Après l’arrêt de travail pour protester la fermeture de l’usine GM d’Oshawa

Les travailleurs de l'automobile se font servir le poison du nationalisme canadien à un rassemblement à Windsor

Les hauts dirigeants du syndicat Unifor ont utilisé un rassemblement vendredi à Windsor, en Ontario, soi-disant appelé pour s'opposer à la fermeture des usines de GM, comme tribune pour promouvoir le nationalisme canadien. Le rassemblement a eu lieu de l'autre côté de la rivière Detroit, en face du siège social mondial de General Motors à Detroit, où se tenait une réunion d’actionnaires.

Manifestants à Windsor

Le rassemblement a eu lieu dans la foulée d'une grève sauvage des travailleurs de l'usine GM d'Oshawa, en Ontario, dont GM a prévu la fermeture. Les travailleurs ont organisé un «arrêt de travail» mardi, arrêtant la production de l'usine qui emploie 2600 personnes, suite à une annonce de GM réaffirmant son intention de fermer l'usine plus tard cette année, qui était autrefois l'une des plus grosses usines automobiles au monde.

Bien que la presse estime que plus de 1000 personnes aient assisté au rassemblement de Windsor, il semble qu'il n'y en ait eu encore un peu moins. Il est évident qu'Unifor n'a pas fait grand-chose pour publiciser la manifestation dans une ville où il y a des milliers de travailleurs de l’auto de Ford et Fiat Chrysler, dont 6000 seulement à l’usine de fourgonnettes de Chrysler, laquelle était fermée cette semaine.

Unifor a adopté le slogan «Vendre au Canada, construire au Canada». Le syndicat a imprimé des centaines de vestes avec le slogan «Le Canada n'a pas renfloué GM pour déplacer nos emplois au Mexique». Dans une raillerie raciste évidente contre les travailleurs mexicains, une femme vêtue de vêtements mexicains stéréotypés, y compris un grand sombrero, se tenait près de la plate-forme des orateurs.

Soulignant davantage son orientation nationaliste, Unifor n'a lancé aucun appel à une lutte commune avec les travailleurs de l'automobile américains de l'autre côté de la rivière Detroit qui font face à la fermeture de l'usine Detroit-Hamtramck.

Unifor a fait venir en autobus environ 300 travailleurs d'Oshawa pour la manifestation. En effet, la tenue d'un rassemblement à Windsor, à des centaines de kilomètres de l'usine d'Oshawa, semblait être un geste calculé pour dissiper la colère des travailleurs et les éloigner des installations, surtout dans la foulée de la grève sauvage.

Le président d'Unifor Jerry Dias s'adressant à la foule

En tant que conférencier principal, le président d'Unifor, Jerry Dias, a combiné des appels démagogiques vides à des appels aux actionnaires de GM et aux politiciens fédéraux et provinciaux, à qui il a demandé de «se regarder dans le miroir» pour voir s'ils en faisaient assez pour s'opposer à la fermeture de l’usine d’Oshawa. Il a ensuite exigé une rencontre pour discuter de la fermeture avec Doug Ford, le premier ministre conservateur d'extrême droite de l'Ontario, le premier ministre libéral canadien Justin Trudeau et la PDG de GM Mary Barra.

Dias n'a pas fait appel aux travailleurs américains de l'automobile, mentionnant à peine que quatre des cinq usines de GM qui devaient fermer leurs portes se trouvaient aux États-Unis, de même que la majorité des travailleurs salariés confrontés à la perte de leur emploi. Il n'a pas non plus mentionné l'annonce faite par Ford de la suppression de milliers d'emplois en Europe. Il n'a pas non plus appelé à quelconques actions syndicales de la part d'Unifor et n'a pas non plus mentionné les mesures prises par les travailleurs d'Oshawa.

En fait, au cours des semaines précédentes, Unifor s'est efforcé de convaincre GM que le syndicat peut aider à réduire les coûts de production au Canada, notamment en poussant à la retraite les travailleurs plus âgés et mieux rémunérés et en faisant rentrer des travailleurs à un niveau salarial inférieur moins bien payés.

Une partie du rassemblement à Windsor

Une équipe de campagne du Parti de l’égalité socialiste a distribué des copies du bulletin du WSWS Autoworker Newsletter avec l'appel lancé par le Comité directeur pour des comités de la base pour une manifestation unissant les travailleurs de l'automobile américains et canadiens le 9 février au siège de GM à Detroit. Il contenait également un appel aux travailleurs canadiens de l'automobile à rejeter le nationalisme d'Unifor et à se joindre à leurs frères et sœurs américains et mexicains en formant des comités d'usine de la base indépendants.

