Royaume-Uni : Corbyn approuve un deuxième référendum après que May bloque le débat sur son plan pour le Brexit

Le dirigeant du Parti travailliste Jeremy Corbyn a soutenu un amendement qui demande que le Parlement puisse se prononcer sur la tenue d’un deuxième référendum. Ce référendum tranchera sur le maintien de l’appartenance à l’Union européenne (UE). Ce geste n’engage pas Corbyn à appuyer un référendum si un référendum devait avoir lieu. Cela est censé représenter le «vote du peuple» exigé par Tony Blair et sa fraction de l’aile droite de son parti. Le Parti travailliste le proposera comme une autre solution de rechange si le Parlement ne soutenait pas son plan de rechange pour le Brexit. Ce plan vise un accès en franchise de droits au marché unique européen par une union douanière, ou un autre accord qui remporte une majorité parlementaire.

Cependant, Corbyn a cédé une fois de plus à la droite de son parti. Cela risque d’aliéner les députés qui sont sceptiques quant à l’effet d’un deuxième référendum sur l’appui aux travaillistes. D’autant plus que cela survient après des sondages qui suggèrent que jusqu’à un tiers des électeurs travaillistes potentiels sont contre un deuxième vote.

Il ne parle plus d’exiger des élections générales, depuis la défaite d’un vote de défiance à l’égard du gouvernement du Premier ministre, Theresa May, la semaine dernière. Les députés de May qui soutiennent un Brexit sans accord et ceux du Parti unioniste démocrate (Democratic Unionist Party – DUP), ont soutenu son gouvernement après avoir voté contre son projet de Brexit.

Le plan de rechange de Corbyn pour le Brexit va maintenant faire l’objet d’une attaque féroce de la part des partisans de « Rester », qui l’affirment irréalisable au regard des règles de l’UE.

Les amendements des travaillistes sont arrivés après la présentation par May de son «plan B» pour le départ de la Grande-Bretagne de l’UE qui s’est avéré être plus ou moins une reformulation de son «plan A». Après le rejet de son accord de retrait et l’échec de son vote de censure ont obligé May de revenir à la Chambre des communes. Elle a dû faire une déclaration et répondre aux questions de plus de 100 députés pendant plus de deux heures. Les négociations avec les partis d’opposition ont continué lundi matin.

Ces pourparlers n’ont donné qu’une indication que l’extension de l’article 50 [du Traité de Lisbonne (actuellement deux ans depuis le 29 mars 2017)] et le report de Brexit pourraient être possibles. May avait affirmé que son accord négocié était la seule alternative à un Brexit sans accord – laissant l’UE sans accord commercial – et s’opposerait aux demandes d’un second référendum et obtiendrait une majorité pour ce faire.

Plutôt que de «retourner devant peuple britannique pour un second référendum… Notre devoir est de mettre en œuvre la décision du premier», a averti May. Agir autrement « pourrait nuire à la cohésion sociale en sapant la confiance dans notre démocratie », alors qu’elle ne « croyait pas qu’il existe une majorité pour un second référendum », même au Parlement.

May s’est surtout concentré sur l’apaisement des inquiétudes de sa faction favorable à un Brexit du et du DUP, dont elle dépend pour une majorité de 10 députés. Mais elle veillerait à ce que le «filet de sécurité » proposé, convenu avec l’UE sur le commerce avec la République d’Irlande. La. solution doit empêcher à la fois « une frontière dure entre l’Irlande du Nord et l’Irlande» et «une frontière à travers la mer d’Irlande» entre l’Irlande du Nord et le Royaume-Uni. De surcroît elle doit le faire «d’une manière qui puisse bénéficier du meilleur soutien possible dans le Parlement».

Les futures relations commerciales avec l’UE seraient également «plus précises», notamment en permettant aux parlementaires d’aider à définir «notre mandat de négociation». Enfin, en guise de concession pour amadouer les partisans de Blair pour justifier leurs discussions avec son gouvernement, elle accepterait un amendement proposé par le député John Mann. L’amendement déclare «que le Parlement devrait pouvoir examiner toute modification apportée par l’UE» à la législation sur l’emploi et l’environnement.

L’accord renégocié par May ne serait toutefois pas soumis à un vote le 29 janvier. Les négociations seraient en cours et elle se contenterait de déposer une déclaration ministérielle écrite et de «déposer une motion en termes neutres sur cette déclaration».

Dans son rôle de rédacteur en chef du Evening Standard, l’ancien chancelier conservateur en chef, George Osborne, a déclaré que May «ne prendra jamais les mesures nécessaires pour obtenir un appui multipartite important en faveur d’un accord Brexit. Car cela romprait davantage les conservateurs… ce qui signifie qu’elle serait en faveur de Brexit sans accord plutôt qu’aucun Brexit».

