Mais les syndicats s’opposent à toute action des travailleurs fédéraux pour défendre leurs droits.

Une fermeture en février menacerait aussi directement la survie de millions de familles qui reçoivent des coupons alimentaires, puisque le programme est géré par le ministère de l’agriculture, l’un des ministères touchés par la fermeture, et cela dépend des crédits annuels du Congrès. Du point de vue des sadiques politiques de la Maison-Blanche, cependant, plonger des millions de familles de la classe ouvrière dans la faim est une évolution bienvenue, car elles cherchent depuis longtemps à détruire ce programme.

Le plus grand des syndicats de pilotes professionnels, l’Association des pilotes de ligne, a envoyé une lettre à M. Trump l’exhortant à mettre fin immédiatement à la fermeture, l’avertissant que cela menaçait « la sécurité, la sûreté et l’efficacité de notre système national d’espace aérien ». Outre les contrôleurs de la TSA et les contrôleurs aériens, l’Administration fédérale d’aviation emploie également du personnel de maintenance et gère une école de formation des contrôleurs aériens, qui a été fermée, coupant ainsi l’arrivée de nouveaux personnels dans les tours de contrôle, dans des conditions où des milliers de contrôleurs atteignent l’âge de la retraite.

Des journalistes du site web du World Socialist Web Site ont parlé avec des travailleurs de la région de Washington DC de l’effet de la fermeture d’une station de métro sur le système de transport en commun de Washington.

« La situation est affreuse. Le gouvernement ne devrait pas mettre à profit le salaire des travailleurs fédéraux pour construire le mur frontalier », a déclaré Kathy, une employée municipale de la banlieue de Washington.

Sharron, un employé du métro a également exprimé son dégoût. « Il y a tellement de choses qui ne vont pas avec le fait de retarder le paiement des gens pour avoir le mur », a-t-elle dit. « Même si le gouvernement se retrouve avec un mur, qu’est-ce qu’il va changer ? Rien. »

« Tout le monde dans ce pays est un immigrant », a ajouté Sharron, rejetant l’affirmation selon laquelle les immigrants sont responsables du « vol » d’emplois américains.

« La situation est vraiment frustrante », a déclaré Lynn, une employée fédérale qui est forcée de travailler sans salaire. « Vous n’allez pas résoudre les problèmes en prenant les travailleurs fédéraux en otage. J’ai des collègues qui peuvent à peine payer leurs factures en ce moment. Ils vivaient de salaire en salaire ».

« Je travaille pour le gouvernement fédéral depuis 35 ans ; mon mari est retraité de la Marine. Pour l’instant, aucun de nous ne veut que son fils serve. Dans l’état actuel des choses, il n’est pas encourageant pour les jeunes adultes de vouloir servir le gouvernement à quelque titre que ce soit, que ce soit comme enseignant, comme travailleur social ou dans l’armée ».

(Article paru d’abord en anglais le 8 janvier 2019)

À lire également :

Mobiliser la classe ouvrière contre la fermeture du gouvernement américain

[8 janvier 2019]

Loading