Contrairement aux représentants d’Unifor, les travailleurs canadiens de l'automobile ont chaleureusement accueilli l'appel à un mouvement international unifié.

Un travailleur de GM Oshawa a dit qu'après avoir arrêté le travail mardi, la direction a dit aux travailleurs de rentrer chez eux, mais tout le monde a décidé de rester. Puis, le lendemain, Unifor est venu demander aux travailleurs de s'inscrire pour prendre l'autobus en direction de Windsor.

Il a dit qu'il était «absolument d'accord à 100 %» pour unir les travailleurs américains et canadiens dans une lutte commune contre GM. «Je pense que c'est la prochaine étape. Il s'agit de garder des emplois. Les gens ne peuvent pas vivre s'ils n'ont pas un emploi pour subvenir aux besoins de leur famille.»

Lisa, une travailleuse de Leamington en Ontario, est venue appuyer la lutte des travailleurs de GM. Elle s'est prononcée contre la diabolisation des travailleurs immigrés. «D'où je viens, nous avons des milliers de travailleurs immigrés qui viennent des Caraïbes et d'Amérique du Sud et les entreprises les exploitent à fond.

«Ces travailleurs sont forcés d'accepter des salaires extrêmement bas et de mauvaises conditions de travail et ils ne peuvent rien y faire. Ce ne sont pas les travailleurs mexicains qui posent problème. Ils sont terriblement exploités, pires que nous.»

Rappelant les promesses faites à la suite du renflouement de l’industrie 'automobile, elle a noté: «Cette année, ils ont fait 6 milliards de dollars de profits. Auraient-ils pu se contenter de 5 ou 4 milliards de dollars ? Combien de profit est suffisant ? Quand est-ce que ça revient aux travailleurs ? Je vais vous le dire, ce n'est jamais assez. Il y a tellement de cupidité de la part des entreprises, pendant que les travailleurs essaient de s'en sortir, d'envoyer leurs enfants à l'université et vous ne pouvez plus le faire. Ce n’est plus possible de vivre une vie normale.»

Bien que Lisa ait dit qu'elle se considérait «pro-syndicale», elle a convenu qu’Unifor ne semblait pas agir dans l'intérêt des travailleurs.

Un t-shirt d’Unifor arborant un slogan anti-mexicai

Elle a également souscrit à l'appel lancé par le WSWS Autoworker Newsletter pour l'unification des travailleurs au-delà des frontières dans une lutte commune contre les fermetures d'usines. «Ces personnes [les responsables syndicaux] ne sont pas militantes. Ce dont nous avons besoin, c'est de ces gilets jaunes ici», a-t-elle dit en faisant référence aux protestations des travailleurs français. «Nous devons leur montrer que les ouvriers sont unis et militants, comme ils l'ont fait là-bas.»

Le WSWS Autoworker Newsletter a également parlé à un certain nombre de travailleurs de Fiat Chrysler employés à l'usine de fourgonnettes de Windsor qui sont venus pour manifester leur soutien à leurs collègues chez GM. Les travailleurs de Windsor Chrysler sont actuellement sur des quarts de courte durée, car l'entreprise «ajuste» ses inventaires.

Un jeune travailleur a dit qu'il avait travaillé à l'usine pendant seulement cinq mois, après avoir travaillé dans une usine de pièces pendant cinq ans auparavant.

«Nous ne travaillons plus des journées complètes de huit heures. J'espérais que ça s'arrêterait, mais on dirait que ce n'est pas supposé arriver. Personne ne veut perdre son emploi. Je ne veux pas que GM quitte, c'est sûr.»

Des pancartes au rassemblement

Lorsqu’on l’a interrogé sur la lutte pour l'unité internationale des travailleurs de l'automobile, il a répondu: «C'est pourquoi nous sommes ici.»

Une travailleuse de longue date de Windsor Fiat Chrysler a déclaré: «J'ai peur pour mon emploi. Nous devons pouvoir nourrir nos familles. Ils ne font que laisser les gens en plan. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour nous y opposer.»

Répondant à l'affirmation d'Unifor selon laquelle les travailleurs canadiens se faisaient prendre leurs emplois par des travailleurs mexicains, elle a répondu: « Je ne pense pas qu'ils volent nos emplois. On ne devrait pas être montés les uns contre les autres.»

Une autre travailleuse de Chrysler s'est dite préoccupée par le faible taux de participation au rassemblement: « Il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas 6000 personnes ici. Nous sommes mis à pied cette semaine. Quand ça va nous arriver, qui va nous défendre ?»

(Article paru en anglais le 12 janvier 2019)

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