Soutien à la grève des enseignants de Los Angeles

Les étudiants et la lutte pour défendre l’éducation publique

Depuis le début de la grève des 33.000 enseignants du district scolaire de Los Angeles le 14 janvier, un grand nombre d’étudiants se sont joints aux enseignants, orienteurs et autres travailleurs du monde de l’enseignement sur les lignes de piquetage et lors de rassemblements partout dans le district scolaire unifié de Los Angeles (Los Angeles Unified School District – LAUSD). De par leur position ferme, les enseignants parlent non seulement en leur nom, mais aussi au nom de tous les éducateurs et étudiants de Californie, des États-Unis et du monde.

L’Internationale étudiante pour l’égalité sociale (EJIES) appelle les jeunes à tendre la main aux enseignants en grève et aux autres sections de la classe ouvrière et de la jeunesse pour étendre cette lutte puissante. Nous appelons les enseignants et les jeunes à former des comités de grève de base pour étendre la grève dans tout l’État. Et nous appelons les travailleurs des États-Unis et du monde entier à s’unir dans une lutte commune.

Les étudiants et les enseignants en ont assez des conditions exécrables qui prévalent dans leurs écoles – qu’il s’agisse de l’augmentation du nombre d’étudiants par classe, de la réduction du financement pour l’achat de livres ou l’éducation spécialisée, ou encore du nombre insuffisant d’enseignants et d’infirmières à temps plein.

Les enseignants du district scolaire de Los Angeles se battent pour un salaire adéquat et le droit à une éducation publique de qualité. Une telle lutte ne peut qu’opposer les enseignants et les jeunes à l’ensemble du système économique et politique – le capitalisme – qui fait passer tous les aspects de la vie, y compris le droit à une éducation décente, après les intérêts lucratifs de la classe dirigeante constituée de milliardaires, de multimillionnaires, de dirigeants d’entreprises et de banquiers.

Cette lutte oppose également tous les défenseurs de l’éducation publique aux partis contrôlés par le monde des affaires – et à Los Angeles et en Californie en particulier le Parti démocrate qui contrôle tous les leviers du pouvoir politique, depuis le district scolaire au gouverneur, en passant par la municipalité et les deux chambres du Parlement de l’État.

Depuis des décennies, les gouverneurs et législateurs, de même que les maires principalement démocrates des grandes villes de l’État de la Californie ont systématiquement réduit le financement des écoles tout en accordant des milliards de dollars en réductions d’impôts aux grandes entreprises et aux 144 milliardaires de l’État. Cette politique a produit un environnement d’apprentissage médiocre servant maintenant à justifier la fermeture d’écoles et la prolifération d’écoles à charte à but lucratif pillant les fonds publics pour les transférer entre les mains du secteur privé. Parallèlement, des tests normalisés utilisés pour justifier le congédiement d’enseignants, l’éviscération des programmes d’art et de musique et une automatisation des programmes d’études sont devenus la norme en salle de classe.

Cette lutte pour l’éducation publique à Los Angeles fait suite à la grève du monde de l’enseignement qui s’est étendue l’an dernier d’un océan à l’autre aux États-Unis. En Virginie-Occidentale, en Oklahoma, au Kentucky, en Arizona et dans l’État de Washington, des dizaines de milliers d’enseignants ont débrayé pendant des jours et des jours avec des revendications similaires.

Comme dans ces autres luttes, la grève de Los Angeles révèle l’énorme gouffre qui sépare les efforts déployés par les enseignants pour obtenir des améliorations substantielles en ce qui a trait aux salaires, au financement des écoles et aux conditions en classe d’un côté et les actions de leurs syndicats comme l’American Federation of Teachers (AFT), la National Education Association (NEA) et le United Teachers Los Angeles (UTLA).

Les syndicats prétendent défendre les intérêts des enseignants, des parents et des étudiants, mais ils acceptent et défendent dans les faits le système capitaliste et sont politiquement alliés au Parti démocrate, le même parti qui mène l’assaut contre l’éducation publique de concert avec Trump et les républicains.

Plutôt que d’étendre la grève aux autres districts scolaires de l’État et du pays, l’UTLA, l’AFT et la NEA limitent et isolent en effet la lutte à Los Angeles, alors même que les enseignants d’Oakland mènent des grèves non autorisées par leur appareil syndical. Les responsables de l’UTLA refusent également de lutter pour les principales revendications du mouvement, à savoir la fin du développement des écoles à charte et l’abandon des tests normalisés, et ils collaborent avec le maire Eric Garcetti pour parvenir à un accord et mettre fin à la grève au détriment des enseignants et des étudiants.

Partout dans le monde, des enseignants et des étudiants au Kenya, en Tunisie, en Iran, en Inde, en Chine, en Nouvelle-Zélande et au Mexique s’opposent aux assauts contre l’éducation publique. Inspirés par les manifestations de masse des «gilets jaunes», des dizaines de milliers d’enseignants dans toute la France se sont joints à des groupes Facebook des «stylos rouges» pour s’opposer aux coupes budgétaires et aux mauvaises conditions de travail qui sévissent dans les écoles et appeler à une lutte commune.

Ces luttes, qui unissent les enseignants et les travailleurs de toutes races et nationalités, montrent que la division centrale aux États-Unis comme ailleurs dans le monde n’est pas la race ou le sexe. Ce qui domine partout, c’est la lutte des classes – la lutte entre la grande majorité de la population, composée de travailleurs et de jeunes – et la petite poignée d’exploiteurs capitalistes.

