Perspectives

La lutte des classes mondiale en 2019

L’année 2019 commence par une vague de grèves, de manifestations et d’autres expressions de la lutte des classes dans le monde.

En France, les manifestations des «Gilets jaunes» entrent dans leur 10e semaine, avec au moins 85.000 manifestants dans tout le pays ce week-end dernier, la deuxième semaine consécutive où le nombre de manifestants a augmenté. Les gilets jaunes ont été rejoints par les protestations des enseignants «Stylos rouges» contre la stagnation des salaires et les conditions terribles dans les écoles publiques.

En Inde, des dizaines de millions de travailleurs ont participé la semaine dernière à une grève de deux jours contre la politique de droite du gouvernement suprématiste hindou du BJP de Narendra Modi. Les mineurs, les travailleurs du secteur manufacturier, les travailleurs des transports, les fonctionnaires et bien d’autres ont participé à l’une des plus grandes grèves de l’histoire.

Au Mexique, les grèves et les occupations d’usines se propagent dans les usines «maquiladora», centrées sur une grève sauvage de 70.000 travailleurs de 45 usines dans la ville de Matamoros, juste de l’autre côté de Brownsville, au Texas. Les travailleurs ont appelé à une grève générale à partir d’hier.

Aux États-Unis, 33.000 enseignants du District scolaire de Los Angeles, le deuxième plus grand district du pays, ont entamé une grève lundi, tandis que des milliers d’enseignants et leurs partisans ont participé à des manifestations dans la ville d’Oakland, en Californie du Nord, contre l’attaque de l’éducation publique.

Les médias mettent en garde contre un nouveau «printemps des enseignants» après les grèves et manifestations de l’an dernier en Virginie occidentale, Arizona, Oklahoma et dans d’autres États. Mais cette fois-ci dans des États contrôlés par le Parti démocrate. La colère des enseignants — appuyée par les étudiants et les travailleurs — s’ajoute à l’opposition croissante de 800.000 travailleurs fédéraux en congé forcé ou travaillant sans solde, alors que le gouvernement est fermé depuis plus de trois semaines.

Parmi les autres manifestations d’opposition de la classe ouvrière, on peut citer une grève des agents de sécurité dans les aéroports allemands qui a perturbé mardi le trafic aérien dans toute l’Europe; une grève de 3.700 médecins en Nouvelle-Zélande, qui suit des protestations et une grève de 24 heures des infirmières l’an dernier; des grèves qui s’étendent dans les mines d’or et de platine d’Afrique du Sud; et des manifestations de masse au Zimbabwe contre une forte augmentation du prix du carburant.

Ces développements confirment déjà l’analyse faite par la WSWS dans sa déclaration du 3 janvier, «La stratégie de la lutte des classes internationale et la lutte politique contre la réaction capitaliste en 2019», que les premières manifestations de troubles sociaux en 2018 se poursuivraient au cours de la nouvelle année. Le WSWS a écrit : «Longtemps étouffée et ignorée, la classe ouvrière commence à affirmer ses intérêts indépendants. L’éruption de luttes sociales de masse en France, aux USA et à l’international marque le début d’une nouvelle ère révolutionnaire».

Les marxistes étudient la lutte des classes comme un processus objectif dont la forme et le caractère découlent de la nature de la société capitaliste. Il y a une logique dans le développement de la lutte des classes et une compréhension consciente de cette logique est nécessaire pour orienter la pratique du mouvement socialiste et des couches avancées de la classe ouvrière.

Plusieurs aspects de la lutte des classes sont devenus de plus en plus clairs au cours de l’année écoulée.

Premièrement, la lutte des classes se développe en tant que processus international. La mondialisation de la production capitaliste a intégré l’économie mondiale à un degré extraordinaire, liant ainsi entre eux les destins de tous les pays. Ce ne sont pas seulement les transactions commerciales qui ont été mondialisées mais la lutte de classe elle-même, tant sur le fond que sur la forme. Les travailleurs, exploités par les mêmes entreprises, ont également à leur disposition des méthodes de communication mondiale sans précédent grâce à la prolifération de l’accès à l’Internet.