Cela a souligné que l’acceptation par Corbyn d’un deuxième référendum est essentielle pour renverser le Brexit. L’élite dirigeante britannique le considère comme vital parce qu’elle dépend de l’UE pour 40 pour cent de ses échanges commerciaux et pour attirer les investissements spéculatifs dans la City de Londres.

Plus tôt dans le débat, Corbyn semblait prêt à décevoir les hommes d’affaires que lui et le chancelier fantôme John McDonnell ont passé des mois à courtiser.

Répondant à la question de May, Corbyn a qualifié ses pourparlers multipartites – auxquels assistaient les partisans de Blair: Chris Leslie, Luciana Berger et Chuka Umunna – de «simulacre», lui a demandé de confirmer qu’elle exclut un «Brexit sans accord» si le Parlement adopte un amendement, et de «considérer» le cas pour un second référendum.

Des hommes d’affaires de premier plan ont été cités exprimant leur consternation face à l’impasse et au danger de voir le Royaume-Uni se laisse tomber hors de l’UE. Par conséquent ils feraient face à des tarifs commerciaux, des contrôles aux frontières et des échanges aux conditions de l’Organisation mondiale du commerce. Carolyn Fairbairn, directrice générale de la Confédération de l’industrie britannique, s’est plainte : «Le Parlement reste dans l’impasse alors que la pente jusqu’au bord d’une falaise s’intensifie. Le gouvernement devrait accepter qu’aucun Brexit sans accord en mars 2019 ne soit de mise.»

Dans le Financial Times, Robert Shrimsley a écrit à propos du «jour du jugement» de Corbyn et du «fait qu’il a été prise en défaut… Peut-être les conservateurs ont-ils la responsabilité du Brexit, mais si la Grande-Bretagne se laisser tomber hors de l’UE sans un accord, le dirigeant travailliste qui n’a pas réussi à le stopper sera aussi largement mis en cause.»

L’Allemand Der Speigel a écrit que : «ceux qui espèrent que Brexit peut encore être évité» veulent «attendre que toutes les tentatives de May pour parvenir à un compromis soient dans l’impasse avant de pousser pour un deuxième référendum à la dernière minute. Pour que cette stratégie fonctionne, ils ont toutefois besoin de l’appui du Parti travailliste, mais le chef du parti, Jeremy Corbyn, a opté jusqu’à présent pour un rôle beaucoup plus destructeur » – fondé sur sa conviction «qu’il a une chance de la remplacer comme Premier ministre».

Au sein du parti, le secrétaire fantôme du Brexit, Keir Starmer, a déclaré dimanche à l’émission «Andrew Marr Show» de la BBC que c’était «inévitable» que la date de sortie soit reportée, mais que les travaillistes devaient rapidement passer de l’échec de la demande d’élections générales à un soutien «à un vote public – c’est pour cela que nous avons fait passer notre politique de conférence vers un vote public…» pour remédier à cette situation.

Le député travailliste David Lammy a déclaré à Sky News que Corbyn était en train de «modifier les objectifs» en préparant un deuxième référendum. «C’est maintenant le temps de faire preuve d’autorité». En faisant référence aux plans en cours de ses alliés, les partisans de Blair dirigés par Umunna, il explique: «un petit groupe dans notre parti est tellement frustré et a tellement de griefs qu’on craint qu’il aille former un autre parti.»

Comme pour la formation du Parti social-démocrate, «le danger est, tout comme en 1983, qu’un nouveau parti construit autour d’une relation avec l’Europe maintienne le Parti travailliste hors du pouvoir pendant une génération.»

Ces bifurcations de dernière minute et ces menaces de scission ont rempli leur fonction. À 67 jours du Brexit prévu pour le 29 mars, une fois de plus, Corbyn a laissé tomber et s’unit à son aile droite.

Corbyn a également donné son appui tacite aux amendements proposés hier soir avec le but d’empêcher un Brexit sans accord à court terme. Parmi eux celui d’Yvette Cooper donnerait du temps pour un projet de loi qui fournirait au Parlement le pouvoir d’appuyer une prolongation de l’article 50. Cela donnerait à May jusqu’au 26 février pour faire adopter son entente par le Parlement, avant de donner aux députés le pouvoir de décider combien de temps il faut pour retarder le Brexit. Autre partisan de Blair, Hilary Benn a également déposé un amendement, demandant une série de votes indicatifs «sur la voie à suivre .

(Article paru d’abord en anglais le 22 janvier 2019)

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