Dans chaque pays, les gouvernements capitalistes détournent des fonds pour enrichir l’oligarchie au pouvoir et gonfler les budgets militaires au détriment des travailleurs et des jeunes. Les étudiants et les jeunes ne connaissent que trop bien les conséquences de ces assauts. Les écoles, plutôt que d’être des lieux sûrs où tous peuvent avoir accès à une éducation de qualité et se développer librement, reflètent l’aggravation des conditions sociales du monde dans lequel nous vivons.

Tous les représentants politiques de l’establishment corporatif et financier, y compris le gouverneur Gavin Newsom et le maire Garcetti, affirment qu’il n’y a «pas d’argent» pour financer les écoles publiques. Mais saisir ne serait-ce qu’une fraction de la fortune privée de 71 milliards de dollars de Mark Zuckerberg, ce milliardaire californien PDG de Facebook, suffirait à doubler le nombre d’enseignants dans les écoles publiques de tout l’État et à engager des dizaines de milliers d’infirmières, d’orienteurs et autres membres du personnel dans le monde de l’enseignement.

Mais les démocrates, pas plus que Trump et les républicains, ne toucheront jamais à la fortune de ces milliardaires, même si c’est le travail collectif des travailleurs qui crée cette richesse. Les politiciens capitalistes fixent les limites du débat et les syndicats des enseignants ne font que collaborer avec eux pour élaborer des contrats de travail allant à l’encontre des intérêts de leurs membres.

Nous sommes rendus au point où trois personnes possèdent maintenant autant que la moitié la moins nantie de la population mondiale. Les écoles ne font que refléter cette inégalité grotesque. Les étudiants riches se voient offrir des écoles privées bien financées, une voie vers l’épanouissement personnel, des diplômes universitaires sans dette et des emplois salariés dans les six chiffres. En revanche, la plupart des étudiants proviennent de familles pauvres et ouvrières et n’ont accès qu’à des écoles sous-financées employant des enseignants surchargés de travail, soumis à une forte présence policière et connaissent un avenir marqué par de lourdes dettes d’études, des emplois mal payés ou la vie militaire.

Des billions de dollars sont affectés au financement d’opérations de guerre sans fin, des agences d’immigration et de sécurité frontalière et pour militariser la société dans son ensemble. Tandis que la jeunesse dénonce de plus en plus des problèmes sociaux et politiques comme les fusillades de masse et les raids contre les immigrants, la classe dirigeante réagit en engageant encore plus de policiers et en exerçant une surveillance accrue sur les campus.

Peu importe que ce soit Trump et les républicains ou Obama et les démocrates qui sont au pouvoir. Ces deux partis bourgeois mènent une guerre depuis plusieurs décennies contre la classe ouvrière au nom de la classe dirigeante. Aux yeux des super-riches, une génération de jeunes gens éduqués ayant une connaissance de l’histoire et déterminés à créer un monde meilleur est une menace mortelle pour leur richesse et leur pouvoir. C’est pourquoi ils veulent condamner la jeunesse ouvrière à l’ignorance et à la servitude.

Nous ne pouvons pas permettre que cela se produise.

Les enseignants ont commencé la lutte, mais ils ont besoin d’un programme révolutionnaire et de nouvelles organisations de lutte pour aller de l’avant. Tout d’abord, la solidarité des enseignants, des jeunes et de leurs familles doit se traduire par la création de comités de quartier et d’école de base. Ces comités doivent être indépendants des syndicats et des partis politiques, permettant ainsi aux enseignants et aux étudiants de s’associer à la grandeur des États-Unis pour défendre sans condition l’éducation publique pour tous. Les étudiants doivent présenter cette perspective politique aux rassemblements, sur les piquets de grève et dans les médias sociaux afin d’inspirer la création de tels comités.

Ensuite, cette lutte est une lutte politique, qui exige la mobilisation de toute la classe ouvrière – travailleurs des secteurs manufacturiers, des services, de la technologie et autres – dans une lutte contre les deux partis des grandes entreprises. Les affirmations de Bernie Sanders, d’Alexandria Ocasio-Cortez et d’organisations comme les Democratic Socialists of America (DSA) selon lesquelles le Parti démocrate peut être transformé en un parti progressiste ou même en un parti socialiste sont une fraude politique. Les démocrates sont bel et bien le parti de Wall Street et de la guerre – et en cela ils ne laissent pas leur place aux républicains.

Enfin, la grève du district scolaire de Los Angeles démontre la nécessité pour les jeunes et les étudiants de se battre pour le socialisme en rejoignant l’EJIES et en créant des associations sur les campus universitaires, dans les écoles secondaires et les collèges. La défense de l’éducation et de tous les droits sociaux se résume à la question de choisir entre le capitalisme et le socialisme: le système du profit privé et des divisions nationales du monde, ou le système de la propriété démocratique et de l’internationalisme. Nous luttons pour le socialisme, en unissant les luttes de la classe ouvrière et en jetant les bases d’un mouvement international de masse à la lumière de l’histoire, de la théorie et de la politique du socialisme authentique.

La défense de l’éducation publique ne peut triompher que par la transformation socialiste de la société, dans laquelle les ressources détenues par des intérêts privés doivent être saisies et placées sous le contrôle démocratique des enseignants et des travailleurs du monde de l’enseignement. C’est l’aboutissement logique de la bataille que mènent les enseignants, les étudiants et les travailleurs du monde de l’enseignement.

Les Étudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale exhortent tous ceux qui veulent défendre l’éducation publique, en Californie comme ailleurs dans le monde, à joindre ses rangs pour mener cette lutte cruciale.

(Article paru en anglais le 22 janvier 2019)

Loading