Deuxièmement, la croissance de la lutte de la classe ouvrière prend la forme d’une rébellion contre les syndicats et les organisations existantes qui, depuis quatre décennies, s’efforcent de supprimer toute opposition aux politiques de l’élite dirigeante capitaliste.

Au Mexique, les grèves sont de nature insurrectionnelle, les travailleurs affichant des déclarations sur les médias sociaux qui dénoncent les syndicats pour avoir volé leur argent. En France, la pérennité des manifestations des vestes jaunes est due au fait qu’elles se sont développées indépendamment et en opposition aux syndicats et à leurs organisations politiques affiliées. Aux États-Unis, les syndicats d’enseignants, dirigés par des individus dont les revenus les placent parmi les cinq premiers pour cent, voire le premier pour cent de la population, ont tout fait pour empêcher une grève à Los Angeles et font maintenant tout ce qu’ils peuvent pour l’isoler, comme ils l’ont fait lors des luttes des enseignants l’an dernier.

L’insurrection croissante des travailleurs contre les syndicats réfute tous ceux qui prétendent qu’ils restent des «organisations de la classe ouvrière».

Troisièmement, ce qui motive ces luttes, ce n’est pas seulement des problèmes sur le lieu de travail. Elles sont animées par une colère profonde et croissante face à la hausse massive des inégalités sociales et entrent de plus en plus en conflit direct avec le système capitaliste même. La logique de ces luttes est donc de mettre les travailleurs en conflit avec l’ensemble de l’appareil politique de la classe dirigeante.

Enfin, et c’est de la plus grande importance, la croissance de la lutte des classes fait exploser toutes les théories anti-marxistes des représentants intellectuels et politiques de la classe moyenne aisée, qui nient, en faveur de la politique de la race et du genre, le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière et la place centrale des divisions de classes dans la société capitaliste. Les plus récentes se trouvent dans les écrits de Chantal Mouffe, le mentor idéologique de Syriza en Grèce et d’autres partis pseudo de gauche, qui propose un «populisme de gauche» basé sur le nationalisme et le rejet explicite de ceux qui «attribuent un privilège ontologique à la classe ouvrière [c’est-à-dire qui la caractérisent comme existant objectivement]».

Quelles conclusions doit tirer la classe ouvrière?

Premièrement, le développement de la lutte des classes exige la formation d’organisations indépendantes — des comités d’usine et d’action constitués par la base — pour coordonner et unifier chaque manifestation d’opposition, dans chaque pays et au niveau international.

D’importantes initiatives ont été prises à la fin de l’année dernière pour former de telles organisations indépendantes — la création d’un comité directeur de la Coalition des comités d’action par les travailleurs de l’automobile et d’autres travailleurs aux États-Unis, et la création d’un comité d’action pour organiser la lutte des travailleurs sri-lankais des plantations au Sri Lanka. Ces initiatives, qui ont vu le jour sous la direction du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), doivent être étendues et développées.

Deuxièmement, l’établissement de nouvelles organisations de lutte doit être lié à la construction d’une direction politique révolutionnaire dans la classe ouvrière — le CIQI et ses sections nationales, les partis de l’égalité socialiste. La croissance de la lutte de classe est un processus objectif, mais son développement en un mouvement révolutionnaire contre le capitalisme exige l’intervention du mouvement révolutionnaire, pour donner aux travailleurs la conscience subjective nécessaire des luttes objectives dans lesquelles ils sont eux-mêmes engagés.

Le CIQI a anticipé non seulement la croissance de la lutte des classes, mais aussi sa forme spécifique. «En théorie et dans la pratique», explique le communiqué du 3 janvier, «le CIQI a établi qu’il est le seul parti politique révolutionnaire de la classe ouvrière internationale et le seul représentant du marxisme véritable».

La croissance de la lutte de classe en 2019, propulsée par l'intersection des développements objectifs et de l'intervention du parti révolutionnaire, prendra une forme toujours plus ouvertement socialiste, internationaliste et révolutionnaire.

(Article paru d’abord en anglais le 16 jannvier 2019)

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